Qui se soucie des enfants des détenus ?

Elle aidait les enfants des personnes incarcérées à vivre et grandir avec un parent en prison. Après trente ans d'existence, Enjeux d'enfant va cesser ses activités, faute de subventions suffisantes.


Lui ne cache pas sa tristesse. Elle peine à réprimer sa colère. Le président et la directrice de l'association bretonne Enjeux d'enfants, Guy Le Mené et Anne-Sophie Chollet, sont à quelques semaines de la disparition de cette structure qui intervient, depuis 1992, aux côtés des enfants et de leur parent incarcéré.


La déclaration de dissolution est à déposer. La remise des clefs de la petite maison en pierres avec jardin est à caler, avec la mairie de Rennes, propriétaire des locaux, situés dans le prolongement de l'ancienne prison Jacques-Cartier. Quelques derniers coups de fil sont à passer, avec les partenaires.


Après, ils prendront le chemin d'autres engagements. Où ? Ils ne savent pas bien encore. « Nous, on va trouver. Mais qu'est-ce qui reste pour les détenus ? Et qui se soucie des enfants des personnes incarcérées ? » répète Anne-Sophie Chollet.


Leur association, quelque vingt-cinq bénévoles et cinq salariés, intervient dans les établissements pénitentiaires de Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Ploemeur, Vannes, Laval, Le Mans, Caen et Nantes. « Nous sommes le trait d'union entre l'intérieur et le monde extérieur », expose Anne-Sophie Chollet. « Dans le cas d'un passage à l'acte qui conduit en prison, les familles traversent une crise. Quand les deux membres d'un couple ne se parlent plus, il n'y a plus personne pour accompagner son enfant en prison », décrit Guy Le Mené. « Nous remplissons ce rôle-là. »


Les membres de l'association organisent des rencontres, en parloir ou en unité de vie familiale (UVF), jusqu'à la fin de la détention et six mois encore après.


« Non, son père n'est ni mort ni parti en voyage. » Au départ, nous préparons l'enfant. Souvent, nous devons d'abord déconstruire le discours qui lui a été fait : « Non, son père n'est ni mort ni parti en voyage », rapporte Anne-Sophie Chollet. « S'il a été reconnu coupable de violences sexuelles, c'est avec cette réalité, difficile, que l'enfant devra grandir. Non pas avec l'idée que son père est un gangster. L'absence de tabou permet d'éviter la répétition. »


Excepté les situations où l'autorité parentale a été retirée, un parent incarcéré reste un parent, avec des droits et des devoirs. « Le maintien de relations familiales permet aussi de mieux préparer la sortie. Et d'éviter la récidive : les personnes sans attaches peuvent plus facilement repasser à l'acte », complète Anne-Sophie Chollet.

Pratique

En France, 95 000 enfants ont un parent incarcéré. En trente-deux ans, l'association a été sollicitée par 4 200 parents détenus et 2 050 enfants ont été rencontrés par des éducatrices et des intervenants bénévoles.


Sans être niés, l'engagement et le travail de l'association n'ont pas été soutenus suffisamment. Dans un contexte budgétaire tendu, l'aide des financeurs publics a été drastiquement réduite à la baisse. Et les deux mécènes privés actuels ne sont pas assez. Charges, déficit... Les salariés ne pourront bientôt plus être payés. « Nous aurions aimé que d'autres acteurs nous soutiennent, mais le contexte politique actuel ne favorise pas les envies de voir son nom ou son image accolée au monde pénitentiaire », estime Anne-Sophie Chollet. « Ce n'est pas très vendeur. » Ça aussi, ça la met en colère.

Angélique CLERET.

OUEST-FRANCE, le 14 avril 2025

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