Mutineries en prison, l'Italie sous le choc

Les révoltes dans les établissements pénitentiaires ont fait 13 morts et 69 blessés parmi les détenus lors du premier confinement

Loi de la jungle

Surpopulation, vétusté extrême, usage disproportionné de la force, manque de soins ... Les associations dénoncent des dérives dans le fonctionnement des prisons italiennes, bien loin de remplir leur objectif constitutionnel de réinsertion des détenus.

Francesco Maselli Milan)

LE 6 AVRIL 2020, EN PLEINE PREMIÈRE vague de Covid, la prison de Santa Maria Capua Vetere, près de Naples, est le théâtre d'une scène choquante. Les caméras de surveillance filment des dizaines de policiers s'acharner contre des détenus à genoux, incapables de se défendre. Les forces de l'ordre leur assènent coups de poing, de pied et de matraque. Même une personne en fauteuil roulant n'est pas épargnée.

La veille des faits, les détenus avaient protesté, sans violence, contre la désorganisation régnant dans la prison, demandant des masques et des tests, alors que le premier cas de Covid venait d'être détecté. Ce qui avait, à l'époque, été qualifié de « perquisition extraordinaire générale » par l'administration n'était en fait que des représailles menées par 243 policiers.

La vidéo, diffusée mardi par le quotidien Domani, est désormais au centre du débat.

Santa Maria Capua Vetere est un grand institut pénitentiaire, surpeuplé comme souvent dans le pays : ses 809 places sont occupées par 933 détenus, dont 195 étrangers. Selon l'association Antigone, cette prison offre des conditions d'hygiène inacceptables: elle n'a même pas l'eau potable.

Luigi Romano, avocat et président d'Antigone en Campanie, affirme que les prisons sont toujours sur un fil: « La police a un pouvoir absolu dans leur gestion, le système est structuré par le maintien de l'ordre et le rapport de force. La violence est une des déclinaisons de l'usage de la force, qui est la solution reine pour résoudre les conflits à l'intérieur des établissements. »

Suspension des visites. Un constat qui contraste avec la constitution italienne, pour laquelle une peine doit servir à la « rééducation du condamné». Selon Luigi Romano, cette violation du texte fondamental est due au « désinvestissement de l'Etat dans les politiques de réinsertion et d'humanisation des détenus. Educateurs, médecins et psychiatres sont peu nombreux et ont peu de poids dans la gestion du système. Une situation aggravée par la surpopulation et l'état de santé des détenus, souvent affectés par des troubles psychiatriques. »

La poudrière explose au moment le plus dur du confinement, fin mars 2020, quand des détenus italiens se révoltent pour protester contre les restrictions dues à la Covid. Deux motifs déclenchent alors les violences: l'absence de distanciation physique et la suspension des visites des proches sans préavis, ni motivation. Le bilan des mutineries est très lourd: 13 morts et 69 blessés parmi les détenus, des dizaines de blessés dans les rangs de la police.

Ces révoltes et la réaction de la police à Santa Maria Capua Vetere sont éminemment liées, explique à l'Opinion un magistrat italien proche du dossier: « Il est évident que l'action policière se voulait punitive et intimidante. Elle est intervenue dans un contexte de grande difficulté pour l'administration pénitentiaire, affaiblie par les mutineries de mars. On ne mobilise pas 250 agents sans signature d'un haut fonctionnaire. C'est une démonstration de force pensée pour envoyer un message. Un Etat de droit ne se comporte ainsi. »

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L'affaire est désormais devenue politique.

En poste depuis février, la ministre de la Justice, Marta Cartabia, a qualifié ces scènes de «honte». Alfonso Bonafede, son prédécesseur, est au centre des critiques. A l'époque, il avait considéré l'intervention de la police comme « une action nécessaire au rétablissement de la légalité». Les dénonciations des détenus ont finalement déclenché une enquête: 52 policiers et fonctionnaires sont mis en cause, et 26 ont été arrêtés.

@FrMaselli 

L’OPINION - 2 juillet 2021

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