Chaque semaine, de novembre à décembre 2023, à Nantes, des hommes auteurs de violences conjugales et des femmes victimes ont accepté d’échanger face à face. Un dispositif de justice dite « restaurative » représenté dans le film « Je verrai toujours vos visages », de Jeanne Herry, en lice pour les Césars.
La justice restaurative, un lieu de dialogue entre des auteurs et des victimes de violences conjugales - A Nantes, des hommes auteurs de violences conjugalesX et des femmes victimes ont accepté d’échanger face à face.
— framafad paca corse (@WaechterJp) February 26, 2024
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YANN LE BEC POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Elle n’arrive plus à regarder aucun homme droit dans les yeux. Le regard de son ex-mari devenait très noir quand il était violent. Il a été condamné en 2022 à quatre mois de prison avec sursis pour appels téléphoniques malveillants et dégradation d’un bien appartenant à autrui. C’était le premier amour de Julie (tous les prénoms ont été modifiés), ils sont restés ensemble vingt ans. Ses yeux sont bleu délavé, encadrés par des lunettes rondes. Elle les écarquille quand elle s’installe pour la première fois dans le cercle de parole. « Peut-on mieux espacer les sièges ? », demande, paniquée, la quadragénaire.
Le rendez-vous a été donné dans une salle fraîchement repeinte en blanc, à l’arrière d’un ancien manoir du sud de l’agglomération nantaise, cerné par des lotissements et une zone commerciale. C’est le siège de l’Association départementale d’accompagnement éducatif et social de Loire-Atlantique (Adaes 44), qui coorganise ces rencontres avec une autre association, France victimes 44 Nantes. Aux côtés de Julie, secrétaire dans le privé, il y a Jeanne, 70 ans, fonctionnaire à la retraite, qui dépose avec soin son pardessus sur le dossier, avant de s’asseoir, sourire policé aux lèvres, et Marine, une trentenaire tout de noir vêtue. Elle enfonce ses poings dans les poches de sa doudoune ouverte. Ils ressortent tels des moufles par la doublure, comme une boxeuse prête au combat.
Ces trois femmes sont des survivantes de violences conjugales. D’ici à quelques minutes, trois inconnus prendront place face à elles. Des chevalets posés sur les fauteuils indiquent leurs prénoms : Robert, Mathieu et Romain. Tous trois ont commis des violences sur leur compagne. Ce groupe de six personnes a accepté de se retrouver chaque vendredi soir, pendant trois heures, de 17 heures à 20 heures, cinq semaines d’affilée, de novembre à décembre 2023.
Un complément à la justice pénale
Comment en sont-ils arrivés là ? Pourquoi n’ont-ils pas su détecter et enrayer la violence à temps ? Comment vivre désormais avec les blessures pour les unes, la honte pour les autres ? Toutes et tous espèrent apprendre ici à ne plus jamais retomber dans ces schémas. Cet étrange huis clos a un nom : « justice restaurative ».
L’engouement autour du film Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry, sorti en mars 2023 et en lice pour les Césars, le 23 février, a pointé les projecteurs sur ces programmes, qui prennent diverses formes, notamment des tête-à-tête de médiation restaurative entre une victime et son propre bourreau.
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