Après les multiples attaques visant agents et établissements pénitentiaires, l’inquiétude s’accroît chez le personnel de la plus grande prison d’Europe, en Essonne. Plus de la moitié vit tout près du centre de détention, où ils demeurent facilement identifiables.
Fleury-Mérogis
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 18, 2025
Le « village des matons » sur ses gardes après les attaques de prisons
L’inquiétude s’accroît chez le personnel de la plus grande prison d’Europe, en Essonne. @le_Parisien pic.twitter.com/7X9MCXioPE
À Fleury-Mérogis, la plus grande prison d'Europe, les agents pénitentiaires sont en alerte après les récentes attaques contre des établissements et des agents à travers la France. Plus de la moitié des surveillants vivent près du centre de détention, ce qui les rend facilement identifiables et vulnérables.
Les agents suivent les consignes de discrétion, évitant de porter leur uniforme en public. Malgré les mesures de sécurité renforcées, comme les barrages filtrants et la vidéoprotection, certains surveillants restent fatalistes, estimant qu'ils peuvent toujours être ciblés.
Le personnel de Fleury-Mérogis, bien que non touché directement jusqu'à présent, se prépare à d'éventuelles menaces. Les syndicats réclament des moyens supplémentaires pour sécuriser les résidences des agents.
Thomas Diquattro
Fleury, ce « village de matons ». La formule est d’un agent pénitentiaire expérimenté qui habite là depuis plusieurs années. C’est ici, au nord de l’Essonne, qu’a été érigé sur un terrain boisé le plus grand centre de détention d’Europe. « Une ville dans la ville », entend-on souvent à propos de Fleury-Mérogis, où la population carcérale (environ 4 600 détenus et 150 % de surpopulation) représente près d’un quart du nombre d’habitants.
Et donc un « village » dans lequel cohabite le petit monde des agents pénitentiaires, de jour comme de nuit. Et où, ces derniers jours, le climat s’est tendu. Sur l’avenue qui dessert la gigantesque prison, ce mercredi midi, les fourgons siglés filent le long des grillages surmontés de barbelés, de hauts murs et de miradors au loin. Il y a aussi ces hommes et femmes que l’on voit marcher le long du trottoir, en tenue de ville. Ou plutôt, de « civil ». Parfois arborée, la tenue bleu marine est cette fois restée au vestiaire, premier signe d’une semaine éprouvante pour la pénitentiaire, frappée par une série d’attaques dans plusieurs villes de France.
« On est aisément identifiables »
Multiples voitures d’agents brûlées, hall de l’immeuble d’une surveillante incendié et même tirs de kalachnikov sur la façade d’une maison d’arrêt dans le Var… Des attaques qui pourraient porter la trace du narcobanditisme, en réponse aux mesures récentes du ministère de la Justice. Comme préconisé par l’administration pénitentiaire, fini donc l’uniforme sur la voie publique. À Fleury comme ailleurs, les agents sont priés de se faire discrets. « Le problème, glisse l’un d’eux, c’est qu’on est aisément identifiables. Tout le monde sait où on habite. Ça fait de nous des cibles faciles. » Ainsi va la vie du « village de matons ».
Les surveillants oscillent entre deux lieux de vie principaux : leur poste dans la prison et leur appartement à proximité. « Environ 60 % des agents de Fleury habitent dans la ville », nous dit-on, soit un millier de personnes. Dans une enfilade d’immeubles comprenant carrés herbeux et parkings. Un portail d’entrée bloque l’accès à la résidence, laquelle est entourée d’un grillage de moins de 2 m.
Le personnel de Fleury a suivi les événements récents dans le sud de la France. Alors qu’on le croise dans les locaux des syndicats, un certain fatalisme affleure chez Cédric*, cinq ans de service : « Moi, je pense que les personnes qui veulent nous atteindre pourront toujours le faire, qu’importent les mesures prises. » Il veut parler des logements des « matons » mais aussi de leur vie au quotidien. Il n’est pas rare que les agents croisent dans les commerces du coin des visages familiers : anciens détenus, proches… De quoi crisper l’ambiance ? « Pas vraiment, ça se passe bien généralement », relativise Lionel*. L’homme traverse toutefois le moment avec une tension inhabituelle : « La première chose que j’ai faite ce matin, c’était de vérifier si ma moto était toujours entière… »
Les surveillants ont vu les gendarmes renforcer leur présence. « Conformément aux instructions ministérielles reçues, la préfecture a mis en place un dispositif de sécurité renforcé autour des sites pénitentiaires du département dès mardi et le maintiendra jusqu’à nouvel ordre », fait savoir la préfète de l’Essonne, Frédérique Camilleri.
Des barrages à l’entrée
En clair, des barrages filtrants sont installés la nuit aux deux ronds-points d’accès du domaine pénitentiaire, afin de vérifier l’identité des personnes s’y aventurant en véhicule ou à pied. « On reste attentif à tout comportement suspect », ajoute Olivier Corzani, maire (PCF), qui pointe aussi l’arrivée récente (à l’automne 2024) de la vidéoprotection pour pouvoir aider à identifier le(s) auteur(s) en cas de méfaits. « Tous les services concernés ont renforcé leur niveau de vigilance et échangent en temps réel toute information utile pour prévenir la menace », conclut la préfète de l’Essonne.
Épargné jusqu’à présent par les auteurs de dégradations, le centre pénitentiaire se prépare quand même au risque. Il faudrait aller plus loin, selon Wilfried Fonck, secrétaire national Ufap-Unsa-Justice : « Si on veut vraiment protéger les résidences des agents, il faut des moyens en plus. Un grillage de moins de 2 m, n’importe qui peut passer par-dessus s’il en a envie. »
Le Parisien 17 avril 2025