Le garde des Sceaux souhaite voir sortir de terre des prisons préfabriquées pour incarcérer les détenus en fin de peine, ou condamnés pour de courtes durées.
Surpopulation carcérale: Gérald Darmanin accélère la construction de 3000 places de prison en préfabriqué pour incarcérer les détenus en fin de peine, ou condamnés pour de courtes durées. https://t.co/ISAAi6p0sF
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 15, 2025
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, cherche à résoudre la surpopulation carcérale en France en accélérant la construction de prisons préfabriquées. Ces infrastructures, destinées aux détenus en fin de peine ou condamnés pour de courtes durées, suscitent des résistances parmi les surveillants pénitentiaires, inquiets de la dégradation rapide de ces structures et des conditions de travail.
Pour convaincre les professionnels, Darmanin a emmené les syndicats de la pénitentiaire visiter des prisons modulaires en Allemagne, où ces structures sont déjà en place. Il insiste sur la nécessité de construire rapidement et de manière économique pour répondre à l'urgence de la surpopulation carcérale.
Le projet prévoit la création de 3 000 places de prison d'ici 2027-2028, avec un premier établissement prévu à Troyes-Lavau pour l'automne 2026. Les syndicats, bien que réservés, commencent à accepter l'idée, à condition que le personnel nécessaire soit trouvé. Le ministre espère réduire les coûts et les délais de construction, tout en améliorant les conditions de détention pour les détenus les moins dangereux.
L'article souligne également les défis budgétaires et administratifs que Darmanin devra surmonter pour réaliser ce projet ambitieux.
Le ministre de la Justice a visité en Allemagne vendredi des infrastructures « modulaires » destinées aux détenus les moins dangereux. Le premier établissement francais de ce type sortira de terre à l’automne 2026 dans l’Aube.
Par Paule Gonzalès
Façon « team building ». Gérald Darmanin n’a pas mené le ministère de l’Intérieur par la force, il ne le fera pas davantage Place Vendôme. Question de temps et de tempérament : le ministre de la Justice en poste préfère gouverner à la conviction et, comme il le dit, « emmener les professionnels vers les projets pour qu’ils nous accompagnent ». « Il y a des résistances, mais il faut écouter et convaincre », ajoute-t-il.
Darmanin veut créer des prisons en préfabriqués
C'est une antienne de la droite pour lutter contre la surpopulation carcérale. Dans une interview au Figaro, Gérald Darmanin a présenté sa nouvelle idée : créer plus de places dans les prisons pour accueillir plus de prisonniers. Rien de bien nouveau jusque-là. Mais pour aller plus vite, le ministre de la Justice propose de construire une vingtaine de structures en modules préfabriqués. Ces nouvelles prisons modulables devraient voir le jour pour les premières fin 2026. @libe
C’est le cas dans le dossier des prisons préfabriquées, ces infrastructures que le garde des Sceaux souhaite voir sortir de terre pour incarcérer les détenus en fin de peine ou condamnés pour de courtes durées. Un projet loin de faire l’unanimité chez les surveillants pénitentiaires, inquiets d’une dégradation rapide de ces prisons « modulaires » et de leurs conditions de travail. C’est pourquoi Gérald Darmanin - qui s’était rendu en Angleterre sur le même thème il y a quinze jours - a embarqué cette fois les quatre grandes organisations syndicales de la pénitentiaire (la CGT, le SPS, FO-surveillants et Ufap-surveillants) dans le nord de l’Allemagne, en Basse-Saxe, au sein du complexe pénitentiaire de Meppen.
Son but : convaincre les professionnels de la pénitentiaire que la France n’a « plus le choix face à l’évolution de la surpopulation carcérale ». « Il faut construire beaucoup et plus vite », rappelle-t-il dans les allées de la prison « modulaire » modèle. Elle lui est présentée par la ministre de la Justice du Land, Kathrin Wahlmann, qui reçoit le garde des Sceaux.
Depuis son arrivée Place Vendôme il y a quatre mois, Gérald Darmanin a une conviction : au nom du principe de réalité, l’une des solutions à la surpopulation carcérale endémique « passe par la construction de structures légères, moins coûteuses en termes de sécurité, car nous pourrions y incarcérer les profils les moins dangereux. On compte 15 000 détenus pour délits routiers,tout de même », rappelle-t-il. Il faut y ajouter 18 000 détenus pour violences conjugales et 25 600 détenus avec un reliquat de peine de moins d’un an. En sacrifiant à une cote mal taillée, l’administration pénitentiaire estime qu’un tiers des 82 000 détenus actuels pourraient vivre sous un régime carcéral plus souple et moins coûteux.
Or, « aujourd’hui, rappelle Sébastien Cauwel, directeur de l’administration pénitentiaire, ce sont 800 détenus en plus que l’on compte en détention chaque mois ». « Sur la seule semaine dernière, 400 nouveaux détenus sont arrivés ; 5 000 détenus dorment actuellement sur des matelas au solet, dans certaines régions, il n’y a plus de marge de manœuvre. Le risque principal est donc de ne rien faire », prévient-il.
Un constant que partage Gérald Darmanin, lui qui avance au pas de charge depuis janvier, quitte à bousculer la lenteur de son administration et de ses procédures, pour mettre tout le monde sous adrénaline : recension des domaines pénitentiaires, étude comparative in situ des structures légères existantes en Europe, visite ce lundi des industriels de la construction « hors site », lancement d’un premier appel d’offres d’ici à la fin du mois… Le ministre a déjà un plan : « D’ici à 2027, voire 2028, je souhaite la création, sur les domaines pénitentiaires, de quinze structures de semi-liberté - soit 1 500 places - et 10 structures dédiées aux courtes peines - également 1 500 places. Soit en tout 3 000 places, constructibles en dix-huit mois. Nous lançons dès à présent une première structure de 50 places sur le domaine pénitentiaire de Troyes-Lavau, pour une livraison à l’automne 2026 », confie-t-il au Figaro.
Dans l’enceinte des établissements pénitentiaires, le ministère sera maître chez lui et pourra contourner quelques obstacles, comme les permis de construire ou les contentieux en tout genre. En revanche, les syndicats de surveillants ont obtenu que les constructions se fassent certes sur les domaines pénitentiaires, mais en dehors des murs d’enceinte existant, « pour éviter que ne s’aggravent la porosité des établissements, les projections et l’introduction massives de produits illicites. La situation étant déjà catastrophique », note Hervé Segaud, représentant de FO-surveillants.
Consultées et associées à la réflexion de leur ministre, les organisations syndicales évoluent progressivement, convaincues qu’il faut laisser sa chance au produit « avec quelques réserves cependant, car il faudra bien trouver le personnel », souligne Emmanuel Chambaud, secrétaire général de l’Ufap, qui rappelle que « la pénitentiaire souffre d’un déficit de 7 000 agents » tout de même.
Dans l’équation du ministre, outre le profilage des détenus selon leur dangerosité, la réduction du temps de construction des prisons. « Cela ne prend pas moins de sept ansaujourd’hui, notamment à cause de cahiers des charges trop gourmands », déplore-t-il. La question financière a également son importance : « une place de prison coûte aujourd’hui au contribuable 350 000 euros. On doit pouvoir descendre le coût significativement, à 200 000 en rythme de croisière », espère-t-il, les yeux braqués sur le plan 15 000 places de prison, promis pour 2027 et déjà revu à la baisse. « Nous allons construire autant de places que prévu, mais en moins cher et plus vite », promet-il.
En ligne de mire, aussi, l’horizon budgétaire de la loi de finances 2026. Car Gérald Darmanin est déjà à la recherche de tous les leviers qui feront plier Bercy pour sauver son futur budget. Son projet, évalué à plus ou moins 600 millions sur trois exercices budgétaires, impliquera la mise en suspens voire l’abandon de gros projets existants, au stade de l’étude ou de « la recherche de foncier ».
Mais Gérald Darmanin ne veut pas s’arrêter là : « Nous avons commencé par les prisons de haute sécurité, qui, sans M. Amra (le narcotraficant arrêté en Roumanie, NDLR), n’auraient peut-être pas existé. Nous repensons aujourd’hui tout le monde des murs. Nous continuerons demain sur celui des peines. Vous rendez-vous compte qu’en Allemagne, on compte seulement quatre régimes pénaux, quand la France affiche 265 peines différentes. Il a d’ailleurs fallu plusieurs jours à la Chancellerie pour toutes les recenser. Enfin, dans quelques semaines, je réunirai les magistrats pour lancer une réflexion sur la justice idéale. » De quoi aller au moins au bout d’un quinquennat.
Entre les parterres de fleurs colorées, les pelouses au cordeau, les triples rangées de rouleaux de barbelés concertina, les lourdes portes à système électromagnétiques impeccablement ripolinées, les jolies façades de briques sombres et l’absence du moindre détenu enfermé le temps de la visite, on hésite entre la représentation idyllique de la prison qui réinsère et une évocation dystopique. Les cellules aux murs clairs sont meublées dans le style scandinave, tandis que les espaces destinés aux personnels impressionnent les syndicalistes français.
En 2018, la direction de l’administration pénitentiaire de Basse-Saxe, elle aussi confrontée à la surpopulation carcérale, démarre une expérimentation sur son domaine pénitentiaire, qui compte 400 détenus répartis entre une maison d’arrêt et un quartier de semi-liberté : la construction en préfabriqué d’un nouveau quartier dédié à un public vulnérable - handicapés, fragilités psychiques, délinquants sexuels et médiatiques. Une quarantaine de détenus, malgré tout dangereux, dont « les peines vont jusqu’à 15 ans de prison » pour 21 personnels, souligne Stephanie Springer, directrice de l’administration pénitentiaire, qui a piloté ce programme. En filigrane, l’idée que la construction modulaire n’empêche pas une sécurité maximale.
« Nous avons lancé la construction en 2021 », détaille Jürgen Thiem, qui dirige l’entreprise familiale éponyme basée à Leipzig (Saxe) et spécialisée dans la construction carcérale. « Il ne s’est écoulé que dix mois entre la conception et la livraison finale. Une seule entreprise exécute le cahier des charges et non une multitude, avec leur délai et des approximations. D’autre part, nous ne sommes pas soumis aux risques météo, facteur de retards et de surcoûts, puisque tout est construit en usine », explique le dirigeant. Il insiste en revanche sur la nécessité d’une logistique millimétrée et d’un degré de précision maximal lors de la conception, car les infrastructures électriques et sanitaires sont définitivement intégrées au bâti. Après une simulation de l’ensemble en usine, les modules sont transportés par camion, « assemblés comme des Lego » et branchées à une dalle technique en trois jours. L’achèvement des travaux d’aménagement et la mise en service ne dépassent pas douze semaines.
Contrairement au modèle anglais, plus proche de l’Algeco métallique, bruyant, mal isolé, et vite défraîchi, les 23 modules allemands en béton armé, insensibles à toute dégradation, restent flambant neufs quasi quatre ans après leur mise en service. « Chaque détenu signe en entrant un état des lieux. Des tours de rangement et de ménage sont organisés si bien que nous savons exactement ce dont chacun est responsable », souligne Bernhard Saalfeld, directeur adjoint du centre pénitentiaire de Meppen. P. G.