Attaques de prisons : un test grandeur nature pour Darmanin

Si la piste du narcotrafic se confirme, l’action du garde des Sceaux contre le crime organisé serait confortée

• Marie-Amélie Lombard-Latune

Depuis dimanche, une série d'attaques coordonnées a visé une dizaine d'établissements pénitentiaires, principalement dans le sud-est de la France et en Île-de-France. Ces attaques, incluant des incendies de voitures de surveillants et des tirs de kalachnikov, semblent être une réaction à la lutte renforcée contre le narcotrafic menée par le garde des Sceaux, Gérald Darmanin.

Darmanin a rapidement réagi, affirmant que ces actions confortent l'hypothèse d'une tentative de déstabilisation de l'État par des narcotrafiquants. Les enquêtes en cours, appuyées par des images de surveillance, renforcent cette piste. La signature "DDPF" (Défense des Prisonniers Français) apparaît opportuniste et destinée à brouiller les pistes.

Le ministre de la Justice a mis en place un plan pour créer des quartiers de haute sécurité dans les prisons de Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, visant à isoler les narcotrafiquants les plus dangereux. Ces mesures concrètes semblent provoquer une réaction violente des trafiquants, qui se sentent menacés.

Malgré les interrogations sur l'unité apparente des narcotrafiquants, Darmanin reste déterminé, anticipant des recours juridiques contre les nouvelles conditions de détention. L'article souligne que ces actions montrent que la stratégie de lutte contre le narcotrafic commence à porter ses fruits, même si des défis subsistent.

Les individus qui « cherchent à intimider les agents pénitentiaires » « seront retrouvés, jugés et punis », a déclaré mercredi Emmanuel Macron à propos des attaques visant des prisons depuis dimanche. Le parquet national antiterroriste est saisi de l’enquête. GÉRALD DARMANIN JOUE GROS. C’est à un test grandeur nature de son autorité et de sa crédibilité qu’il est soumis depuis dimanche. Les attaques d’une dizaine d’établissements pénitentiaires, principalement dans le sud-est de la France et en Ile-de-France, sont d’une ampleur inédite. Des incendies volontaires de voitures de surveillants sur les parkings de prisons se produisent certes à intervalles réguliers. Cette fois, les faits sont simultanés et semblent coordonnés. La violence est montée d’un cran avec des tirs de kalachnikov contre les enceintes pénitentiaires à Toulon et à Aix-Luynes et le feu mis au hall d’immeuble d’une surveillante en Seine-et-Marne. Pendant deux nuits consécutives, les malfaiteurs accentuent la pression.

Le garde des Sceaux n’attend pas : « La République est confrontée au narcotrafic », lance-t-il dès mardi, dénonçant « une tentative de déstabilisation de l’Etat ». « Plus on avance, plus cette piste est confortée par l’enquête », assurait-on ce mercredi de source proche du dossier, en s’appuyant notamment sur les images de surveillance aux abords des lieux de détention et sur « le mode opératoire ». La mystérieuse signature « DDPF » pour « défense des prisonniers français », taguée à diverses reprises sur les lieux des attaques, laisse plutôt sceptique. Son apparition, couplée à des messages et vidéos des méfaits sur Telegram, paraît plutôt « opportuniste » ou « destinée à brouiller les pistes », selon ces mêmes sources. En revanche, l’incendie déclenché à l’entrée du domicile d’une surveillante montre que la menace est directement dirigée contre un agent de l’administration et destinée à faire peur. « Surveillants démissionnez tant que vous pouvez sinon on va s’en prendre à vos familles et à vos proches », lance « DDPF » sur Telegram.

« Intuition ». Des « narcos » qui passent à l’action contre l’Etat ? Le scénario « conforte l’intuition de Gérald Darmanin, relève un haut fonctionnaire proche du garde des Sceaux. Si les trafiquants réagissent ainsi, c’est bien qu’ils se sentent entravés ». Le ministre de la Justice voit son analyse de la menace de la criminalité organisée, qu’il n’a cessé de dénoncer depuis son retour au gouvernement en décembre 2024, confirmée. A chaud, il marque des points. Lui, principalement, et Bruno Retailleau à l’Intérieur, ont beaucoup œuvré pour l’adoption de la proposition de loi sénatoriale pour « sortir la France du piège du narcotrafic » après l’électrochoc de l’évasion meurtrière de Mohamed Amra. Place Vendôme, Gérald Darmanin a tout de suite pris à bras-le-corps le sujet des prisons, promettant un régime spécialement musclé aux « cent plus gros narcotrafiquants ».

Sans attendre, le plan « quartiers de haute sécurité » est lancé. Les prisons de Vendinle-Vieil (Pas-de-Calais) et Condé-sur-Sarthe (Orne) sont retenues pour accueillir les individus les plus dangereux. Et l’intendance suit la volonté ministérielle. Tout est fait pour montrer que la stratégie de déstabiliser les caïds, d’empêcher les têtes de réseaux de poursuivre leurs trafics depuis la prison, est suivie d’effets.

« Au début, les trafiquants n’y ont pas cru. Ils se sont dit : “Ce ne sont que des annonces politiques…”. Mais, là, les travaux commencent, des extractions de détenus de Vendin-le-Vieil débutent pour vider la prison et permettre d’effectuer les travaux de sécurité. Cela devient très concret. Dans moins de trois mois, le nouveau régime de détention sera en place. L’étau se resserre. Pas étonnant que cela provoque cette agitation », analyse-t-on encore de source proche du dossier.

Gérald Darmanin veut croire que son action est payante puisqu’elle conduit les « narcos » à réagir. La fourmilière des 17 000 détenus aujourd’hui incarcérés pour une infraction en lien avec la drogue pourrait, à terme, être désorganisée. Des questions restent cependant en suspens. Quel intérêt a-t-on parmi les trafiquants de stupéfiants à sortir ainsi du bois ? Des voitures incendiées et des tirs de kalachnikov sont-ils une démonstration de puissance ? « Je ne savais pas qu’il y avait une internationale des narcos… D’habitude, ils sont plus prompts à se faire concurrence et à se balancer entre eux. Mais, là, apparemment, ils sont unis pour ne pas se laisser faire », relève le haut fonctionnaire, familier des sujets régaliens, cité plus haut.

Place Vendôme, on s’attend à d’autres initiatives : des recours administratifs collectifs contre les nouvelles conditions de détention, des procédures individuelles devant les juridictions. Des avocats spécialisés auraient déjà été mandatés par la criminalité organisée.

L’Opinion le 17 avril 202

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