Réunion : Journées nationales prison: des visiteurs de prison pour favoriser la réinsertion

Derrière les murs d’une prison, on retrouve un certain nombre d’intervenants qui œuvrent pour que les détenus ne reviennent pas dans le milieu carcéral. Ils répondent à l’exigence pénitentiaire d’une réinsertion.


Favoriser la réinsertion, c’est protéger la société. Afin de prévenir la récidive, les agents pénitentiaires disposent d’un certain nombre d’outils et de partenaires. Les visiteurs de prison, eux, sont une catégorie à part : bénévoles, ils se rendent dans les établissements pénitentiaires pour «écouter et accompagner». Salomé Roy, la présidente de la section Réunion de l’Association nationale des visiteurs de personnes sous main de justice, comme les autres bénévoles, croit fermement en l’humanité de chacun : «un visiteur accompagnant est avant tout convaincu qu’une personne n’est pas réductible à ses actes, et que, résiliente, elle est susceptible d’évoluer et de revenir sur un chemin de vie plus positif».

L’ANVP est la seule association nationale de visiteurs de personnes sous main de justice. «Notre objectif est d’aider moralement pour reconstruire, la visite est pendant leur détention, ou d’un accompagnement hors les murs pour ceux qui ne sont pas ou plus incarcérés. Notre but, c’est l’écoute et l’accompagnement des personnes détenues. Il s’agit ainsi de favoriser leur réinsertion et de lutter contre la récidive. Nous respectons leur dignité». Accompagner les familles des personnes détenues est également dans l’ADN de l’association (voir par ailleurs). «Il y a aussi un écrivain public, on écrit pour les personnes qui ne savent ni lire ni écrire». Là encore, les sollicitations ne manquent pas.


Des humains comme les autres

L’ANVP intervient dès le quartier des arrivants «pour nous identifier auprès des personnes entrantes». Les nouveaux détenus sont informés qu’il y a des visiteurs de prison agréés pour les écouter et les accompagner, même s’ils ont des familles qui viennent leur rendre visite en prison.

«Notre conversation est en toute confidentialité parce qu’il y a des personnes détenues qui ne veulent pas confier beaucoup de choses à leur famille. Mais à nous, les visiteurs de prison, ils peuvent dire». L’association n’entend pas se substituer aux psychologues ni à aucun autre intervenant. «Pour que nous puissions les accompagner, nous ne donnons pas des conseils mais un peu de directives, de l’écoute surtout».

Le respect de la dignité des personnes détenues, c’est primordial pour Salomé Roy. «Ils sont des humains comme nous et quand nous sommes devant eux, nous avons le ressenti».

L’association connaît bien la situation des prisons réunionnaises. Le constat le plus flagrant, c’est la surpopulation. En même temps, Salomé Roy souligne que les établissements pénitentiaires proposent «beaucoup d’activités pour les personnes détenues qui veulent participer. Il y a aussi des enseignements, il y a l’école, des formations, et tout est gratuit».

L’association accompagne également les détenus «hors les murs», sous bracelet électronique par exemple. À ce titre, elle travaille main dans la main avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Mais, toujours en restant dans son champ de compétences : «Nous ne rentrons pas dans les détails des dossiers, ça, c’est le rôle de l’administration pénitentiaire et du service pénitentiaire d’insertion et de probation. Notre rôle, c’est l’écoute et l’accompagnement seulement. On ne demande pas pourquoi les détenus sont là, nous ne sommes pas ni la police, ni les juges. Nous sommes là avec notre cœur pour les écouter». Écouter pour reconstruire, c’est la devise de l’ANVP.

Antoine Geslin

Ce que l’ANVP répond à ses détracteurs

«Il y a beaucoup de gens qui disent : laissez-les pourrir dans la prison, pourquoi vous faites ça, ils sont des meurtriers, ils sont des voleurs. Personnellement, je leur réponds que ce sont des êtres humains et peut-être qu’ils sont là parce qu’ils ont commis des fautes, mais la prison commence à forger quelqu’un, construit quelqu’un, prépare la sortie, pour une bonne réinsertion dans la société.

«Vous savez, les personnes détenues sont très fragiles, surtout psychologiquement donc ils ont besoin d’avoir des psychologues, et puis des médecins pour pouvoir aussi les accompagner à ce stade. Il y a aussi beaucoup de croyants qui sont aidés par des aumôniers, catholiques, protestants, musulmans.

«Nous, nous sommes une association laïque. Il n’y a aucun prosélytisme dans notre association mais, en tant que laïc, c’est l’écoute et l’accompagnement sans distinction».


« La prison, une peine familiale »

À l’occasion de ces journées nationales prison, la section Réunion de l’ANVP propose ce soir à 18h une table ronde à la mairie de Saint-Denis avec un certain nombre de professionnels, afin d’aborder la question des familles de détenus.

– Pourquoi vouloir mettre l’accent sur les familles de détenus cette année ?

– Une personne condamnée, c’est aussi ses proches qui subissent cette incarcération. Tous ressentent à leur manière le poids de cette absence, de cette rupture, de cette stigmatisation. Imaginez une mère qui doit expliquer à ses enfants pourquoi leur père ne rentre plus la maison le soir, imaginez ces enfants qui grandissent avec cette question en tête, parfois avec honte, parfois avec colère, mais toujours avec le sentiment d’avoir perdu quelque chose d’essentiel.

Donc, pour eux, la peine de leur père ou de leur mère devient la leur, ils subissent l’absence, le regard des autres aussi, la difficulté de se construire avec cette fracture dans leurs histoires personnelles. Et les conséquences ne sont pas seulement psychologiques, les familles des détenus vivent également des difficultés économiques.

– Qu’est-ce que vous attendez de cette table ronde ?

– Nous attendons l’avis de tous ces professionnels, mais c’est avant tout pour montrer au public la vie carcérale et le problème des familles qui ont des proches en prison. Nous voulons montrer au public que la prison, c’est une double peine. Une peine pour celui qui est dans la prison, et une autre pour les familles.

Cette table ronde ce soir va permettre à divers intervenants de s’exprimer et d’échanger les points de vue autour de ce thème : «la prison, une peine familiale». Beaucoup ont d’ailleurs répondu présents à l’invitation de l’ANVP.

Sont attendus : Dominique Tanguy, directeur fonctionnel du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de La Réunion, Julie Latou, chef d’établissement (centre pénitentiaire de Saint-Denis), Hugues Belliard, chef d’établissement (centre de détention du Port), Jean-François Cau, responsable des politiques institutionnelles (SPIP), Marguerite Niang, cadre éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), Guy Zitte, de l’association «Prends Un Asseoir», Sabrina Dromart, de l’association 2A (Accompagner Autrement), Justine Poitrineau (SPIP), et un représentant de la mairie de Saint-Denis.

Table ronde «La prison, une peine familiale»

Vendredi 22 novembre à 18h

Salle du conseil municipal de la mairie de Saint-Denis, entrée libre et gratuite


Le Quotidien de la Réunion - le 22 novembre 2024

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