« Pour une politique pénitentiaire plus efficace »

Hausse de la délinquance, surpopulation carcérale, contraintes budgétaires : notre système pénitentiaire connaît une crise profonde que personne, aujourd’hui, ne sait résoudre.

Louis Vogel *

Premier constat : le plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires apporte une réponse partielle au défi de la surpopulation carcérale (près de 79 000 détenus pour 62 000 places et 140 % de taux d’occupation jusqu’en 2026), mais ne résoudra pas le problème : notre taux d’incarcération, l’un des plus élevés d’Europe, continue de progresser alors que nos voisins voient le leur diminuer. Nous serons toujours en retard d’une prison, hélas !

Deuxième constat : les alternatives à la prison ne jouent pas, actuellement, leur rôle. Prisons et alternatives à la prison se développent en parallèle, sans que la croissance des peines de substitution ne diminue le nombre des incarcérations.

Troisième constat : la surpopulation empêche aujourd’hui l’accès à toute activité et détourne de leur vocation les dispositifs de réinsertion comme les structures d’accompagnement vers la sortie (Sas), de plus en plus occupées par des détenus qui n’en sont pas proches, aux seules fins de soulager les maisons d’arrêt. Les lieux d’accueil et de traitement dédiés aux troubles mentaux sont notoirement insuffisants, alors que le tiers des détenus souffre de troubles psychiques.

Quatrième constat : contrairement à ce que ressent la population, la réponse pénale se durcit et la durée moyenne des peines augmente. Résultat : 100 000 peines de prison attendent, chaque année, d’être exécutées et un quart d’entre elles environ ne le sera jamais, ce qui est la pire des situations.

La prison ne joue donc plus son rôle, ni sur le terrain de la dissuasion ni sur celui de la réinsertion. La meilleure preuve réside dans notre taux de récidive de 40 %, en hausse constante depuis 2005.

Profitons des contraintes qui pèsent sur nous pour réformer le système pénitentiaire. Tout d’abord, respectons les engagements pris envers les personnels de l’administration pénitentiaire, seul moyen de renforcer l’attractivité des métiers et de garantir la sécurité des personnels. Enrichissons les missions de nos agents en les faisant participer à l’aménagement des peines et en créant un vrai régime de placement à l’extérieur.

« Soigner d’un côté et réinsérer de l’autre »

Finissons-en avec la logique bâtimentaire qui ne résoudra rien. Redéployons, à enveloppe constante, les crédits, afin de réhabiliter l’existant, investir dans des établissements spécialisés, pour soigner d’un côté et réinsérer de l’autre, et financer davantage de peines alternatives, tels les Tig (travaux d’intérêt général) encore trop peu développés.

Enfin, redonnons du sens à la peine. Comme le montre l’exemple néerlandais, l’infliction de peines courtes, immédiatement appliquées, constitue, à côté des peines alternatives, le seul moyen efficace de lutter contre les incivilités qui pèsent tant sur le quotidien des Français. Pour qu’il puisse prendre des décisions éclairées et courageuses, le parquet devrait pouvoir s’appuyer sur l’avis d’une commission d’experts (criminologue, médecin, conseiller pénitentiaire…).

Changeons donc de logique. Ne pas faire exécuter la peine ou libérer pour faire de la place constitue un remède pire que le mal. Pour que la sanction retrouve tout son sens, appliquons-la le plus rapidement possible après l’infraction, qu’elle tienne mieux compte du profil de chaque détenu et qu’elle soit efficace.

Trop longtemps, dans la période récente, la prison n’a été conçue que comme un moyen mécanique de régulation des flux ; qu’elle retrouve sa vocation d’origine et redevienne un instrument de réinsertion de l’individu et de protection de la société.

Sénateur (Horizons) de Seine-et-Marne

OUEST FRANCE - le 15 octobre 2024

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