MAISON CENTRALE D'ARLES Presque trois mois après avoir séquestré cinq personnes au sein de l’unité sanitaire de l’établissement pendant plusieurs heures, Irwing S. a été condamné hier par le tribunal de Tarascon.
Arles : cinq ans d’emprisonnement pour le preneur d’otages - Irwing S. condamné hier par le tribunal de Tarascon. @laprovence pic.twitter.com/QTeunUbWBx
— framafad paca corse (@WaechterJp) March 27, 2025
• Cyrielle GRANIER
Personne n’avait été blessé physiquement, mais les conséquences de ce dramatique incident restent paralysantes pour les cinq victimes. Hier, devant le tribunal correctionnel de Tarascon, elles étaient toutes là, les trois infirmières, le surveillant et la médecin psychiatre, pour écouter la version des faits de celui qui avait été leur preneur d’otages, et aussi pour dire au tribunal de Tarascon leur peine et leur souffrance. Le 3 janvier 2025, pendant près de cinq heures, Irwing S., Guyanais de 37 ans, les avait en effet retenu au sein de l’unité sanitaire de l’établissement contre leur gré.
Vers 10h30 ce matin-là, le détenu y était descendu depuis sa cellule pour aller prendre ses médicaments, "comme vous le faisiez tous les jours", affirme la présidente du tribunal au moment de dérouler les faits tels qu’ils ont été retranscrits dans les procès-verbaux.
À 10h44, Irwing S. demande à se rendre aux toilettes, et en ressort quelques minutes plus tard, armé de deux tiges métalliques d’une vingtaine de centimètres. "Au moyen de cette arme, vous menacez les cinq personnes qui se trouvaient avec vous au sein de l’unité sanitaire. Vous verrouillez la porte et vous placez un lit médicalisé afin que personne ne puisse ni entrer, ni sortir", poursuit la magistrate, qui évoque aussi les moyens mis en œuvre pour faire cesser cette séquestration : l’intervention des équipes régionales d’intervention et de sécurité, celle de la Brigade de répression du banditisme (BRB), puis celle du Raid.
La psychiatre retenue sera la première à être libérée, les autres suivront près d’une heure plus tard. "J’étais tellement désespéré, j’étais tellement à bout, commence à expliquer le prévenu. J’ai décidé de faire ça pour arrêter de souffrir. Je voulais partir d’Arles où j’étais victime de racisme, d’injustice, de discrimination et d’abus de pouvoir", affirme celui dont le récit n’a jamais bougé : avec cette prise d’otages, il souhaitait imposer son transfert dans une autre prison. Et réfute en même temps avoir retenu qui que ce soit contre son gré.
"Pensez-vous que ces otages se sentaient libres de partir", lui demande la présidente. "Oui, je n’avais rien contre eux", répond Irwing S., qui explique avoir trouvé les tiges métalliques dans sa cellule, et les avoir emmenées à l’unité sanitaire sans même s’en rendre compte. "J’ai mis mes mains dans mes poches et je les ai trouvées. J’ai perdu toute réalité, je ne pensais qu’à une chose, c’était de partir d’ici", affirmera-t-il tout au long de son audience, en répétant que seule sa propre souffrance aura été une motivation.
Des menaces d’une violence extrême
Mais si le prévenu tente de minimiser sa responsabilité, les témoignages des cinq otages eux, disent toute autre chose. D’après eux, pendant ces longues heures, Irwing S. aurait affirmé qu’il ferait couler le sang, qu’il l’avait d’ailleurs déjà fait et que ça lui manquait, qu’il partirait d’ici vivant ou mort et que dans ce cas-là, il ne serait pas seul… Des paroles dont trois des cinq otages sont venus faire le récit à la barre, pour démontrer une chose importante à leurs yeux : Irwing S. savait parfaitement ce qu’il faisait, l’avait même prémédité. "Je n’ai aucun souvenir d’avoir dit tout ça", rebondit alors le prévenu, qui répète qu’il a agi ainsi parce qu’il était à bout. Une défense "insupportable" pour l’avocat des parties civiles Me Rémy Nougier, mettant en avant le traumatisme subi par ses clientes et client, des personnels dédiés au bien-être des détenus, qui peinent encore à dormir, souffrent d’angoisse, font des cauchemars… "Mon client a été négligé, a quant à elle plaidé l’avocate de la défense Me Elsa Bruey. Cela faisait des mois qu’il expliquait qu’il se sentait mal, que c’était devenu insupportable pour lui d’être dans cette prison. Et personne n’a rien fait pour éviter qu’il ne passe à l’acte."
Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public, et condamné Irwing S. à 5 ans de prison.
La Provence - le 26 mars 2025