NOTRE DOSSIER De nouvelles exactions ont touché hier les personnels pénitentiaires dans notre région. Pour le ministre de la Justice, aucun doute : c’est une réponse à la future loi.
Le narcotrafic derrière les attaques contre les prisons ?
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 18, 2025
De nouvelles exactions ont touché hier les personnels pénitentiaires dans notre région. Pour le ministre de la Justice, aucun doute : c’est une réponse à la future loi. @laprovence pic.twitter.com/VIxVr77iDc
Les récentes attaques contre des établissements pénitentiaires et des véhicules de surveillants sont perçues par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, comme une réaction au durcissement des mesures contre le narcotrafic. Ces actions, souvent signées "DDPF" (Défense des droits des prisonniers français), sont attribuées à la criminalité organisée plutôt qu'à l'ultragauche.
Emmanuel Macron a promis que les responsables seraient retrouvés et punis. Darmanin et le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, soutiennent une nouvelle loi inspirée des lois italiennes antimafia, visant à mieux coordonner la lutte contre le narcotrafic. Cette loi prévoit la création de quartiers de haute sécurité et de nouvelles mesures répressives.
Cependant, des critiques soulignent que le système carcéral français est sous-dimensionné et mal équipé pour faire face à ces défis, avec des surveillants mal formés et peu rémunérés, devenant des cibles faciles pour les mafias.
• François TONNEAU
Après Marseille, Valence ou Toulon, où le centre pénitentiaire de La Farlède a essuyé une rafale d’arme automatique dans la nuit de lundi à mardi, les exactions contre des établissements et des voitures appartenant à des agents se sont poursuivies hier. Très tôt, trois véhicules ont été retrouvés incendiés dans le parking sécurisé de la prison de Tarascon, tandis qu’un surveillant de Luynes a vu le sien brûler devant chez lui et celui d'une agente subissait le même sort en Seine-et-Marne. Des dégradations parfois agrémentées d’inscriptions au nom du "DDPF", un mystérieux groupe hâtivement lié à la mouvance anarchiste, mais qui semblerait plutôt être issu de la criminalité organisée, si l’on en croit les revendications laissées sur les réseaux sociaux et les observations des experts. "On convoque l’ultra gauche pour provoquer la saisine du parquet antiterroriste et donner une coloration dramatique et politique à ces événements, analyse le magistrat David Sénat, avocat général à la cour d’appel de Versailles. Alors que c’est de la criminalité organisée."
Macron : "Ils seront retrouvés, jugés et punis"
Tandis qu’Emmanuel Macron promet que ceux qui "cherchent à intimider" les agents pénitentiaires et "s’attaquent avec une violence inadmissible" aux prisons seront "retrouvés, jugés et punis", Gérald Darmanin semble n’avoir aucun doute et rejoint la thèse d’une action concertée, liée au narcobanditisme. "Ils le font parce que nous prenons des mesures contre le laxisme qui existait peut-être jusqu’à présent dans les prisons, qui a mené notre pays à des difficultés extrêmement graves : des réseaux de drogue qui continuent à partir des cellules carcérales, on commande des assassinats, on blanchit de l’argent, on menace des policiers, des magistrats, des agents pénitentiaires et on s’évade, comme c’est le cas de Mohamed Amra en 2024. C’est une intimidation grave et on essaie de voir si l’État va reculer", poursuit le garde des Sceaux qui s’est rendu à Toulon mardi. Il s’inscrit dans le registre de fermeté de son collègue de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Lois italiennes antimafia
Jeudi 10 avril, les parlementaires se sont entendus sur un texte de loi qui, une fois adopté par les députés et sénateurs à la fin du mois, permettra de mieux coordonner la lutte contre le narcotrafic, particulièrement prégnant dans notre région. "Il va réorganiser l’État, il va tout changer, nous assure Bruno Retailleau. C’est un peu ce qu’on avait fait avec le terrorisme, avec un parquet national dédié. Cela évitera les problèmes de coordination comme avec Mohamed Amra. Au ministère de l'Intérieur, précise-t-il, un état-major permanent réunira les services de renseignement et d’enquête de quatre ministères. On va donner de nouvelles armes aux préfets qui pourront demander l’expulsion d’un logement d’un trafiquant ou la fermeture de commerces." Inspiré des lois italiennes antimafia, ce régime prévoit également la création de quartiers de haute sécurité, des fouilles intégrales encadrées ou un cumul de peines pour les trafiquants qui seraient isolés. Un changement de dimension destiné à s’adapter à une réalité de plus en plus violente, mais aussi à faire avancer politiquement deux candidats putatifs à la présidentielle. "À rebours des prescriptions européennes qui exigent la mise en œuvre d’un programme individualisé dans les prisons, la France a pris le pas d’un raidissement sécuritaire", regrette toutefois Matthieu Quinquis, président de l’Observatoire international des prisons (OIP) en France.
Un discours évidemment sans lien avec les actions violentes rencontrées ces derniers jours, mais qui met le doigt sur un système carcéral sous-dimensionné, où les surveillants, mal formés, peu rémunérés, deviennent des proies fragiles pour les mafias. "Il y a aujourd’hui 80 792 détenus pour 62 404 places", souligne l’avocat pénaliste marseillais Alain Lhote, qui rappelle que "la prison est le miroir dans lequel la société ne veut pas se voir". Un miroir que la criminalité organisée a manifestement pris pour cible.
La Provence - le 17 avril 2025