Sortie du film « la Prisonnière de Bordeaux

Isabelle Huppert et Hafsia Herzi à l'affiche de "La Prisonnière de Bordeaux", un duo puissant d'épouses de détenus. Recensions du film par FranceTVInfos, OUEST-FRANCE, La Provence, Le Figaro, Libération

Le dernier film de Patricia Mazuy retrace une amitié singulière entre deux femmes de détenus, l'une bourgeoise fortunée, l'autre jeune mère de banlieue. Cette rencontre va bouleverser leur destin.

Recension du film par FranceTVinfos

Ariane Combes-Savary

Une rencontre. Deux personnages, en apparence si distants, mais en réalité si proches, car confrontés au même état, celui de femme de détenu. Deux actrices, Isabelle Huppert et Hafsia Herzi, qui n'avaient jamais joué ensemble et qui composent un duo presque évident. Sur cette rencontre repose le film La Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy, en salles le 28 août.


La Prisonnière de Bordeaux 
La Prisonnière de Bordeaux Bande-annonce VF


Alma est une femme au bord du vide. Dans son hôtel particulier bordelais, elle s'ennuie ferme, si ce n'est sa visite hebdomadaire à la prison. Mina, elle, court entre ses parloirs à trois heures et demie de train, ses deux enfants et son travail de blanchisseuse dans un pressing de Narbonne. C'est dans la maison d'accueil du centre pénitentiaire que les deux femmes se rencontrent. L'une s'est trompée de jour pour sa visite et simule un malaise pour amadouer les gardiens, l'autre semble séduite par l'audace de sa voisine de parloir.

Deux milieux que tout oppose

Deux épouses, deux milieux sociaux que tout oppose. Elles ont beau fréquenter la même prison, l'une visite un braqueur de bijouterie, l'autre un neurologue réputé. Du rapprochement de ces deux contraires va naître une énergie libératrice.

L'amitié est d'emblée totale, sans demi-mesure. Très vite Alma invite Mina dans son immense maison, elle lui trouve un job de blanchisseuse dans la clinique de son mari et s'occupe de ses deux enfants. Les trois nouveaux venus sont loin de ce monde bourgeois et fortuné et on devine d'emblée les failles à venir. Le décalage est trop grand pour imaginer un avenir commun. Mais la rencontre fulgurante va pourtant modifier en profondeur les deux femmes.

Un formidable film d'actrices

Si la fracture sociale est parfois trop démonstrative, Patricia Mazuy, plus encline à explorer le cœur des hommes dans ses précédents longs-métrages, signe un formidable film d'actrices. Un portrait de deux femmes de parloir, deux codétenues aiment-elles à dire, tant la vie de celles qui attendent relève aussi de la prison. Isabelle Huppert et Hafsia Herzi incarnent ces amies improbables avec une facilité déconcertante. La douceur qui s'en dégage irradie.

Sur sa partenaire à l'écran, Isabelle Huppert a peu de mots, mais ils disent tout. "C'est comme en musique, c'est l'accord parfait", indique-t-elle au public d'une avant-première lorsque le film a été présenté à Cannes à la Quinzaine des cinéastes en mai dernier. "Hafsia, c'est less is more, c'est-à-dire que moins elle en dit, plus on pressent des choses et plus on les comprend."

Le casting n'avait cependant rien d'évident. Quand elle a su qu'André Téchiné avait déjà tourné quelques mois plus tôt le film Les Gens d'à côtéavec le même duo d'actrices, Patricia Mazuy ne décolère pas : "J'avais vraiment les boules, raconte la réalisatrice connue pour son franc-parler. Je voulais virer Hafsia, poursuit-elle en riant. Finalement, elle a monté ses cheveux, elle a grossi un peu, ça a fait autre chose."

À travers Alma et Mina, c'est le quotidien de ces femmes, ces mères, ces épouses, ces sœurs qui fréquentent les parloirs que Patricia Mazuy met en lumière. Si le titre du film parle d'une prisonnière au singulier, c'est pour mieux s'ouvrir vers le conte et évoquer ainsi toutes celles qui sont condamnées à programmer leur vie sur celle d'un détenu.

 La fiche

Genre : Drame 

Réalisateur : Patricia Mazuy 
Acteurs : Isabelle Huppert, Hafsia Herzi 
Pays : France 
Durée : 1h48 
Sortie : mercredi 28 août 2024

Synopsis : Alma, seule dans sa grande maison en ville, et Mina, jeune mère dans une lointaine banlieue, ont organisé leur vie autour de l'absence de leurs deux maris détenus au même endroit. À l'occasion d'un parloir, les deux femmes se rencontrent et s'engagent dans une amitié aussi improbable que tumultueuse.

FRANCE INFO - 25 août 2024

Fiche Wikipedia


La Prisonnière de Bordeaux 
La Prisonnière de Bordeaux Bande-annonce VF



 Rencontre avec Patricia Mazuy

Le 1er Septembre 2024, nous avons eu le plaisir de recevoir la réalisatrice Patricia Mazuy, venue présenter son film LA PRISONNIÈRE DE BORDEAUX. Le débat avec le public a été animé par Jean-Marc De La Cruz, programmateur et Hervé Aguillard, directeur. Merci aux Films du Losange d'avoir permis cette rencontre ! Vidéo : Nicolas Guittet.

++++++++

La prisonnière de Bordeaux

• Thomas BAUREZ.

 Ce mercredi au cinéma. Isabelle Huppert et Hafsia Herzi excellent dans un récit hélas poussif, entre thriller et psychodrame social.

Isabelle Huppert et Hafsia Herzi ne se quittent plus. Quelques semaines après Les gens d’à côté d’André Téchiné, les voici dans cette Prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy. Deux films qui, au-delà de leurs interprètes, partagent une même idée d’un cinéma social d’une noirceur a priori irrémédiable. On reconnaît, chez les deux cinéastes, une façon identique de travailler physiquement la psyché de leur personnage, un exercice qu’Isabelle Huppert maîtrise à la perfection.

La prisonnière de Bordeaux débute par un effondrement. Mina (Herzi) se voit refuser une demande de visite de son compagnon incarcéré pour un trafic de montres. La jeune femme remue ciel et terre avant de tomber, inanimée. Seule Alma (Huppert), sur place pour les mêmes raisons, prend soin d’elle. Mina et Alma forment dès lors un binôme. Le fossé de classe censé les séparer devient la raison d’être de leur compagnonnage. La bourgeoise Alma accueille la prolétaire Mina dans sa grande maison où tout suinte la solitude et les déchirures.

Ceci posé, que faire, sinon raconter des histoires ? Sur ce terrain-là, Patricia Mazuy (Saint-Cyr, Bowling Saturne…) aidée de François Bégaudeau au scénario, ne propose rien de folichon. À défaut d’une échappée émancipatrice façon Thelma et Louise, on se retrouve confiné dans un énième psychodrame dont la bascule vers le thriller sent le calcul et les compromis. Mazuy n’échappe pas au déterminisme social qui plombe les deux tiers des fictions françaises. Reste cet inconfort impalpable qui émane de l’incarnation toute en tension d’Isabelle Huppert à laquelle répond l’insondable morgue de sa complice. C’est là que réside la puissance de cette Prisonnière.

OUEST-FRANCE - le 28 août 2024

+++++++

Patricia Mazuy : "Le défi était de faire un film doux"

• Cédric COPPOLA

La réalisatrice réunit Isabelle Huppert et Hafsia Herzi dans "La Prisonnière de Bordeaux", un film sur l’amitié entre deux femmes que tout oppose, mais alliées face à l’adversité.

Déjà réunies à l’écran par André Téchiné, Isabelle Huppert et la marseillaise Hafsia Herzi composent un duo évident dans La prisonnière de Bordeaux de Patricia Mazuy. Elles incarnent deux femmes de détenus, l’une bourgeoise fortunée, l’autre jeune mère de banlieue. Rencontre avec la réalisatrice.

Comme le suggère le titre, vous placez cette fois votre caméra à Bordeaux. Lorsque vous préparez un long-métrage, de quelle manière choisissez-vous le lieu, la ville où l’action va se situer ?

Tout dépend du film. Par exemple, Paul Sanchez est revenu que j’avais tourné en 2018 et inspiré par l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, se devait, pour une question de dramaturgie, se dérouler sur le rocher de Roquebrune. De ce fait, il pouvait être tourné uniquement là-bas. À l’inverse, La Prisonnière de Bordeaux emprunte au conte. Cela permettait une plus grande flexibilité. L’essentiel était de trouver des lieux abstraits : une prison, une maison riche, une ville… Finalement, le calendrier des investissements régionaux a joué un rôle prépondérant. La productrice a soumis le projet à plusieurs régions, et l’Aquitaine a répondu en premier. Comme nous étions dépendants du calendrier d’Isabelle Huppert, nous avons décidé de tourner là-bas. Et comme le producteur historique avait des liens avec la Gironde, on s’est retrouvé à Bordeaux. Ensuite, on s’approprie la ville, on explore son atmosphère… Finalement, le lieu a bien convenu, même si au départ, je voyais davantage cette histoire se dérouler dans l’Est, à Strasbourg, en raison de l’architecture.

Considérez-vous la maison et la prison, où ont lieu la majorité des scènes, comme des personnages à part entière ?

Il y a peu de scènes d’extérieur et nous avons eu une pluie intense sur 30 des 32 jours de tournage. Alors quand il fallait sortir, on faisait les prises entre les averses… Mais la prison et la maison étaient effectivement des places fortes. L’axe central était que cette dernière représente un caveau. Il en fallait une avec des murs de différentes teintes pour obtenir l’ambiance que je souhaitais. En effet, il se trouve que j’aime les lumières crépusculaires, sombres. Ici, même si les couloirs et les parloirs sont très clairs, avec des murs blancs et des couleurs vives, nous avons réussi à conserver une certaine complexité dans les tons de la maison, en contraste donc avec la blancheur clinique des autres lieux.

Cultiver le paradoxe était central.„

De quelle manière avez-vous construit cette relation d’amitié entre ces deux femmes, qui, on s’en doute dès le départ, n’est pas forcément amenée à durer ?

Cultiver le paradoxe était central. Le défi était de faire un film doux – ce qui est inhabituel pour moi – et de rendre crédible cette amitié aussi improbable qu’intense, tout en ayant conscience qu’elle a une durée limitée. Alma, le personnage d’Isabelle, est fondamentalement bon et gentil, ce qui n’est pas évident à déceler à première vue. Mina, qu’interprète Hafsia Herzi, est à l’inverse constamment dans l’action. L’enjeu était de dépasser les clichés, d’étoffer les personnages au-delà de la simple bourgeoise esseulée et de la mère courage des cités. Dans les dialogues, il y avait initialement beaucoup de discussions sur leur situation sociologique, mais j’ai préféré les simplifier, car tout passait très bien par l’image. Un des objectifs était de créer une opposition corporelle pour travailler sur ce contraste social et rendre ces deux femmes profondes, surprenantes. Avec Isabelle, nous avons travaillé sur les costumes et des détails concrets, à l’image des talons de 12 cm qu’elle porte et de sa coiffure de princesse. Avec Hafsia, on a joué sur son physique, elle a pris du poids spécialement pour le film.

Le fait qu’Isabelle Huppert et Hafsia Herzi se soient déjà donné la réplique dans "Les Gens d’à côté" d’André Téchiné a-t-il facilité la direction d’acteurs ?

La Prisonnière de Bordeaux est né à un moment où mon précédent film Bowling Saturne, avec deux rôles principaux masculins, avait du mal à se concrétiser. Conséquence, on a ici un duo féminin. L’envie de collaborer avec Isabelle était réciproque et datait d’un long moment. Il restait à trouver qui serait en face d’elle… Même si le casting a été fait en amont du film d’André Téchiné, le tournage a eu lieu après. Le fait qu’elles se connaissaient a peut-être facilité leur alchimie à l’écran, mais fondamentalement, ça n’a rien changé…

Plutôt que de laisser leurs compagnons en hors-champ, vous n’hésitez pas à les montrer dans les parloirs. Il était important de leur donner un visage ?

Cela permet de faire comprendre le quotidien de ces femmes. Néanmoins, ces deux hommes ont été complexes à écrire, et notamment Nasser, le mari de Mina, qui est un petit braqueur amoureux. Au départ, il devait voler des bijoux, mais Hafsia a suggéré qu’il s’empare plutôt de montres. Un choix effectivement plus contemporain et réaliste…

Les enfants de Mina représentent par contre son trésor et il fallait qu’ils soient vivants à l’écran. Et même s’ils n’agissent pas sur l’intrigue, ils sont nécessaires pour montrer qu’elle se bat pour les protéger.

Hafsia a pris du poids spécialement pour le film.„

LA PROVENCE, LE 28 AOÛT 2024

+++++++

« La Prisonnière de Bordeaux » : une folie bourgeoise

Après « Les Gens d’à côté », Isabelle Huppert et Hafsia Herzi se retrouvent dans ce film de Patricia Mazuy. Un scénario faible pour parler de deux êtres que tout oppose.

• Etienne Sorin

On prend les mêmes et on recommence. Isabelle Huppert et ­Hafsia Herzi ne se quittent plus. On avait laissé les deux actrices dans Les Gens d’à côté, d’André Téchiné, début juillet. Huppert interprétait Lucie, une agent de police scientifique veuve et solitaire qui se lie d’amitié avec ses nouveaux voisins. Un couple modeste avec enfant joué par Nahuel Pérez Biscayart et Hafsia Herzi. Lui, sous ses dehors d’artiste peintre fumeur de joints, cache un activiste antiflics au casier judiciaire lourd. Elle, compagne aimante, n’a rien d’une black bloc et se confie à Lucie qui dissimule sa profession.

Le film est un trio, mais il annonce le duo de La Prisonnière de Bordeaux. Le film de Patricia Mazuy, présenté, lors du dernier Festival de Cannes, à la Quinzaine des cinéastes, réunit de nouveau les deux actrices. On y trouve la même opposition de génération, de style, de classe sociale. Huppert et Herzi se confondent encore une fois avec leurs personnages, deux femmes dont les maris sont en prison.

Huppert campe Alma, une bourgeoise, ancienne danseuse, qui vit seule dans sa grande maison depuis que son fils habite à l’étranger et que son mari chirurgien est en prison après avoir provoqué un accident de la route et commis un délit de fuite. Le peu qu’on aperçoit de l’homme au parloir ne le rend guère sympathique. Cela n’empêche pas Alma de lui rendre visite chaque semaine au centre pénitentiaire. Un jour, elle y rencontre Mina (Hafsia Herzi), blanchisseuse de Narbonne, mère de deux enfants et grande gueule. Son mari est tombé pour le braquage d’une bijouterie. Alma prend Mina sous son aile. Elle lui trouve un travail dans la clinique de son mari, l’accueille chez elle avec ses enfants. La bourgeoise au grand cœur trompe son ennui, se transforme en nounou fantasque.

Un manque de cohérence gênant

Comme chez Téchiné, Mazuy montre un rapprochement possible entre deux êtres que tout oppose. Deux femmes chacune prisonnière d’une existence dictée et rythmée par leur mari. Avant de rappeler que cette belle entente ne résiste pas à la réalité sociale, que chacune reprend sa place, ses réflexes de classe. Et puis non, le déterminisme n’est peut-être pas aussi implacable.

En fait, on ne sait pas très bien ce que Mazuy veut dire au spectateur dans un dernier acte où chaque scène contredit la précédente avec un manque de cohérence gênant. Cette valse-hésitation est moins de l’ambiguïté qu’une faiblesse du scénario, jusqu’ici très tenu dans une veine chabrolienne. Et servi par deux bêtes d’actrice. Isabelle Huppert gagne à partager l’écran avec Hafsia Herzi. En revanche, elle est seule à présider le jury de la Mostra de ­Venise qui ouvre ce mercredi. En octobre, elle sera également seule récipiendaire du prix Lumière, à Lyon. La rentrée s’annonce hyper Huppert.

Le Figaro - le 18 août 2024

++++++

«La Prisonnière de Bordeaux», les potes du pénitencier

Il y a des ouvertures, comme des fins de film, dont on ne se remet pas. Celle de la Prisonnière de Bordeaux, qui est à la fois un début et, on le comprendra plus tard, une sorte de fin, est exemplaire, époustouflante dans son genre : au son de la mélodie entêtante d’Amine Bouhafa (le compositeur de BO qui monte), on sent – plus qu’on ne voit – apparaître Isabelle Huppert, fleur parmi les fleurs violettes et rouges du fleuriste chez qui elle compose son coûteux bouquet. C’est par le plafond miroité que Patricia Mazuy filme, comme pour nous signifier qu’ici, pour son septième long métrage, tout sera sens dessus dessous : Achille Reggiani, son fils et héros du grand film sombre qu’était Bowling Saturne, passe le relais en choisissant les roses pour Alma. On abandonne ainsi la noirceur visqueuse, la violence sèche et retorse, on passe côté pastel, côté mélo. On comprend le besoin de la réalisatrice de chercher la douceur et plus que jamais la phrase attribuée à Truffaut, qu’un film se fait toujours contre le précédent. Avec la Prisonnière de Bordeaux, Mazuy s’essaye au feel good movie, elle qui nous a davantage habitués à l’excès, au tordu, au flirt avec les limites ; elle troque également les grands espaces pour le confiné d’une maison de maître, exercice périlleux pour celle dont le western a toujours été l’horizon et qui en garde ici la trace seulement dans son titre.

Réunies pour un temps forcément limité

Si l’argument de départ n’est pas franchement jouasse – Alma, la grande bourgeoise

Libération, le 28 août 2024

PLAN DU SITE - © la FRAMAFAD PACA & CORSE- 2024 - Pour nous joindre