Drogue, violences… La situation est explosive dans cet établissement qui accueille une cinquantaine de détenus, mis en cause dans des délits et des crimes.
À Marseille, la prison pour mineurs proche du « point de rupture »
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 9, 2025
Drogue, violences… La situation est explosive dans cet établissement qui accueille une cinquantaine de détenus, mis en cause dans des délits et des crimes. @Le_Figaro pic.twitter.com/2JrN3yReBD
• Nicolas Farmine
Une prison au bord de l’asphyxie. L’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Marseille, l’un des six du genre en France, approcherait chaque jour du « point de rupture » de l’aveu d’un surveillant sur place exerçant le métier depuis de nombreuses années.
« La situation est alarmante depuis le début de l’année 2024. La prison accueille une cinquantaine de jeunes détenus connus pour des faits de trafic de stupéfiants, des viols, voire des meurtres. C’est une population pénale différente, prête à tout et qui ne se sent pas concernée par le dispositif de l’établissement », témoigne un représentant local du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS Paca-Corse) auprès du Figaro. « Notre rôle, c’est de les encadrer pour les réinsérer, notamment via des activités scolaires, sportives et culturelles. Sauf qu’ils se fichent de l’école et refusent parfois même de sortir de leur cellule », souffle cette source syndicale, à bout de nerfs comme beaucoup de ses collègues.
« Récemment, l’un d’entre eux s’occupait même d’un vaste trafic de stupéfiants qui impliquait des dizaines de personnes à l’extérieur. Des individus projetaient des téléphones, des cigarettes et de la drogue dans la cour de l’établissement. Cela fait un an qu’on demande des filets de protection… sans retour », poursuit-il en décrivant les nombreux faits de violence qui rythment le quotidien de la prison pourtant décrite comme une structure « familiale ». « On se fait insulter et cracher dessus. Un agent a même été mordu en détention. Psychologiquement, cela devient extrêmement compliqué de venir travailler ici », assure le syndicaliste.
Des difficultés qui ont inévitablement entraîné de nombreux arrêts maladie, des procédures pour accident du travail et même des réorientations. À tel point que l’EPM ne tournait en début d’année qu’avec une dizaine d’agents pénitentiaires et un seul éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) au lieu de la cinquantaine de personnels requis. « Ceux qui sont présents triment et réalisent de très nombreuses heures supplémentaires pour encadrer des jeunes de 13 à 17 ans qui nécessitent beaucoup plus d’attention que des majeurs. Personne ne réagit, alors que nous ne sommes pas en sécurité et les jeunes non plus, le tout au détriment du fonctionnement de l’établissement », poursuit l’agent. Actuellement en arrêt, il confie avoir « la boule au ventre » à l’idée de revenir travailler.
Les cours et autres activités normalement dispensés au sein de la prison ont été mis à l’arrêt courant mars, comme le confirme l’Observatoire international des prisons (OIP) dans un communiqué. Pis : des agents issus des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Éris) ont même été réquisitionnés pour assurer la sécurité de l’EPM une nuit alors que le nombre de surveillants en poste ne permettait pas d’assurer cette mission. Comme rappelé par nos confrères de Marsactu, le déploiement de cette unité d’élite destinée à intervenir en cas de situation critique est loin d’être adapté à ce type de tâche quotidienne.
Face à cette situation de crise, une quinzaine d’agents issus d’établissements pénitentiaires du secteur sont venus provisoirement renforcer les effectifs toujours en poste. Mais cette solution d’urgence est temporaire et se heurte à des impératifs logistiques. « L’établissement tourne avec 50 % des effectifs normaux. Les tensions sont fortes au sein de la prison, où règne un sentiment d’omerta », confirme le député de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône Hendrik Davi (NFP), qui a pu juger sur place de la situation à l’EPM de La Valentine lors d’une visite parlementaire le 7 mars dernier.
« On est face à des enfants qu’on ne sent pas tous endurcis, mais aussi des mineurs qui souffrent d’addictions et de problèmes psychologiques. La direction de l’établissement a assumé les manques d’effectifs sans maquiller les chiffres. Mais les problèmes qui en découlent ont été lissés », complète l’élu. « On les infantilise d’un côté, alors que ce sont des individus capables de tout. C’est comme chez les adultes, ce sont des gens qui ont déjà un passé carcéral et judiciaire », nuance toutefois le représentant SPS, évoquant même la présence de mineurs liés au gang criminel de la DZ Mafia.
Cette situation explosive à Marseille renvoie à un rapport de la Cour des comptes publié en 2024 dressant un bilan « mitigé » pour les six EPM de l’Hexagone, pointés du doigt pour leur manque de développement et d’effectifs. « La prise en charge de ces jeunes détenus est plus compliquée que dans les maisons d’arrêts pour majeurs. La moitié des éducateurs a lâché prise, ils se disent que tout cela ne sert à rien quand des jeunes reviennent quatre ou cinq fois dans l’établissement. La direction, quant à elle, attend le point de rupture pour trouver une solution », peste le syndicaliste.
Le Figaro - le 8 avril 2025