La Cour de cassation a confirmé ce principe. Un député veut aller plus loin pour « protéger les enfants » du risque d’embrigadement.
Agnès Leclair
JUSTICE La radicalisation religieuse est un motif grave susceptible de suspendre le droit de visite et d’hébergement d’un parent séparé. La Cour de cassation a confirmé ce principe le 10 février, en rejetant le pourvoi d’un homme de confession musulmane qui réclamait la fin de la suspension de son droit de visite et d’hébergement et la mise en place par téléphone ou Skype d’une communication avec son fils mineur.
Ce dernier, parti avec sa mère à La Réunion, vit aujourd’hui loin de lui. Ses droits avaient été suspendus par un jugement de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion datant de 2019.
Un père divorcé peut donc être privé de relations avec son enfant en raison de son discours de dénigrement à l’encontre de son ex-femme auprès de son fils et de son discours islamiste radical, a souligné la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Pour trancher, la Cour de cassation s’est appuyée sur l’enquête sociale qui avait mis en évidence que cet habitant du Gers « s’était vu refuser l’accès à la salle de prière de sa commune à la suite de discours préoccupants auprès de jeunes », selon plusieurs témoins, et qu’il pouvait « adopter un comportement menaçant ». Cette enquête pointait également les propos « particulièrement dénigrants » envers son ex-femme, allant « jusqu’à lui refuser sa qualité de mère », « ce qui suscitait chez l’enfant un comportement agressif ». Le père, de son côté, a dénoncé par la voix de ses avocats un « procès en islamophobie » et a fait valoir qu’il n’était pas fiché S.
« Risque d’emprise »
En 2017, la cour d’appel de Versailles avait déjà retiré le droit de visite et d’hébergement d’un père proche d’une mouvance islamiste radicale et qui avait tenté de partir faire le djihad en Syrie. L’avocate de la mère, Me Samia Maktouf avait alors estimé qu’il était temps que les juges aux affaires familiales prennent la dimension de ces drames sociaux.
Ce type de décisions aurait cependant besoin d’être conforté dans la loi, selon le député LREM Ludovic Mendes. Dans le cadre de la loi « séparatisme », il a déposé plusieurs amendements pour faciliter le retrait des droits parentaux des parents fondamentalistes. Un retrait définitif pour les personnes condamnées pour terrorisme et au moins temporaires pour celles condamnées pour apologie du terrorisme.
« La priorité, c’est l’intérêt de l’enfant. On ne peut pas traiter le séparatisme sans protéger ces enfants qui risquent d’être embrigadés dès leur plus jeune âge. Les enquêtes sociales pour savoir si les enfants vont bien quand leurs parents font l’objet d’une procédure pénale dans les affaires de radicalisation sont trop rares. Pourtant, il existe un risque évident d’emprise et d’aliénation sur ces enfants, plaide l’élu de la Moselle. Il faut se donner le moyen de protéger ses enfants pour empêcher leur embrigadement. C’est une bombe à retardement. » Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, il avait d’ailleurs martelé que ce drame était « parti d’une gamine endoctrinée ». Le député mise à présent sur deux autres textes pour faire aboutir ses amendements, le projet de loi sur la réforme de la justice et la loi sur la sécurité globale.
LE FIGARO - 6 mars 2021