Les attaques de prisons se multiplient et interrogent

« Des actions spectaculaires, des messages contradictoires. » Perplexe et prudent, le chercheur Sebastian Roché décrypte le mode opératoire des attaques qui visent des prisons et personnels pénitentiaires.

Cet article d’ OUEST FRANCE « Des actions spectaculaires, des messages contradictoires » présente une analyse du chercheur Sebastian Roché sur les récentes attaques visant des prisons et des personnels pénitentiaires. Roché décrit ces actions comme contradictoires et spectaculaires, impliquant des tirs et des incendies de véhicules, mais sans faire de victimes. Il note une synchronisation entre différents groupes, bien que leurs liens restent flous.

Les cibles, des agents pénitentiaires, ne sont pas en première ligne contre le crime organisé, ce qui rend ces attaques atypiques. Roché suggère que ces actions visent à attirer l'attention médiatique sans perturber réellement le fonctionnement de l'État.

Il exprime son scepticisme quant à l'existence d'un groupe nommé « Défense des prisonniers français » (DDPF), soulignant que les groupes criminels n'ont généralement pas de revendications politiques. Il écarte également l'idée que ces actions soient liées à des mouvements libertaires ou d'extrême gauche actuels, bien que des précédents historiques existent.

Roché reste prudent sur les motivations derrière ces attaques, notant qu'elles pourraient accélérer la construction de prisons ultra-sécurisées. Il ne trouve pas de précédents similaires, à part des agressions de gardiens de prison au Royaume-Uni et des actions criminelles au Brésil.

Enfin, il mentionne que le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, reste réservé, soulignant l'obscurité de la situation.


Entretien

Des tirs, des incendies de véhicules, et désormais des menaces sur l’application Telegram. Quel regard portez-vous sur le mode opératoire de ces attaques ?

Ce sont des faits très contradictoires. Ce qu’on constate, c’est qu’il y a une synchronisation de différents groupes – dont on ignore les liens – qui ont visé des cibles similaires à différents endroits. Il n’y a pas forcément une organisation intégrée, mais toutes ces actions partagent un même but. Par ailleurs, le mode opératoire est spectaculaire : le feu, les tirs, qui ont un fort pouvoir symbolique. Mais ces attaques à main armée n’ont tué personne. Il n’y a pas eu d’homicide.

La cible, ce sont des agents pénitentiaires ?

Oui, or ces derniers ne sont absolument pas en première ligne dans la lutte contre le crime organisé. Ils sont, au contraire, au bout de la chaîne. Ils ne sont pas des menaces pour l’activité de groupes criminels. Et il n’y a pas eu de tués. Seulement des menaces, des intimidations. C’est totalement atypique.

Et retentissant ?

Oui. Quand on tire dans des murs et qu’on brûle des voitures, on cherche une attention médiatique. Et cela fonctionne. Mais cela n’entame absolument pas le fonctionnement de l’État ni le fonctionnement de l’économie.

Que pensez-vous d’un prétendu groupe de « Défense des prisonniers français » (DDPF) ?

Je n’en ai jamais entendu parler. Les groupes criminels, les trafiquants ne formulent pas de revendication politique. Ce sont des hommes d’affaires. Extorsions de fonds, trafic de drogue… Ils sont dans le business, dans une guerre commerciale. Ces agents pénitentiaires ne sont, eux, les rivaux de personne. Et si l’idée est de défendre les « droits des prisonniers », l’usage d’action d’intimidation me paraît improbable et paradoxal.

Le groupe DDPF peut-il faire penser à un mouvement libertaire ou d’extrême gauche ?

Dans les formes actuelles d’action de l’extrême gauche, il n’y a pas de tirs à la kalachnikov. La bête noire de la police, qui est le Black block, n’a jamais utilisé d’armes de ce type. Mais si on se penche sur le terrorisme d’extrême gauche, dans les années 1970, en Allemagne ou en France avec Action directe, l’usage des armes à feu était fréquent.

Les mesures drastiques annoncées contre les narcotrafiquants pourraient-elles expliquer ces revendications ?

Je suis très prudent. Car ces actions peuvent-elles avoir un autre effet que d’accélérer la construction des prisons ultra-sécurisées annoncées ?

Y a-t-il eu des précédents ?

Je n’en ai pas trouvé, en dehors d’agressions de gardiens de prison au Royaume-Uni. La prison concernée était particulièrement destinée aux terroristes islamistes et les conditions de détention y étaient très dures. L’attaque des gardiens de prison visait à dénoncer les conditions d’enfermement jugées injustes ou démesurées. On n’est pas du tout dans ce cas de figure. Au Brésil, un groupe baptisé « Le premier commando de la capitale », une sorte de confrérie criminelle qui existe depuis les années 1990, avait attaqué des commissariats de police, détruit des véhicules et tués des agents de police. Dans ce cas, s’exprimait clairement la volonté de détruire une cible, qui menaçait ce commando.

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, ne s’avance pas…

Ce n’est pas dans les habitudes de ce ministre. C’est dire combien la situation est obscure.

OUEST-FRANCE - le 17 avril 2025

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