« Détenues à ciel ouvert » : un premier pas vers la liberté

Ce documentaire met en lumière le fonctionnement de la Ferme Baudonne, qui accueille des femmes quelques mois avant la fin de leur peine.

• Emmanuelle Litaud

Des arbres, des champs et le ciel pour horizon. La Ferme Baudonne, et ses 3 hectares de nature, accueille, près de Bayonne, des femmes détenues en fin de peine et leur offre un sas entre la prison et le retour à la vraie vie.

Ici, pas de barreaux ni de barbelés. Ce lieu unique et expérimental, créé en 2020, est dirigé par Gabi Mouesca, qui a lui-même passé 17 ans en prison. « L’absence totale de barreaux est, de fait, une cassure radicale avec l’espace cellulaire. C’est l’anti-prison ici, un pas important vers le retour de femme libre », explique-t-il dans le documentaire Détenues à ciel ouvert, diffusé sur France 2. « L’idée est que l’on puisse avoir un traitement à la hauteur de notre niveau de civilisation pour ces femmes-là », précise-t-il à propos de cette alternative à la détention.

Pendant un an, la réalisatrice Sophie Bontemps a suivi Évelyne, Annie et Rosy et leur évolution au fil des mois passés dans l’établissement. À l’instar de toutes les résidentes, elles ont une chambre individuelle dont elles détiennent la clé. À leur arrivée, les détenues signent un contrat, s’engagent à respecter le règlement intérieur et doivent travailler 26 heures par semaine. En échange, elles reçoivent un salaire équivalent au smic sur lequel est prélevé un loyer, pour les réhabituer, petit à petit, au fonctionnement du monde extérieur. Évelyne et Rosy œuvrent dans le potager. « Le jardin est bénéfique pour l’esprit, explique la première. Cela symbolise la vie, le renouvellement. » Annie, elle, est dévolue à la cuisine. Condamnée à multiples reprises pour vol avec escroquerie, elle a passé la moitié de sa vie en prison et savoure pleinement sa nouvelle autonomie, sa grande chambre et le fait de pouvoir se maquiller à nouveau. « C’est comme si on était enterrés vivants et qu’on ressuscite. On découvre la vie », confie-t-elle.

Se reconstruire doucement

Gabi Mouesca l’a vécu : le choc de la sortie de prison est presque aussi fort que celui du début de la détention. L’établissement, estampillé Emmaüs, offre ainsi une phase salvatrice permettant d’atténuer un peu l’étape difficile de la réinsertion. Mais, ici, tout n’est pas rose pour autant. La violence affleure partout, surtout entre les résidentes. Certaines, retrouvant une forme de liberté dont elles ont été privées durant tant d’années, outrepassent parfois les règles de la maison. Des écarts qui ont poussé le directeur à renvoyer trois d’entre elles derrière les barreaux. « Ce sont les décisions les plus difficiles que j’ai eues à prendre », note-t-il. Si le chemin est donc sinueux, ce lieu aide pour autant la très grande majorité de ses résidentes dans leur reprise d’autonomie. Évelyne arrive au terme de sa peine. Elle qui évoluait dans des milieux où la drogue, l’alcool et la violence faisaient rage avant son incarcération apprend à se connaître. « Maintenant, je découvre qui je suis. J’ai découvert cette sensibilité chez moi, j’ai eu du mal à l’accepter, je prenais tout à cœur », explique-t-elle. Avec du temps, les détenues, qui peuvent passer de six mois à deux ans dans la Ferme Baudonne, gagnent en confiance et apprennent à se reconstruire doucement.

Ce documentaire, très réussi, permet de mieux connaître cette voie parallèle qui, si elle est encore expérimentale, semble essentielle. En effet, sans accompagnement, une femme sur trois est à nouveau condamnée dans les cinq ans qui suivent sa sortie de prison.

Détenues à ciel ouvert»

A 22h 55, sur France 2

Notre avis ••••

Le Figaro - le 18 septembre 2024

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"Ici, on réapprend à faire partie de la vie", confie Evelyne, détenue d'une prison pour femmes à ciel ouvert

Isabelle Malin

Depuis 2020, la Ferme Emmaüs Baudonne accueille des femmes en quête d'un autre quotidien après des années de détention.

"Ici, nous remettons les gens debout." Telle est la philosophie de Gabi Mouesca, le créateur et directeur d'un lieu unique en France, créé en 2020 : la Ferme Emmaüs Baudonne. Une prison pas comme les autres, qui souhaite avoir un traitement des détenus "à la hauteur de notre niveau de civilisation" . L'établissement accueille des résidentes comme Annie, Evelyne, Rosy et Anne, qui apparaissent dans le documentaire Détenues à ciel ouvert, réalisé par Sophie Bontemps et diffusé mercredi 18 septembre, à 22h50, sur France 2.

Le film raconte le parcours de ces femmes en quête d'un autre quotidien après des années d'incarcération. Leur reconstruction passe par le travail, une considération retrouvée et une vie en collectivité dans cette prison sans barreaux, ni barbelés, ni gardiens. Située à Tarnos (Landes), cette grande bâtisse blanche bordée de champs et de lauriers est présentée comme un lieu de transition entre la détention et la liberté. Une structure à contre-courant de l'univers carcéral dans laquelle certaines prisonnières terminent leurs peines. Un centre de réinsertion dans lequel tout est mis en œuvre pour offrir à ces femmes une perspective d'avenir sans récidive.

"Il existe d'autres façons de sanctionner"

Lorsque Gabi Mouesca sort de prison en 2001, l'ex-détenu devient chargé de mission sur les prisons à la Croix-Rouge, puis président de l'Observatoire international des prisons (OIP) de 2004 à 2009. Il s'engage alors pour la réinsertion des prisonniers par l'entremise de l'association Emmaüs.

"La prison écrase les gens qui, bien souvent, ont vécu à genoux toute leur vie. La prison ne fait que les mettre couchés, par terre, parfois jusqu'à la fin."

Gabi Mouesca, directeur de la Ferme Emmaüs Baudonne

dans le documentaire "Détenues à ciel ouvert"

Dans sa structure, les détenues se voient proposer un contrat de travail en insertion d'un minimum de quatre mois et qui peut aller jusqu'à vingt-quatre mois maximum. Elles occupent chacune une chambre individuelle, leur permettant de renouer avec une certaine intimité et payent un loyer, prélevé sur leur salaire. Une façon de les préparer à la vie active. Ces femmes bénéficient également d'un accompagnement personnalisé et de formations afin de faciliter leur sortie de prison. "Nous démontrons qu'il y a d'autres façons de sanctionner des personnes qui ont commis des délits ou des crimes",explique Gabi Mouesca. 

La réinsertion des détenues par le travail

Evelyne a été condamnée à douze ans de prison. Elle purge actuellement la fin de sa peine et mesure sa chance d'avoir pu intégrer cette ferme. "En prison, ce n'est pas pareil", remarque-t-elle. "C'est un blocus, on est scellé, on ne peut pas réfléchir à son avenir. (...) Là, on réapprend à vivre. Tu prends la fleur, tu plantes, tu arroses. C'est bénéfique pour l'esprit, cela symbolise un peu la vie", confie-t-elle à Sophie Bontemps. 

Pour autant, l'accès à ce lieu unique reste restreint. L'équipe de la Ferme Emmaüs Baudonne étudie avec attention les candidatures émises par les personnes détenues elles-mêmes ou formulées par leurs conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. Ils privilégient principalement les femmes condamnées pour des peines de plus de cinq ans qui ont rompu tout lien avec leur milieu familial et social. Selon l'observatoire international des prisons, on comptait au 1er février 2024, 2380 femmes détenues dans les prisons françaises, soit 3,4 % de la population carcérale qui comptent 76 258 personnes.


Le documentaire Détenues à ciel ouvert réalisé par Sophie Bontemps est diffusé mercredi 18 septembre à 22h50 sur France 2 et sur la plateforme france.tv. 

FRANCETV INFO, le 18 septembre 2024

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“Détenues à ciel ouvert”, de Sophie Bontemps : une réflexion sensible sur l’enfermement

Au sein de la ferme de Baudonne, des détenues en fin de peine tentent de réapprendre à vivre.

Par Isabelle Poitte

La forêt, les oiseaux qui chantent, les saisons qui passent… Leurs regards ne se lassent pas de contempler la nature. Elles respirent, enfin, ces femmes privées de liberté depuis plusieurs années. Près de Bayonne, la Ferme Emmaüs de Baudonne accueille depuis 2020 des détenues en fin de peine. Ce lieu unique en France leur permet de préparer un retour à la liberté aussi espéré que redouté, durant une période allant de six mois à deux ans. Elles s’y confrontent, parfois pour la première fois, au travail, dans les champs destinés à la culture maraîchère.

La réalisatrice Sophie Bontemps s’est ancrée pendant plus d’un an dans le quotidien de ces femmes et en particulier dans l’intimité d’Annie,….

TÉLÉRAMA - le 15 septembre 2024

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