ISABELLE LE BOURGEOIS,
RELIGIEUSE AUXILIATRICE, PSYCHANALYSTE
ET ANCIEN AUMONIER DE PRISON
« Sortir du déni est extrêmement difficile »
— lamandier13 (@WaechterJp) February 18, 2023
ISABELLE LE BOURGEOIS,
RELIGIEUSE AUXILIATRICE, PSYCHANALYSTE
ET ANCIEN AUMONIER DE PRISON @famillechretienne pic.twitter.com/ntZWsgXpa5
Un jour, en prison, pendant une messe où le prêtre essayait de faire un sermon sur le pardon, un détenu s’est levé tout à coup en disant: “Mais vous n’avez pas fini de nous enfumer avec votre histoire de pardon ? Parce que, si je comprends bien, chez les cathos, on peut pécher autant de fois qu’on veut! On va se confesser, on vous absout et après on peut recommencer.”
Nous nous sommes tous regardés en nous disant que cet homme avait sacrément raison, car il était en train de nous demander si le pardon servait à quelque chose, ou pas… Et comment imaginer que le pardon serve à quelque chose sans la ferme résolution de ne plus recommencer, comme on disait à l’époque où les gens allaient encore se confesser ?
Si l’on n’a pas vraiment conscience d’avoir commis une faute, la pénitence n’aura strictement aucun sens ni aucun effet ! Elle ne sera fondée sur rien à part, éventuellement, une forme de légalisme : allez, je fais un truc pour me racheter, comme un prix à payer pour me retrouver blanc comme neige, selon une justice purement comptable. Me suis-je laissé convertir ? Non. Si l’on n’est pas capable de relire sa vie de temps en temps, de remettre un peu en cause ses actes et la personne que l’on prétend être, il ne va rien se passer. Je le dis souvent : en prison, il n’y a que des innocents. Sortir du déni est extrêmement difficile. On minimise sa faute, on la trafique, on dit que c’est à cause des autres, qu’on est une victime…
«NOUS OUVRIR À UNE VIE EN VÉRITÉ»
Reconnaître sa faute suppose une sacrée humilité, et c’est cela, la pénitence. C’est la plus grande des pénitences, parce que quand vous avez vraiment reconnu votre faute dans sa gravité, vous êtes devenu une autre personne. Cela va vous travailler, vous obliger à vous regarder tel que vous êtes: ce type-là, c’est moi ?
Et c’est très dur de voir qu’on n’est pas tout à fait comme on l’avait imaginé, ni le plus beau, ni le plus intelligent, ni le plus sympathique. Dans ce miroir, notre image n’est pas terrible, mais c’est cette image, plus ajustée, qui va nous permettre d’entrer dans la vraie vie, c’est-à-dire la nôtre. Ce qui nous est demandé n’est pas d’être le plus beau, le plus intelligent, ni le plus sympathique, mais de nous ouvrir à une vie en vérité, à une vie où on ne va pas se raconter des histoires, s’inventer un personnage qui n’existe pas et qui, de toute façon, va toujours être en décalage avec la réalité!…
Tant qu’on n’a pas la force ou la possibilité d’avoir accès à la vérité sur soi-même, parce que notre système défensif est encore le plus fort, il est compliqué d’accéder à la pénitence et d’ouvrir un véritable chemin de vie. D’une certaine façon, être capable de se reconnaître pécheur est un privilège. On met souvent longtemps à s’en rendre compte.
Dans l’Église, par peur de culpabiliser, on a peut-être un peu trop évacué cette affaire qui nous vient de Quelqu’un qui normalement est notre source et qui a dit: “La vérité vous rendra libre.” Le principe n’est pas de culpabiliser, mais de libérer. »
Propos recueillis par C. H.
Dernier ouvrage paru: Le Dieu des abimes. À l’écoute des âmes brisées, Albin Michel.
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