Le centre de détention Apac, à Frutal, est unique au Brésil. Son objectif: responsabiliser les mineurs délinquants pour mieux préparer leur sortie

Les faits

Au Brésil, l'organisation Apac (lire Contexte) a inauguré son premier centre pénitentiaire pour adultes en 1972. Celui qu’elle gère à Frutal est devenu, en 2021, le premier du pays à recevoir des ados délinquants. L’ACTU l’a visité.


Reportage

  • Responsabilisation et spiritualité. Aécio César tourne la clé dans la serrure, laisse passer une poignée de visiteurs, puis referme à double tour la porte grillagée bleue. Âgé de 15 ans, il est arrivé il y a trois mois dans cet établissement géré par l'Apac. La méthode alternative de cette organisation catholique se base sur la responsabilisation, l’éducation et la spiritualité des jeunes privés de liberté. Les ados se relaient au poste de portier, nettoient eux-mêmes leurs cellules et les espaces communs, suivent des cours professionnalisants en plus des programmes scolaires communs aux autres élèves brésiliens. Ils assistent chaque matin à un rassemblement religieux obligatoire. « La spiritualité est une base de l’Apac. On place Dieu comme fondement de tout. Mais nous n'exigeons pas une religion en particulier », précise Edivaldo Mateus, l'un des éducateurs.
Prison pour ados au Brésil - Actu.fr


CHIFFRES CLÉS

11 ados âgés de 14 à 17 ans étaient détenus

fin 2023 au centre Apac de Frutal, dans le Minas Gerais (au nord de l'État de Rio de Janeiro, au Brésil).

Ils étaient condamnés pour vol, agression, trafic de drogues ou tentative d'homicide.

La capacité d’accueil est de 60 personnes.


11556

mineurs de 12 à 17 ans et majeurs de 18 à 21 ans étaient privés de liberté au Brésil, selon le recensement de 2023. Soit 0,04 % de cette tranche d'âge.


95%

des mineurs pris en charge par la justice des mineurs au Brésil sont des garçons.


CONTEXTE

1 Au Brésil, les ados ayant enfreint la loi ne sont pas envoyés en prison, contrairement aux adultes.


2 Des centres de détention sont destinés aux délinquants de 12 à 21 ans. Le but est d'appliquer des mesures socio-éducatives, avec une dimension pédagogique, pour les faire rentrer dans le droit chemin.


3 L'Association de protection et d'assistance des condamnés (Apac) est une organisation dépendant de la justice brésilienne. Mais sa méthode diffère de celle des centres de détention pour mineurs et jeunes adultes.


4 Le juge décide si les mineurs purgent leur peine en semi-liberté ou en internement. En semi-liberté, ils sortent pour aller à l'école et passer certaines semaines dans leur famille, par exemple à Noël.


• Trafic de drogues. Les détenus sont en majorité issus de milieux défavorisés. Déscolarisés et livrés à eux-mêmes, «ils prenaient de la drogue pour fuir leur réalité», explique Isabella Nogueira Cruz, une psychologue. «Certains amis m'appelaient pour jouer au foot, mais ils m’amenaient dans des lieux de deal. Parfois, ma vie était tellement sans saveur que j'y allais juste pour l'adrénaline », se souvient Joào Marcos, 17 ans. La durée des peines n'est pas … ... fixée à l'avance. Tous les trois mois, un juge décide d'autoriser ou non les jeunes à sortir et à rejoindre leur famille.

  • Lever 5 h 30, coucher 22 h. Ricardo, 16 ans, a passé quatre mois dans un établissement pour mineurs classique avant d'arriver ici. « Là-bas, j'ai trouvé des insectes ou des cheveux dans la nourriture. J’ai été battu deux fois par des gardiens», se remémore-t-il. «Ici, c'est sévère, mais je suis traité avec dignité et respect. C'est comme une seconde maison. La différence, c’est que chez moi il n'y a pas de verrous», renchérit Joâo Marcos, élevé par sa mère, seule depuis le décès de son père.


À l'Apac, le réveil sonne tous les matins à 5 h 30, pour le nettoyage des cellules et les lessives. Après le petit déjeuner, les six détenus en semi-liberté se rendent à l’école avec d'autres ados de leur âge. Vers 11h 30, ils reviennent déjeuner au centre. Au Brésil, les élèves n'ont cours que le

matin. L'après-midi, le programme au centre change selon les jours: rendez-vous avec un psy, appel vidéo à la famille, sport, atelier artistique... À 17 h débute le temps libre. Avant de rejoindre leurs cellules pour l'extinction des feux, à 22h, les jeunes jouent au foot, au beach-volley, regardent la télé, écoutent de la musique. «On se divertit. On oublie qu'on est en prison. on a besoin de moments comme ça, sinon on sortirait encore plus révoltés qu’à notre entrée», estime Joâo Marcos. Les films et chansons parlant de vol, de braquage ou de violence sont toutefois interdits par l’Apac.


  • Moins de récidives à la sortie. La méthode de l’Apac porte ses fruits. Seulement 8 % des 93 garçons passés par le centre ont récidivé après leur sortie selon l'Apac), contre près d’un quart (1/4) dans le système commun (selon la justice). Un deuxième Apac pour mineurs a d'ailleurs été ouvert, au Mexique, et un troisième est en construction, au Brésil. «Les gens disaient que je n'aurais pas d’avenir parce qu'après avoir perdu mon père j'avais commencé à dérailler. Mais je suis devenu un Joâo Marcos deux fois meilleur qu'autrefois, conclut le garçon. Je sais déjà ce que je veux faire à la sortie: composer mes musiques, enregistrer mes sons et devenir connu. Je suis convaincu qu'un jour ce sera à mon tour de briller»

L’Actu - le 21 mai 2024

PLAN DU SITE - © la FRAMAFAD PACA & CORSE- 2024 - Pour nous joindre