La maison d’arrêt de Nice, l'une des plus anciennes et délabrées de France, souffre d'une insalubrité alarmante et d'une surpopulation carcérale record. Les détenus vivent dans des conditions précaires, avec des cellules surpeuplées, sans eau chaude, et des douches limitées. L'été, l'absence de climatisation rend la situation infernale.
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— framafad paca corse (@WaechterJp) April 15, 2025
La prison accueille près de 540 détenus pour 270 places, avec un taux d'occupation dépassant les 200 % pour les hommes. Cette promiscuité engendre des tensions croissantes, nécessitant des interventions fréquentes pour des bagarres. Les détenus incluent des membres de gangs, des terroristes islamistes, et des prisonniers vulnérables, comme les violeurs, qui sont isolés pour leur sécurité.
Les activités des détenus se limitent à la télévision, aux appels familiaux, et à la lecture. Le terrain de sport sert aussi de point de réception pour des objets illicites lancés depuis l'extérieur.
Malgré des discussions récurrentes sur la construction d'une nouvelle prison dans les Alpes-Maritimes, aucun projet n'a abouti. Les surveillants, en sous-effectif, peinent à remplir leur mission de garde et de prévention. Le syndicat appelle à des investissements pour améliorer les conditions de détention et réduire la surpopulation.
• Vincent-Xavier Morvan
Le parloir ! » À ce cri poussé par le surveillant qui ouvre la porte, la petite troupe massée sur le trottoir s’avance pour répondre à l’appel et passer le portique de sécurité, formalité indispensable pour entrer en prison. Comme nous sommes mercredi, des enfants sont présents pour visiter un parent. Jean-Pierre, un septuagénaire, est venu voir son fils, comme il le fait deux fois par semaine depuis juillet 2023. « Il vient de fêter ses 50 ans », explique le retraité au blouson de motard. « Il vit avec deux autres détenus dans une cellule de 9 mètres carrés, sans compter les cafards, deux cents par jour. Ils les attrapent avec du papier autocollant, c’est facile de les compter », glisse l’homme avec quelque chose de triste dans le regard.
Bienvenue à la maison d’arrêt de Nice, « la cinquième ville du pays, peut-être la plus riche et qui a pourtant la prison la plus pourrie de France », pointe Nordine Souab, délégué syndical Ufap-Unsa-justice, en poste dans l’établissement depuis vingt-cinq ans et « écœuré du paradoxe ». « Pas d’eau chaude en cellule, juste un évier avec de l’eau froide. Une douche à la durée limitée tous les deux jours. En été, les détenus se lavent quand même au lavabo dans leur cellule et inondent les coursives à la grande colère des “auxi”, les prévenus employés au nettoyage », raconte le délégué. En service depuis 1887, la prison de Nice n’a pas de climatisation, rendant l’été infernal.
À la vétusté s’ajoute un taux d’occupation record. « Au 31 mars, sur 270 places hommes, on est à 538 personnes hébergées, et sur 39 au quartier des femmes, à 51 détenues », constate Damien Martinelli, le procureur de la République de la ville. « Près de 200 % d’occupation pour les hommes, c’est un plateau record. Pour les femmes, on assiste à une croissance lente mais continue, après être resté longtemps sous les 100 % d’occupation », observe le magistrat, qui a demandé à être informé, chaque semaine, des statistiques. « Elles traduisent la fermeté de la réponse pénale, mais aussi l’inadéquation de l’outil aux besoins. Il est insuffisant par rapport à la délinquance du ressort », constate le procureur. Le recours accru aux peines aménagées et aux TIG ne suffit pas à juguler la surpopulation carcérale.
« Dans 9 mètres carrés, si l’on enlève la surface des trois lits superposés, du lavabo et du W.-C., il reste peut-être 5 mètres carrés d’espace vital », calcule Nordine Souab. « Cette promiscuité occasionne de plus en plus de tensions. Nous intervenons deux à trois fois par jour pour des bagarres », remarque-t-il. « Les chefs ont du mal à trouver des solutions, car il n’y a aucune marge de manœuvre », constate-t-il. « Dans une situation de surpopulation, on peut moins isoler les détenus qui posent des problèmes, par exemple les plus influents », note Damien Martinelli.
C’est le cas des membres de la DZ Mafia, une organisation marseillaise dont les ramifications s’étendent jusqu’à Nice. « On a quelques femmes concernées », confirme Nordine Souab, expliquant que les juges de Marseille préfèrent en incarcérer certaines à Nice pour les séparer de complices envoyées aux Baumettes, l’autre prison pour femmes de la région. « On a aussi des “TIS”, des terroristes islamistes, mais celles-là sont très tranquilles », note le délégué syndical.
Les « vulnérables », notamment les « pointeurs » (les violeurs), sont regroupés au même étage, ne risquant pas ainsi de croiser d’autres détenus lors de la promenade. Deux fois par jour, deux heures le matin et deux l’après-midi, les détenus peuvent aller prendre l’air. Le reste du temps, il y a la télé, les coups de fil à la famille ou l’emprunt de livres. « Mon fils en a lu plus de deux cents et était juré au Goncourt des détenus », raconte Jean-Pierre. Les prisonniers peuvent aussi faire du sport sur un terrain qui sert accessoirement de réceptacle pour les téléphones, stupéfiants ou aliments lancés par-dessus le mur depuis la cité voisine. Quand l’envoi est réussi, le paquet atterrit au pied des bâtiments, ce qui permet aux prisonniers, grâce à une ficelle au bout de laquelle ils accrochent une fourchette pliée, de récupérer en quelques secondes les produits illicites en déjouant la surveillance.
Depuis des années, le sujet de la construction d’un nouvel établissement dans les Alpes-Maritimes revient à intervalles réguliers, sans qu’aucun projet ne se concrétise. Une nouvelle prison est attendue au Muy, dans le Var. L’agrandissement de celle de Grasse est envisagé. « Si l’on pouvait déjà investir ici pour mettre un peu d’humanité, avec comme ailleurs deux détenus par cellule et une douche, cela permettrait de mieux les accueillir. Notre mission, c’est de les garder mais aussi de faire de la prévention. Avec autant de personnes, on n’a pas le temps, d’autant que nous sommes en sous-effectif. On est censé être 200 et on n’est même pas 150 », déplore Nordine Souab. V.X.M.
Le Figaro, le 14 avril 2025