"Commanditer un meurtre depuis la prison est inacceptable"

Le garde des Sceaux, Didier Migaud, s’est rendu hier au centre pénitentiaire des Baumettes où il a réaffirmé sa volonté d’isoler les "profils les plus dangereux" et "d’organiser le brouillage des cellules".


• Marine STROMBONI

Quelque peu écrasé par la présence de Bruno Retailleau (LR), son homologue à l’Intérieur, durant la séquence commune, le ministre de la Justice Didier Migaud (issu du PS), avait retrouvé un peu de panache à son arrivée hier en solitaire au centre pénitentiaire des Baumettes.

Guidé par le directeur de l’administration pénitentiaire, Sébastien Cauwel, le directeur interrégional des services pénitentiaires, Thierry Alves et la directrice des Baumettes, Karine Lagier, Didier Migaud s’est offert un tour du propriétaire, après un arrêt gastronomique aux Beaux Mets, le restaurant de la prison. "Il était important que je vienne ici où le projet des Baumettes 3 est en cours de réalisation", a déclaré le ministre. Démarré au second trimestre 2022, le chantier doit être livré en avril 2025 et prévoit la création de 740 places supplémentaires. Une extension bienvenue au sein de l’enceinte pénitentiaire qui abrite quelque 1 100 détenus pour une capacité d’un peu moins de 700 places. Agglutinés autour de la maquette représentant la nouvelle structure, Didier Migaud, sa garde rapprochée et quelques invités locaux ont pris connaissance d’un projet prévoyant notamment la construction de cinq nouveaux bâtiments d’hébergement et des zones dédiées à des activités diverses telles qu’un théâtre extérieur.

"Couper les communications avec l’extérieur"

Mais c’est l’extension des quartiers d’isolement qui a surtout retenu l’attention du ministre. Après avoir traversé une cour sous des cris injurieux lancés depuis leur cellule par certains détenus l’ayant vraisemblablement confondu avec Bruno Retailleau, le garde des Sceaux s’est vu détailler le projet qui portera à 52 le nombre de places actuelles à l’isolement, contre 31 aujourd’hui. Une étape importante dans la lutte contre "le fléau" de la criminalité organisée. "Il est inacceptable que l’on puisse commanditer un meurtre depuis la prison, a appuyé le ministre. C’est pourquoi nous devons pouvoir identifier les profils les plus dangereux, les isoler et organiser les brouillages dans les cellules pour couper leurs communications avec l’extérieur." Et donc, lutter contre l’utilisation massive de téléphones portables en détention. Comment ? "Je me pose la même question que vous", a naïvement répondu Didier Migaud qui reconnaît volontiers que la capacité des brouilleurs est encore en deçà du niveau de performance des techniques utilisées par les criminels.

Côté extraction, en revanche, sept nouveaux véhicules "nouvelle génération", ont été remis hier aux agents pénitentiaires. Une dotation prévue par le protocole d’accords "Incarville", signé "malheureusement après le drame" qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires, en mai, a déploré le garde des Sceaux.

Nous devons identifier les profils les plus dangereux, les isoler et organiser les brouillages des cellules.„

Un plan ambitieux, soumis à la législation

Déroulant de nouveau son plan de lutte contre la criminalité organisée, Didier Migaud a également insisté sur la nécessité d’agir contre "l’amplification du phénomène de corruption", ainsi que sur sa volonté de "renforcer les moyens des Juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) sur le plan local". D’excellentes intentions largement martelées à la presse tout au long de la journée, comme il est d’usage lors de telles opérations de communication. Mais pourquoi ce énième plan réussirait-il là où tous les autres ont échoué ? "Nous consacrons beaucoup de moyens humains, les meilleures techniques, pour lutter contre le narcotrafic. Et la loi nous confortera dans notre travail à travers des propositions telles que la création d’une infraction criminelle d’association de malfaiteurs, l’élargissement du champ d’action des cours d’assises spécialement constituées ou la réduction des délais des procès", affirme le garde des Sceaux.

Maillons d’une "même chaîne au service des Français", les nouveaux ministres de l’Intérieur et de la Justice marchent ainsi à leur tour main dans la main et l’ont clamé haut et fort, hier à Marseille. Quant aux résultats, "il faudra attendre des années, peut-être dix, quinze, vingt ans pour détruire la pieuvre. Mais on va gagner", avait affirmé, confiant, Bruno Retailleau, lors de la conférence de presse commune (lire ci-contre).

Quid de la future cité judiciaire ?

Posée en fin de journée après un échange avec magistrats et personnels de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, loin des caméras, la question a arraché un pouffement à Didier Migaud. "Je sais qu’il y a certaines résistances, a souri le ministre de la Justice. Mais les magistrats tiennent à cette cité judiciaire. Des engagements ont été pris et il n’y a pas de retour en arrière prévu pour l’instant."

À la suite de l’annonce, l’année dernière, de l’implantation de la nouvelle cité judiciaire au cœur du quartier Euroméditerranée, avocats et commerçants notamment avaient exprimé leur inquiétude à l’idée de voir l’activité judiciaire quitter le centre-ville. "Ce scénario est apparu le plus optimal. Il est d’ailleurs soutenu par les magistrats, les greffiers et une grande partie des élus", avait alors justifié l’ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, assurant qu’il ne laisserait "pas le centre-ville de Marseille se dévitaliser".

La Provence - le 9 novembre 2024

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