À la prison, le « couloir de la mort » ne sera pas classé

Il est appelé le « couloir de la mort ». Mais la mort ne se trouvait pas au bout du couloir. Et sa fonction de « lieu de transit des résistants condamnés à mort reste en débat ». C’est l’un des arguments adressés à Pascal Savoldelli, le sénateur (PCF) du Val-de-Marne qui avait déposé l’an dernier un dossier afin de demander le classement aux Monuments historiques de ce sas. Situé à l’intérieur de la prison de Fresnes et toujours utilisé par le personnel et les visiteurs, il a été emprunté par de nombreux résistants lors de la Seconde Guerre mondiale.


• Fanny Delporte

Le parlementaire avait profité d’un déplacement au centre pénitentiaire en mai afin d’évoquer ce passé, aux côtés notamment de Loïc Damiani, élu (PCF) à Fontenay-sous-Bois et docteur en histoire, dont le propre père, Jacques Damiani, entré dans la résistance à 16 ans, s’est retrouvé à Fresnes en 1941. Une mise en lumière de ce passé « serait intéressante, y compris pour les détenus », expliquait l’élu.

« Aucune trace ne subsiste de cette période »

La demande de Pascal Savoldelli, formulée auprès de l’ancienne ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, avait été accueillie de manière positive. Mais les membres de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Île-de-France ont émis un avis défavorable sur ce dossier.

La délégation permanente de la commission « a notamment considéré que la protection au titre des Monuments historiques n’était pas la mesure la plus adaptée à la reconnaissance de ce lieu de mémoire, indique-t-on à la Drac, car l’usage de cet espace comme lieu de transit des résistants condamnés à mort reste en débat dans la communauté des historiens, dans la mesure où Fresnes n’était pas un lieu d’exécution pendant la période de la guerre ».

Les résistants qui y étaient internés « étaient soit exécutés au Mont-Valérien, soit déportés en Allemagne », rappelle-t-on à la direction régionale. L’expression même de « couloir de la mort » fait donc débat, au sens où ces résistants n’ont pas été tués à Fresnes. C’est le cas de Missak Manouchian, l’un des résistants communistes de l’Affiche rouge, incarcéré dans le Val-de-Marne avant d’être fusillé en 1944. Son portrait a d’ailleurs été réalisé dans la prison par l’artiste C215.

La Drac ajoute que « de plus, d’un strict point de vue matériel, déterminant pour une protection au titre des MH (Monuments historiques), aucune trace ne subsiste de cette période, le couloir ayant été entièrement rénové dans les années 1960 ou 1970 ».

Pour autant, poursuit l’instance, « les actions mémorielles de sensibilisation et d’éducation ont en revanche toute leur place dans l’espace de mémoire-musée créé l’année dernière, dont c’est la vocation ». Ce lieu, qui est situé sur le domaine pénitentiaire, a été créé l’année dernière à l’occasion des 125 ans de la prison.

« Cela ne peut pas être une fin de non-recevoir », réagit le parlementaire du Val-de-Marne, qui compte « continuer à défendre l’idée d’un art urbain vivant » autour de ce lieu. Au-delà du « couloir de la mort », « seule une protection plus large, prenant en compte son intérêt architectural, pourrait avoir du sens », ajoute-t-on à la Drac. Mais la prison étant toujours en activité, « l’administration pénitentiaire ne sera pas favorable à cette protection », conclut-elle. Contactée au sujet de l’avis défavorable, la Direction interrégionale des services pénitentiaires d’Île-de-France n’a pas réagi à notre demande.

Le Parisien - le 18 octobre 2024

PLAN DU SITE - © la FRAMAFAD PACA & CORSE- 2024 - Pour nous joindre