Ils sont huit, ce jour-là. Huit prisonniers sortis de leurs cellules pour la répétition d’une pièce qu’ils vont jouer bientôt.
Répétition à la prison de Fresnes
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 17, 2024
Ils sont huit, ce jour-là. Huit prisonniers sortis de leurs cellules pour la répétition d’une pièce qu’ils vont jouer bientôt. @LaCroix pic.twitter.com/Xk6vr7jYMl
Entracte - Jean-Claude Raspiengeas, Journaliste
D'abord devant d’autres détenus de Fresnes où ils sont incarcérés. Puis ce samedi, hors de la prison, à La Villette, à Paris, dans le cadre du festival Vis-à-Vis. Trois fois par semaine, ils suivent les conseils du metteur en scène Alexandre Delawarde, de la compagnie Nar 6, dans un réduit sombre, au froid carrelage.
Sont éligibles les permissionnaires, condamnés à moins de cinq ans de peine. Ceux qui postulent ont besoin de se changer les idées. Leur implication, notée dans leur dossier, peut leur offrir une remise de peine. Avant de les rejoindre en plein exercice, il a fallu montrer patte blanche, franchir une dizaine de lourdes grilles, débloquées par des serrures impressionnantes, sous le regard des caméras, traverser les longs couloirs en enfilade, immortalisés par le cinéma. Avec, perpendiculairement, les étages de cellules d’où résonne un vacarme que le béton accentue.
Les huit prisonniers tentent d'apprendre le texte du Ring, de Jack London. Un vieux boxeur, réduit à la misère, livre son dernier combat, fatal.
Ces volontaires reçoivent les indications techniques du boxeur professionnel Samir Machrouh. Enfermés 22 heures sur 24 dans des cellules surpeuplées, les corps sont maladroits, l’élocution malaisée, les gestes empruntés, cadenassés. «En prison, on se touche assez peu, souligne Alexandre Delawarde. Rien que le contact peut s'avérer très compliqué.»
Ils se frottent aussi à un texte exigeant, à une complexité dramatique et à des thèmes nouveaux pour eux. Déchiffrer les lignes et lire leur demande un effort de concentration et de compréhension. Soudain, au milieu de la répétition, l’un d’eux s’éclipse, empoigne un sac de linge, et salue gauchement la compagnie.
Il«a parloir». Rien n’est plus important.
Le Ring, de Jack London, festival Vis-à-Vis,
théâtre Paris-Villette, samedi 4 mai à 20h30,
La Croix hebdo - le 03 mai 2024