Au cœur de la prison de haute sécurité des 100 plus gros « narcos »

L’établissement de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) se prépare à l’arrivée d’une centaine de détenus du « haut du spectre ». L’objectif est de couper les communications des chefs de réseau.

• Nicolas Jacquard

Par la porte entrouverte, on devine un ballot de cartons vides dans le local des surveillants. Un peu avant, on avait croisé un détenu qui en tenait un à la main. L’homme s’était engouffré comme une ombre dans sa cellule. Sa simple présence, à une cinquantaine de mètres du petit groupe de journalistes visitant la coursive, avait mis les surveillants sur des charbons ardents.

C’est qu’à Vendin (Pas-de-Calais), le temps d’ordinaire si lent s’est brutalement accéléré ces dernières semaines. Déjà dédié aux détenus « compliqués », selon les mots de son directeur, l’établissement sera le premier à accueillir fin juillet une centaine de « narcos » triés sur le volet, ainsi que l’a voulu le garde des Sceaux, Gérald Darmanin.

Une prise en charge « innovante »

Alors l’heure est à la fois aux cartons et aux travaux. Sortie de terre en 2014, la prison dissimule ses quatre miradors dans une zone industrielle. Vendin se divise en trois zones étanches, elles-mêmes composées de quatre unités de 17 cellules identiques. Ce jeudi matin, une poignée de médias, dont « le Parisien », ont pu se faire une idée de ce qui attend les futurs pensionnaires.

Un lit en fer, une étagère en bois, une douche et un WC : les cellules, individuelles, sont immaculées. Les étiquettes nominatives quittent les portes à mesure que leurs occupants sont transférés. Dans cette coursive, c’est déjà le cas de la moitié des effectifs. La loi interdit de rapporter les noms affichés. On peut juste affirmer que le cumul des peines de certains se compte en siècles. Pourtant, seuls 10 % des actuels détenus seront encore là après l’été. « Avant, on pensait en termes de condamnation, développe Cédric Logelin, porte-parole de la chancellerie. Maintenant, le critère numéro 1 sera la dangerosité. »

Au 31 juillet, une centaine de « narcos » prendront donc ici leurs quartiers pour deux ans renouvelables. « Ceux qui sont capables de commanditer des assassinats depuis la prison et qui présentent un risque élevé de corruption », énumère Cédric Logelin. Leur régime pénitentiaire se résumera en un mot : étanchéité.

Marc Ginguené, le directeur, parle d’une « prise en charge différente et innovante ». Elle le sera assurément. Côté cellule, peu de changements, hormis un « arrêtoir » pour éviter qu’une porte trop vite ouverte ne vienne frapper les surveillants. De même, les promenades évolueront peu. Toujours cette même cour de 150 m 2 cernée de murs en béton préfabriqué. Quelques plots du même gris au sol, des toilettes ouvertes à tous vents et deux « agrès » métalliques pour les exercices : cinq détenus maximum « tourneront » en même temps dans cet espace.

Des parloirs séparés par une vitre hermétique

Le vrai changement se jouera dans les contraintes quotidiennes. Le téléphone avec l’extérieur sera limité à deux fois deux heures par semaine. Seuls des numéros préautorisés seront accessibles. Inutile d’espérer mettre la main sur un portable. Les visiteurs seront scannés par un portail à ondes millimétriques.

À Vendin, l’univers des futurs détenus sera donc quadrillé. Au figuré comme au propre, à en juger par les « caillebotis ». Ces fines grilles se superposent aux barreaux pour éviter les « yo-yo » entre cellules. Restent les parloirs. « On sait que c’est le moment le plus fragile », détaille Cédric Logelin. Pour la première fois, ils seront coupés en deux par une vitre hermétique. Le détenu et ses proches se parleront à travers un hygiaphone. Les « unités de vie familiale » permettaient de recevoir famille ou conjointe sous condition jusqu’à 72 heures. Elles disparaissent. « Ça pourra générer des frustrations, mais c’est le choix qui a été fait », martèle l’administration, assumant de s’être inspirée du modèle italien des prisons pour mafieux.

Son nom ne sera pas prononcé de la matinée, mais il est dans toutes les têtes. L’objectif est d’éviter une nouvelle évasion du type de celle de Mohamed Amra, dont la sous-évaluation de la dangerosité avait indirectement entraîné la mort de deux agents en mai dernier. Le commando qui l’avait libéré avait frappé lors d’un transfert au tribunal. Alors, la visioconférence avec les juges sera désormais la norme.

Vingt-six agents en plus prendront ici prochainement leurs fonctions. Ils suivent actuellement une formation spécifique. Au programme : limitation de leur existence sur les réseaux et prévention du risque de corruption.

Le Parisien - le 11 avril 2025

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