Après les attaques contre des prisons signées "DDPF", quelles sont les différentes hypothèses des enquêteurs ?

De mystérieuses dégradations nocturnes ont visé des prisons et des agents pénitentiaires depuis dimanche soir. Franceinfo tente de faire le point sur les pistes envisagées.

Mais que se passe-t-il aux abords des prisons ? Le ministre de la Justice Gérald Darmanin a estimé sur CNews, mercredi 16 avril, qu'"il y a manifestement des gens qui essaient de déstabiliser l'Etat en l'intimidant", après que trois véhicules ont été incendiés tôt mercredi matin devant la prison de Tarascon et un autre devant le domicile d'un agent pénitentiaire à Aix-Luynes dans les Bouches-du-Rhône. En Seine-et-Marne, la porte d'entrée d'un immeuble où résidait un agent pénitentiaire a également été incendiée dans la nuit de mardi à mercredi et un véhicule se trouvant aux abords sur le parking a été dégradé, selon le Parquet national antiterroriste (Pnat).

Véhicules incendiés, tirs à la kalachnikov... Depuis dimanche, les attaques visant les établissements pénitentiaires et leurs personnels se multiplient et laissent circonspects les agents pénitentiaires. Au moins 21 véhicules ont ainsi été tagués ou incendiés en quatre jours. Pour tenter d'y voir plus clair, le Parquet national antiterroriste s'est saisi mardi de l'enquête ouverte notamment pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Une décision prise compte tenu de la "nature de ces faits, les cibles choisies et le caractère concerté d'une action commise sur de multiples points du territoire, ainsi que l'objectif qu'ils poursuivent de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation". Avec cette saisie, les enquêteurs disposent ainsi de moyens plus confortables pour travailler.

Des actions qui ne ressemblent pas à l'ultragauche

Pour découvrir qui sont les auteurs de cette série d'attaques, les enquêteurs se penchent sur un acronyme – "DDPF" (Défense des droits des prisonniers français) – inscrit sur certaines scènes de dégradation. Derrière cette dénomination se cache un groupe crée il y a quelques jours sur Telegram. Sur cette application de messagerie chiffrée, le groupe affirme qu'il "se déploiera dans toute la France". Et de revendiquer : "Sachez que nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes là pour défendre les droits de l'homme à l'intérieur des prisons."

"Ce groupe terroriste 'DDPF' identifie et cible les personnels pénitentiaires", s'est indigné Jessy Zagari, délégué régional de FO-Pénitentiaire, auprès de l'AFP. Un homme a été interpellé mardi soir dans l'Essonne. Il est soupçonné d'avoir relayé sur Telegram un message incitant à commettre des dégradations mais il n'est pas suspecté à ce stade d'être lié au mystérieux groupe. Il a finalement été libéré, sans qu'aucune charge soit retenue contre lui, indique mercredi après-midi le parquet d'Evry. 

Mais qui se cache derrière ce groupe Telegram ? Bien qu'envisagée, comme toutes les autres pistes, la responsabilité de l'extrême gauche n'a pas été mentionnée publiquement par Gérald Darmanin dans les différentes prises de parole du ministre de la Justice. Sur RTL, l'historien Christophe Bourseiller, spécialiste de cette mouvance, a évoqué "des actes qui ne cadrent pas avec les actions entreprises par les groupes d'ultragauche". Selon lui, "'DDPF' ressemble presque à un sigle bidon".

Un coup de pression des narcotrafiquants ?

Derrière ces attaques, le garde des Sceaux a plutôt dessiné la piste d'une revanche prise par les acteurs du narcotrafic. "Nous prenons des mesures fermes et qui font visiblement réagir. (...) Cela veut dire aussi que, pour la première fois, nous prenons des mesures qui stressent la criminalité organisée", a-t-il affirmé mardi, alors que le Parlement doit se prononcer à la fin du mois sur la loi contre le narcotrafic, qui prévoit la construction de prisons de très haute sécurité.

Une position réitérée par la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, à l'issue du Conseil des ministres : "Nous ne voulons pas nous laisser faire. (...) Nous sommes prêts à mener une lutte jusqu'au bout contre ce narcotrafic." Une piste renforcée par la découverte sur le groupe Telegram d'un photomontage représentant Gérald Darmanin derrière des barreaux avec ces deux slogans : "Justice pour les détenus" et "Non au projet Darmanin", selon les informations de franceinfo.

On vous présente les principales mesures de la loi sur le narcotrafic

Cette piste liée au narcotrafic fait frémir les agents pénitentiaires, en première ligne. Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat FO-Justice, confie avoir certes déjà connu pareil situation "au moment des émeutes liées à la mort de Nahel", mais trouve un caractère exceptionnel à la situation : "Le fait que c'est peut-être le narcotrafic qui soit derrière, c'est davantage inquiétant. Les agents savent qu'ils n'ont pas de limites et avec un peu d'argent ils sont prêts à tout."

La piste d'une intervention étrangère fait également partie des hypothèses présentées parmi d'autres, a expliqué Wilfried Fonck, secrétaire national de l'Ufap-Unsa Justice, interrogé par l'AFP. Et pour cause, dans tous les esprits, subsiste l'épisode des centaines d'étoiles de David taguées sur des murs d'Ile-de-France ou encore des mains rouges sur le Mémorial de la Shoah pour lesquels les enquêteurs suspectent des opérations de déstabilisation orchestrées depuis la Russie.

FRANCEINFOS le 16 avril 2025

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