DÉLINQUANCE Contrairement à la plupart des pays occidentaux, les Pays-Bas n’ont pas suffisamment de criminels pour remplir leurs prisons ! Reste à savoir pourquoi…
Entre les années 2000 et le début des années 2020, le nombre de détenus néerlandais a été réduit de moitié. Sur la même période, en France, il a augmenté d’environ 60 %, selon le ministère de la Justice.
Les Pays-Bas n’ont pas suffisamment de criminels pour remplir leurs prisons ! Entre 2020 et 2022, le nombre de détenus néerlandais a été réduit de moitié. Sur la même période, en France, il a augmenté d’environ 60 %, selon le ministère de la Justice. @LeJDDL pic.twitter.com/ZAEWNgbbcf
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 30, 2024
- ELIOTT MAMANE
De ce fait, la réponse pénale française s’est adaptée en aménageant ou réduisant ses peines afin de diminuer la population carcérale, tandis que les Pays-Bas ont conservé la cohérence générale de leur justice.
Comment expliquer ce décalage ? Au début du siècle, les Pays-Bas ont entrepris une vaste réforme de leur système judiciaire. Au départ, le nombre de détenus était, proportionnellement à la population, plus élevé qu’en France. C’est alors qu’un organe indépendant, le Conseil de la magistrature, a été mis en place et chargé, comme le rapporte une étude du parlement belge de 2009, d’évaluer l’efficacité de chaque type de condamnation, de superviser la définition des budgets par le pouvoir politique et d’améliorer la qualité de la jurisprudence. Depuis, les peines alternatives à l’emprisonnement ont régulièrement été privilégiées. Mais en parallèle, le temps moyen d’incarcération a été amoindri, les primo-délinquants, notamment, s’exposant à des peines courtes, mais rapidement exécutées. Ainsi, les statistiques pénales du Conseil de l’Europe pour l’année 2023 indiquent que les Pays-Bas comptent parmi les États membres qui admettent le plus de nouveaux détenus chaque année… Mais également parmi ceux qui en libèrent le plus. Des dispositions qui semblent satisfaire l’appel de nombreux psychiatres (à l’instar de Maurice Berger, pédopsychiatre en centre éducatif fermé), qui plaident pour la promulgation de peines courtes mais certaines, afin d’enrayer immédiatement une bascule vers la délinquance.
En parallèle, afin de prévenir la récidive, les Pays-Bas ont un système de suivi psychologique des criminels qui sortent de prison : la réinsertion passe par un séjour en hôpital psychiatrique. Contrairement au cas français où le manque de discernement influe directement sur la peine, les Néerlandais traitent ces troubles au sein de leur système pénal. Un article du Guardian en 2019 précisait que les criminels en question devaient « séjourner dans un centre de traitement, après une peine de prison », généralement pendant deux ans. S’ils refusent de coopérer, « ils peuvent finalement être transférés dans un hôpital normal de haute sécurité et être indéfiniment confinés. » En 2018, près de 15 % des détenus étaient concernés par ce programme.
Ce système, qui allie donc efficacité et fermeté, repose toutefois lui aussi sur un certain nombre de faiblesses. La loi se montre, par exemple, très permissive avec la consommation de substances illicites, « drogues dures » comprises. Si les « sanctions communautaires », qui assurent la surveillance de certains condamnés loin des centres de détention, ont pu s’avérer efficaces à l’encontre des délinquants juvéniles, elles sont inadaptées à certaines mutations de la société. La montée en puissance du crime organisé (notamment par l’entremise d’un narcotrafic sans limite aux Pays-Bas) n’est pas endiguée par la justice néerlandaise, qui a concentré ses moyens ailleurs. S’il reste plus élevé que dans tous les autres pays européens, le « sentiment de sécurité » a décliné en 2023 selon le Bureau central de la statistique, une première depuis les réformes des années 2000.
Le JDD - le 29 septembre 2024