Au départ, cinq éducatrices spécialisées en troisième année de formation de l’Institut Régional du Travailleur Social (IRTS) de Digne le Bains (04)* ont monté un projet collectif afin de sensibiliser l’ensemble des étudiant(e)s de leur établissement sur la parentalité et la détention. L’objectif est de porter la parole de ces meres, femmes et compagnes souvent stigmatisées, ignorées, oubliées, dans l’ombre. Pour atteindre ce but, elles ont l’idée de construire et présenter une exposition dans les murs de leur institut.
Exposition : les femmes de l’ombre, projet collectif de 5 étudiantes de l’IRTS de Digne afin de sensibiliser à la conditions de ces mères, femmes et compagnes souvent stigmatisées, ignorées, oubliées, dans l’ombre. https://t.co/DqLVPU1sHI
— framafad paca corse (@WaechterJp) March 18, 2025

Accompagnées par l’association d’accueil des familles La Halte Vincent d’Aix en Provence, elles sont intervenues à la Maison d’Arrêt d’Aix-Luynes 2 : elles ont fabriqué ensemble une grille d’entretien pour amorcer les échanges, créer une rencontre où femmes, compagnes et mères ont pu parler de leur histoire, de leurs émotions, de leurs vécus, de leurs ressentis relatifs à la parentalité en milieu carcéral. Et sur les liens d’amour au sein de cette parentalité.
Le projet et l’association : La Halte Vincent d’Aix-Luynes
Cette exposition a été inaugurée le 19 novembre 2024 dans les locaux de leur IRTS. Remarquée alors pour ses contenus et par sa forme (cinq « visages » de femmes), elle sera présentée prochainement à l’IRTS de Marseille et peut-être au sein même de la détention du CP de Aix-Luynes, pour les maris et fils détenus, sur une idée très intéressante du SPIP local.
Chacune des cinq affiches présente les paroles de ces femmes de l’ombre, paroles regroupées selon cinq thèmes: l’incarcération, la parentalité, les difficultés, les autres, les parloirs. Ces paroles des femmes rencontrées dessinent alors un étrange visage féminin comme celui de « La parentalité » présenté ici. D’autres panneaux rapportent les émotions, ressentis, réflexions de chacune des étudiantes : nous en rapportons quelques extraits.
Quelques panneaux de l'exposition
L’incarcération
Les autres
Les difficultés
Les parloirs

La parentalité
Paroles d’étudiantes
Ces femmes ont parlé du manque de considération, des difficultés de l’attente, des inquiétudes, de leur tristesse, des médisances. Elles ont aussi révélé leur force, leur philosophie de vie grâce à leur famille, leurs amis et la joie des retrouvailles… Je me dis : quel courage, quelle force, quelle complexité ! (Christelle V).
Chacune en leur place et rôle, me livrent leurs difficultés, leurs douleur, leurs inquiétudes… Les personnes qui m’ont donné la chance de les rencontrer ce matin m’ont éblouie par leur force, la résilience face à cette épreuve qu’est l’incarcération d’un proche… Par moment, j’ai pu percevoir des tremblements dans la voix, des émotions dissimulées derrière un sourire et je me suis sentie terriblement petite. (Marie DS)
Des phrases qui marquent, des phrases qui font sourire… Un lieu froid, au climat pesant mais à la fois tellement chaleureux, remplit de bienveillance. Compassion, partage, douleur, joie... (Mathilde L).
Aux abords des parloirs, j’ai observé le ballet silencieux des ombres et des regards des femmes tendues vers un amour que les murs ne peuvent contenir. Ici, le temps s'effiloche, se dilue, emporté par la douleur d’attendre et de chérir l’invisible… Car dans les parloirs, malgré la séparation, l’amour survit. Il traverse les murs et rappelle inlassablement qu’il est la seule chose que rien, ni personne ne pourra jamais emprisonné… Et moi, ici, témoin de ces récits, j’ai écouté, rassemblé les bribes d’histoires et tenté de donner sens à ces éprouvés, à ces murmures d’espoirs entre les interstices de la séparation. J’ai marché entre les ombres, à la lisère du bruit où chaque larme retenue devient un cri... (Manon E).
++++++
Cette exposition devrait être bientôt disponible et pourrait alors dépasser le cadre régional : une mallette pédagogique est en préparation. Le magazine Uframag de novembre prochain en fera état.
___________
*Marie Della Savia, Christelle Volclair, Emmanuelle Lazare, Manon Eeckhout et Mathilde Lebre.
L'exposition peut également être découverte à cette adresse