Récit d’une prise d’otages dans la prison de Condé

Jugé pour avoir pris en otage deux surveillants du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe (Orne), le 5 octobre 2021, Sofiane Rasmouk, 36 ans, a été condamné, hier, à huit ans de prison à Alençon.


« J'ai eu très pour. Le stress est toujours là. Il n'arrêtait pas de nous menacer de mort. J'ai toujours ces images en tête. En plus, je me disais qu’il n'avait plus rien à perdre», confiait hier la surveillante pénitentiaire avant que son collègue ne lui succède, à la barre du tribunal judiciaire d'Alençon. « C'est très compliqué.


Depuis, j'ai des maux de tête et mal au dos. Je ne vais jamais oublier », souligne, des trémolos dans la voix, cet homme qui était alors tout juste sorti de l'école et dont c'était la première affection.


Les conséquences du traumatisme sont elles que, sans pour autant avoir quitté l'administration pénitentiaire, ces deux fonctionnaires n’ont, depuis, plus jamais travaillé en détention. Ils ont été affectés au service judiciaire en charge des bracelets électroniques. Il faut dire que le matin du mardi 5 octobre 2021, en ouvrant la cellule du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe où Sofiane Rasmouk était arrivé un mois plus tôt, en provenance de la région parisienne, ils racontent avoir eu la peur de leur vie.


Gonflé à bloc


Tee-shirt noir sans manches d’où jaillissent des bras gros comme des cuisses, l'homme de 36 ans, accroc à la musculation, comparait en visio-conférence du contre de détention de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), où il est actuellement détenu. Il décrit lui-même la suite des événements en usant de termes militaires. « En arrivant à Condé-sur-Sarthe, dès que j’ai vu les conditions de détention, je me suis dit que j'allais monter cette opération. Le dimanche, j'ai cassé une cuillère en métal que j'ai aiguisée sous la douche. La voile, j'ai fait du sport toute la nuit, jusqu’à 6 h du matin. Je me suis ensuite injecté 2 ml de stéroïde et j'ai bu un litre de café. J'étais déterminé. J'avais prévu qu'ils soient quatre comme d’habitude. Je voulais en « coucher » un premier. Puis un second. Quand j'ai vu qu'ils n'étaient que deux, j'ai eu de la peine pour eux», témoigne le détenu.


C'est donc gonflé à bloc qu’il accueille, vers 10 h, les deux surveillants venus l'accompagner pour se rendre à la buanderie. Muni de son couteau artisanal, il saisit par le col le premier surveillant et lui assène un violent coup de poing à l'œil Puis, il le met à genoux et le menotte tout en tenant sa collègue en respect avec la cuillère aiguisée. Il bloque les accès à la coursive et masque les caméras de vidéo-surveillance au moyen de serviettes.


La surveillante sera relâchée vers midi. Le deuxième otage retrouvera la liberté deux heures plus tard alors que le détenu parlementait avec un négociateur du Raid.


Entre-temps, ces deux fonctionnaires ont cru leur dernière heure arrivée. « Il menaçait mon client en lui disant : « Dis au directeur que tu veux vivre. » Mon client savait que monsieur Rasmouk n'avait plus rien à perdre puisqu'il était déjà condamné à perpétuité pour viols et tentative de meurtre», explique Me Thomas Jourdain-Demars.


« Le monstre de Colombes »


Des craintes justifiées par le parcours inquiétant d'un détenu qui à découvert la prison à 19 ans et qui, depuis, multiplie les condamnations et les incidents en détention. Autant de coups de sang qui ont d'ailleurs conduit l'administration pénitentiaire à transférer celui que l'on surnomme « le monstre de Colombes » dans pas moins de seize établissements en douze ans.


Plutôt que d'adresser à ses victimes, des excuses appuyées, Sofane Rasmouk préfère saluer leur « courage » tout en estimant « qu'en même temps, on connaît les risques quand on met les pieds dans la pénitentiaire».« Ce n'est pas un lieu de culte »,

fanfaronne l’homme qui sera privé de la fin de son procès après avoir interrompu la plaidoirie d'un avocat. Ce qui conduit le président Éric Matin à couper la visioconférence.


Prenant la parole après la procureure, Lacttia Mirande qui venait de requérir huit à neuf ans de prison contre le détenu, Me Filavien Guillot va s'efforcer dans sa plaidoirie de « ramener une part d'humanité » chez son client et d'exhorter les juges à ne pas céder à enterrer définitivement » cet homme au « comportement détestable ».


Sofiane Rasmouk à été condamné à huit ans de prison.

OUEST-FRANCE - le 22 mars 2024

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