À Toulon, incrédulité et inquiétude après cette « attaque à l’arme de guerre »

Devant la porte de la prison, Adeline* n’en croit pas ses yeux. La jeune femme se rend chaque semaine au parloir du centre pénitentiaire de La Farlède, à Toulon (Var), pour rendre visite à un proche. « Ça avait l’air bien protégé, confie-t-elle. Je pensais même que c’était l’une des prisons les plus sûres. Elle est toute neuve. Je trouve que tout cela est vraiment grave. »

• Mathilde Ceilles

Des petites feuilles de papier, annotées de 1 à 15, sont placées au-dessus des impacts de balles. Dans la nuit de lundi à mardi, la porte d’entrée de la prison varoise a été la cible de tirs à l’arme automatique. Selon le procureur de la République de Toulon, les faits se sont déroulés vers 0 h 40 et ont été commis par « plusieurs individus venus en véhicule ». « Un peu plus d’une dizaine de douilles ont été retrouvées », précise Samuel Finielz. Une de ces balles est parvenue à traverser la porte d’entrée de la prison pour se nicher dans la vitre de l’accueil du centre pénitentiaire, où une surveillante se trouvait.

Par miracle, cette dernière n’a pas été blessée. « Ma collègue est très choquée, raconte Serge*, surveillant pénitentiaire dans cet établissement depuis son ouverture, en 2004. Qui dit que ça n’arrivera pas de nouveau, en pleine journée, par exemple ? » À ses côtés, les proches des détenus se pressent devant l’entrée de cette prison très facile d’accès, alors que le changement d’équipes s’est fait quelques minutes plus tôt.

DZ Mafia et Yoda

«Nous attendons des réponses fortes, pour améliorer la sécurité de l’établissement, pour les agents et pour les familles… », souligne Sébastien Silfio, représentant FO Justice à La Farlède. « On se rend bien compte que la porte d’accès à la prison n’est pas blindée, souffle David Mantion, secrétaire régional adjoint de l’Ufap-Unsa-justice. Ça m’inquiète ! On a déjà dit aussi qu’il fallait mettre une barrière à l’entrée, car, aujourd’hui, n’importe qui peut stationner devant ! » Or, parmi les 905 détenus qui séjournent à la prison de La Farlède, on dénombre un certain nombre de gros bonnets du crime organisé. « On a toute sorte de détenus, dont des profils qui viennent de la DZ Mafia, de Yoda… », confie Serge. « On a des détenus liés au narcobanditisme, dont plusieurs estampillés “haut du spectre”, confirme David Mantion. Et ces gens-là sont capables du pire. Il faut se rappeler qu’on est presque un an après l’assassinat de deux de nos collègues au péage d’Incarville… Ils peuvent aller jusqu’à tuer ! »« Et des profils comme Mohamed Amra avant qu’il ne s’évade, on en a 70 », soupire Serge.

Beaucoup voient dans cette action, menée simultanément à d’autres dans toute la France, une réponse à la politique de lutte contre le narcobanditisme portée par Gérald Darmanin. « Pour un détenu de La Farlède, qui est ici au soleil, avec sa famille pas loin, ce n’est pas la même histoire d’être envoyé dans la prison ultra-sécurisée de Vendin-le-Vieil, estime David Mantion. Et on va en avoir plusieurs ! Certains n’ont pas envie de se retrouver là-bas. On nous attaque à l’arme de guerre. C’est une forme de terrorisme, pour intimider les gens et mettre la pression sur le gouvernement afin qu’ils reviennent sur ce dispositif. »« On peut dire que certains sont entrés en guerre contre la justice, lance Sébastien Silfio. J’ai peur qu’ils fassent des émules… »

Sur la porte de la prison, la mystérieuse inscription « DDFM » a été retrouvée taguée. Un acronyme différent de celui découvert sur les autres établissements visés la même nuit dans l’Hexagone : DDPF, pour « droits des prisonniers français ». « Je ne sais pas qui se cache derrière ce slogan », a indiqué le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, à l’issue de sa visite du centre pénitentiaire de Toulon, précisant qu’il n’y avait pas eu de revendication à ce stade mais que l’action semblait viser à « intimider » l’État. Une enquête a été ouverte et confiée au Parquet national antiterroriste. M.C.

Le Figaro - le 16 avril 2025

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