Marine Le Pen promet plus de «fermeté» dans les peines, face à un «laxisme» supposé des autorités. Une recette loin d’avoir démontré son efficacité.
Chloé Pilorget-Rezzouk
A quoi ressemblerait une France sous l’extrême droite de Marine Le Pen ? En matière de politique pénale, un unique horizon : la répression. Retour des peines planchers, suppression des réductions et des aménagements de peine, perpétuité réelle… «Dès mon élection, toute violence, même mineure, sera sanctionnée sans la moindre complaisance», promet dans son projet présidentiel la candidate du Rassemblement national, pour qui seuls «deux types de peines peuvent être compris par les délinquants et les criminels : les amendes et la prison ferme.» En somme, un programme axé sur le tout-carcéral et fondé sur «la ritournelle habituelle et infondée du laxisme des juges, de l’augmentation de la violence et du nombre de délinquants, et des peines non exécutées», résume le secrétaire national du Syndicat de la magistrature (SM), Nils Monsarrat.
Marine Le Pen souhaite notamment recourir à de très courtes peines d’emprisonnement, après la suppression de celles inférieures à un mois par la loi du 19 mars 2019. «Il est démontré que les très courtes peines de prison, une ou deux semaines, un, deux ou trois mois, permettent d’enrayer les parcours délinquants et que cela a donc un impact bénéfique», est-il écrit dans son programme. Une affirmation infondée et fausse.
Logique répressive
Les courtes peines, pour la plupart issues des comparutions immédiates, sont au contraire «inutiles et nocives, tant pour la personne condamnée que pour la société», dénonçait Adeline Hazan, alors contrôleure générale des lieux de privation de liberté. «Au mieux, ça les déstructure - elles perdent leur travail, leurs attaches, rompent avec leur famille - au pire, elles augmentent leur carnet d’adresses derrière les barreaux», pointe le sociologue Christian Mouhanna du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales.
Quant à l’accusation de laxisme, «aujourd’hui, 26 % des personnes détenues purgent des peines de moins de six mois», rappelle la directrice de l’Observatoire international des prisons (OIP), Cécile Marcel. Contrairement à «l’aversion pour la prison» qui sévirait en France, selon Marine Le Pen, la France conserve un taux d’incarcération élevé (105,3 pour 100 000 habitants) - supérieur à l’Allemagne (76,2) les Pays-Bas (59), la Finlande (49,9), la Belgique (93,6) - même si elle recourt de façon croissante aux «alternatives» à l’incarcération. Beaucoup de voisins européens s’inscrivent désormais dans des politiques de décroissance carcérale, car «ils se sont rendu compte que l’incarcération de masse ne fonctionne pas et coûte cher», poursuit Cécile Marcel. Selon des études, 63 % des personnes ayant fait de la prison ferme sont condamnées à nouveau dans les cinq ans, quand la récidive est moindre pour des peines de probation, en milieu ouvert, et préconisées par le Conseil de l’Europe. «Les aménagements de peine et alternatives à la prison (bracelets électroniques, travaux d’intérêt général) seront drastiquement limités», écrit pourtant la candidate d’extrême droite, qui souhaite atteindre 85 000 places de prison d’ici à 2028. Une augmentation du parc pénitentiaire de 25 000 places qui, d’après les sources contactées par Libération, ne suffirait même pas à répondre à sa logique répressive.
«Perpétuité réelle»
«Marine Le Pen présente la prison comme la solution miracle, mais en réalité tout cela coûte aussi extrêmement cher», rappelle Christian Mouhanna. Une année à l’ombre coûte en moyenne 32 000 euros par détenu, chiffre l’OIP, tandis qu’une mesure en milieu ouvert est estimée à 1 014 euros par personne. Autre difficulté : «Elle ne se pose jamais la question de comment on sort de l’enfermement», soulève Nils Monsarrat. D’ailleurs, à défaut de rétablir la peine de mort comme elle l’envisageait dans son programme de 2012, Marine Le Pen défend une «perpétuité réelle» avec un allongement de la période de sûreté : «On rentre en prison et on n’en sort pas», déclarait-elle en janvier sur RMC et BFM TV. Comme si les demandes de remise en liberté étaient accordées aux criminels à tour de bras : «Dans les faits, cette perpétuité réelle existe, rapporte Cécile Marcel de l’OIP. Si la loi prévoit la possibilité d’examiner la sortie, ces demandes sont souvent rejetées. Des gens restent toute leur vie en prison.»
Enfin, pour accélérer le traitement pénal, Marine Le Pen s’engage au «doublement du nombre de magistrats», pour le porter à 20 000, en recrutant «une part importante» au tour extérieur - autre voie de recrutement que le concours de l’école nationale de la magistrature. «Ce n’est pas applicable tout en préservant la qualité de leur formation, réagit la présidente de l’Union syndicale des magistrats, Céline Parisot, qui qualifie en outre de «retour en arrière» le rétablissement des peines plancher, qui n’ont jamais fait baisser la délinquance.
LIBÉRATION - le 19 avril 2022
Prisons
Moins de la moitié des 15 000 nouvelles places de prisons annoncées par Emmanuel Macron en 2017 sont en cours de construction début 2022 ; 8 000 autres sont programmées jusqu'en 2027.
E. MACRON
PRISONSÉCURITÉ
Poursuivre la construction des 15 000 places supplémentaires en prison
En 2017, Emmanuel Macron avait promis la construction de 15 000 places de prison supplémentaires. Cet objectif a été revu à la baisse, à raison de 7000 places livrées d'ici à la fin du quinquennat. Or, seules 2 000 sont actuellement opérationnelles. Le candidat souhaite toujours atteindre son objectif de 15 000 places d'ici la fin de son éventuel second mandat, en 2027.