Analyse "Une surenchère sécuritaire déconnectée de la réalité de la prison"


Responsable des analyses et du plaidoyer à la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), Prune Missoffe s'inquiète d’annonces "contre-productives".


Gérald Darmanin multiplie les annonces. Sur quels critères peut-on isoler des détenus?

Cette occupation de l'espace médiatique avec une surenchère sécuritaire constante, déconnectée de la réalité de la prison, semble bien pratique pour ne pas aborder les vrais problèmes comme celui de la surpopulation. On fait en outre croire que le risque zéro serait atteignable, alors qu'il n'existe pas, sans réfléchir aux conséquences concrètes. L’exemple de l'isolement des cent narcotrafiquants est symptomatique. Juridiquement, l'isolement doit reposer sur des "éléments sérieux, circonstanciés et individualisés". La Cour européenne des Droits de l'Homme préconise que le recours à l’isolement soit exceptionnel. Le conseil de l'Europe recommande de le réduire "au minimum absolu" et d'axer l'accompagnement sur la réintégration du régime normal de détention.

Or cette annonce mise, à titre préventif et à partir d'éléments obscurs, sur l'automaticité, aux antipodes des recommandations internationales qui existent justement parce qu’on connaît les effets dévastateurs de l'isolement sur la santé physique et psychique.

Le ministre évoque le modèle des terroristes...

Il se garde de préciser quelle est leur prise en charge, et leur traitement ultra-sécuritaire qui ne laisse aucune place à la réinsertion. L’isolement est un régime de privation qualifié de "torture blanche" : pas d'activité, pas de contact humain...

Pense-t-on vraiment que cela va permettre de construire un projet de sortie et de retrouver une place dans la société à la sortie de prison ? D'anciens détenus nous parlent de "tombeau". de claustrophobie, de difficulté à parler…

Le garde des Sceaux évoque également la construction de petites prisons pour de courtes peines. Qu’en pensez-vous ?

C’est contre-productif. S'il vaut mieux des petites prisons que des prisons usines, il faut surtout arrêter de construire : les nouvelles places ont toujours conduit à augmenter le nombre de détenus.

On a construit 25600 places et enfermé 34 000 nouvelles personnes en 30 ans. Résultat, la surpopulation s'aggrave ! Il faut arrêter de penser que la prison est la peine par excellence. C'est un échec criant, avec environ 63% de récidive sur cinq ans. Et son coût est abyssal : 4,5 milliards d’euros pour le plan actuel de 15 000 places.

On pourrait faire d'autres choses avec cet argent. Seuls 52 millions d’euros pour les alternatives à la prison étalent fléchés dans le budget 2025.

Or d'antres peines, centrées sur l'accompagnement comme le placement à l'extérieur, fonctionnent mieux et sont moins coûteuses.

Propos recueillis par F.T.


La Provence - le 2 janvier 2025

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