Un tunnel découvert par hasard près de la prison de la Santé

 L’ouvrage artisanal a été trouvé, mardi, dans le quartier de l’établissement pénitentiaire, par un technicien alors qu’il intervenait dans un puits à proximité.


• Maxime Ducher

Était-ce un chantier en vue d’une évasion future ? C’est la question que pose la découverte fortuite d’un tunnel en cours de formation, mardi matin dans le XIII e arrondissement, à Paris, près de la prison de la Santé, a-t-on appris, ce mercredi, de source policière, confirmant une information d’Actu 17.

La découverte a été faite peu avant midi par un technicien qui intervenait « dans un puits pour des raccordements électriques », au niveau du 93, rue de la Santé, situé à 450 m du centre pénitentiaire et à proximité immédiate de l’hôpital Sainte-Anne. L’agent a constaté la présence de sacs remplis de gravats ainsi que d’un lit, selon une source proche de l’enquête. L’ouvrage, artisanal, s’étendait sur moins de 5 m en direction de la prison, jusqu’à l’angle du boulevard Auguste-Blanqui. Son accès a été immédiatement condamné par les services de la mairie.

Selon une source pénitentiaire, il pourrait s’agir de « cataphiles », ces passionnés qui explorent les souterrains de Paris. « Aucun élément ne permet de penser qu’on est devant un commencement de tentative d’évasion », assure notre source pénitentiaire, ajoutant que « 450 m, ça reste loin de la Santé ». Le parquet de Paris précise que, pour l’heure, aucune enquête judiciaire n’a été ouverte. Même son de cloche du côté du personnel pénitentiaire. Selon un représentant syndical Force ouvrière, à la prison de la Santé, « il n’y a pas de raison de s’inquiéter ». « Le tunnel est assez loin, pas très large, pas très profond », indique le surveillant de la Santé.

Des cataphiles soupçonnés

« Après vérifications faites par les services de la Ville, une galerie a bien été découverte sur un équipement Orange. Selon les informations à notre disposition, il semblerait que l’objet de ce tunnel ait été d’avoir accès aux galeries souterraines situées à proximité, mais il n’y aboutit pas, précise aussi de son côté la Ville de Paris. Une tournée d’inspection a été réalisée pour faire un diagnostic [et il a été] demandé à Orange de procéder à la réparation et à la sécurisation de leur ouvrage. La Ville de Paris se tient à la disposition de la préfecture de police qui est saisie de l’enquête. »

Dans ce secteur, les passionnés sont effectivement nombreux à arpenter les anciennes carrières de la capitale, interdites au public, qui passent tout près de la prison. « Il y a beaucoup d’accès pour les gens qui vont dans les catacombes », confirme un riverain. Un jeune quadra, ancien cataphile, rencontré dans le quartier, analyse : « Le XIV e, c’est un gruyère. Selon moi, ce sont des gars qui ont vu leur accès rebouché et ont voulu en créer un autre. » Nadine, retraitée, est une ancienne technicienne de laboratoire à l’hôpital Sainte-Anne. Elle aussi parle de gruyère souterrain : « Il y a des catacombes partout sous Sainte- Anne. À une époque, il y avait même des visites qui étaient organisées pour les employés de l’hôpital. »

D’ailleurs, selon Billy, « il n’y a pas trop de doutes ». Pour cet ancien cataphile, ce sont bien ses anciens partenaires qui sont à l’origine de ce tunnel. « Je suppose qu’ils cherchaient à relier deux zones des carrières en passant par un tunnel RATP ou Télécom. S’il y a un lit, c’est probablement que c’était un gros chantier. » Selon ce connaisseur, cette pratique serait très habituelle dans ce milieu souterrain. « Les accès en surface sont régulièrement bouchés par les autorités. L’idée, c’est de réussir à en trouver d’autres. Et, si possible, des accès plus discrets qui ne vont pas donner en pleine rue mais dans un petit parc ou dans un immeuble. »

Cinq ouvrages découverts sous la prison en 2004

À l’évocation d’un tunnel qui mènerait à l’établissement pénitentiaire, Jean-Claude, un retraité qui vit dans le quartier, esquisse un sourire : « Creuser d’ici jusqu’à la prison, vous imaginez ça ? » Selon lui, il y avait un accès à l’angle de la rue de la Santé et de la rue Cabanis. « Les gens qui visitaient les catacombes passaient par cette petite trappe, poursuit-il en désignant une plaque métallique au sol. Mais je crois qu’elle a été rebouchée il y a longtemps. » Un autre habitant du 93, rue de la Santé affirme avoir vu ces dernières années des gens la nuit « sortir des bouches d’égout avec des sacs remplis de sable ».

Les jeunes cataphiles seraient des adeptes de ce genre de chantiers. « La jeune génération creuse beaucoup, remarque Billy. Ils ne font pas que creuser de nouvelles salles dans les carrières, ils explorent aussi d’autres zones. Des tunnels RATP ou Télécom. Ce sont des accès bétonnés qui sont aussi assez pratiques pour charrier de grosses enceintes, par exemple. »

Il y a bientôt vingt ans, à l’été 2004, cinq tunnels sous le sol de la prison de la Santé avaient déjà été mis au jour. Creusés à partir de catacombes, ils débouchaient pour deux d’entre eux sous des miradors, les autres arrivant sous l’entrée de la prison et à l’aplomb d’une cour de promenade réservée aux détenus placés à l’isolement. L’hypothèse d’un plan d’évasion avait donc circulé, obligeant la direction à transférer des détenus dangereux.

Mais un mois d’enquête avait permis de lever le doute. Les policiers de la brigade de répression du banditisme avaient conclu que ces passages creusés à 15 m de profondeur n’étaient rien d’autre que des « chatières » créées par des cataphiles. Des passages conçus à partir de galeries existantes pour découvrir de nouvelles salles.

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