Les conditions de vie à la prison de Bordeaux, infestée de COVID-19, ne cessent de se dégrader alors que des détenus en isolement rapportent à nouveau être privés de douche.

« Ça va de pire en pire. Ils n’arrivent pas à contrôler les éclosions et pratiquement tous les secteurs [de la prison] sont touchés. Au moins à la première vague, on était capable de regrouper les cas positifs ensemble », lance d’emblée une avocate en droit criminel.
Elle a demandé l’anonymat par crainte que ses clients en subissent les conséquences à l’Établissement de détention de Montréal, connu sous le nom de prison de Bordeaux.
Sur les quelque 800 personnes incarcérées actuellement dans ce centre, 326 étaient confinées dans leur cellule selon le ministère de la Sécurité publique. Il y avait 129 cas actifs parmi les détenus et 15 parmi les employés d’après les données publiées hier sur le site du gouvernement.
20 jours sans douche
Comme lors de la première vague, des détenus rapportent à nouveau ne pas avoir eu accès à des douches depuis des semaines.
« Mon fils en était à 20e journée sans douche [hier]. Il ne demande pas de se laver tous les jours, mais au moins avoir un minimum. Je comprends qu’il a fait des choses pas correctes, mais il a quand même des droits. Ce n’est pas un chien », lance Chantal, qui a préféré taire son nom de famille.
De son côté, l’avocate Alexandra Paquette confirme avoir des clients en isolement qui n’ont pas eu accès à une douche depuis plus de deux semaines.
« C’est inhumain comme conditions », laisse-t-elle tomber.
De nouveaux détenus ont également relaté à leur avocat, Teddy Tabet, ne pas avoir eu accès à une douche pendant des jours lorsqu’ils sont arrivés à Bordeaux.
« À leur arrivée à la prison, ils doivent être placés en quarantaine avant d’aller dans un secteur. Et plusieurs m’ont confirmé ne pas avoir eu accès à une douche, ne serait-ce que 5 minutes, pendant 10 à 12 jours », dit-il.
Les avocats déplorent par ailleurs que leurs clients en isolement n’aient pas accès au téléphone, eux qui ont des difficultés à les rejoindre.
« Depuis le 5 février, je suis sans nouvelles d’un client qui avait la COVID-19. Ce n’est pas parce que je n’ai pas essayé. C’est littéralement impossible d’entrer en contact avec eux », confie l’avocate en droit criminel.
Contraire aux recommandations
Pourtant, les personnes incarcérées devraient continuer d’avoir accès aux douches au moins deux fois par semaine ainsi qu’à des appels téléphoniques pendant leur isolement, selon un document, dont le Journal a obtenu une copie, de recommandations émis par la Santé publique de Montréal à l’Établissement de détention de Montréal.
« Je suis un peu surpris de ce que j’entends. C’est clair que dans les directives qu’on a, les détenus — même ceux qui sont positifs — ont accès à des douches à tour de rôle. Dans la mesure du possible, la Santé publique recommande deux douches par semaine par détenus confinés », souligne Mathieu Lavoie, président du syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.
Le ministère de la Sécurité publique n’avait pas répondu à nos questions au moment de publier.