Justice
Des sanctions rapides, des peines plus courtes mais effectives et une attention particulière sur les mineurs délinquants : Michel Barnier vise à « crédibiliser » la justice. Pas si simple.
La case prison au cœur de la réponse pénale
— framafad paca corse (@WaechterJp) October 3, 2024
Des sanctions rapides, des peines plus courtes mais effectives et une attention particulière sur les mineurs délinquants : Michel Barnier vise à « crédibiliser » la justice. Pas si simple. @le_Parisien pic.twitter.com/Ff2R8Jge7R
• Damien Delseny et Geoffroy Tomasovitch
Il n’y a jamais eu autant de personnes détenues dans les prisons françaises. Au 30 septembre, 78 964 hommes et femmes étaient incarcérés, alors qu’il n’y a en principe que 62 000 places. Malgré tout, Michel Barnier n’entend pas desserrer la vis. Au contraire, il a évoqué dans son discours le risque de « perte de crédibilité de la réponse pénale » et souhaite revoir les aménagements de peine, limiter les sursis et rendre les peines de prison ferme plus courtes mais exécutables. Pour y parvenir, il a évoqué le levier de la création de nouvelles places de prison.
Mais l’équation n’est pas si simple à résoudre. Construire un établissement pénitentiaire est long. Comme le résume un magistrat : « une prison est plus rapide à se remplir qu’à se construire ».
Le nombre de personnes envoyées en prison augmente mécaniquement au fil des dernières décennies, avance un autre haut magistrat en poste dans une cour d’appel : « Rappelons une vérité : on incarcère plus et plus longtemps, il n’y a pas de laxismedu tout, surtout en matière criminelle. » Créer de nouvelles places de prison ne suffirait donc pas à absorber le trop-plein carcéral, d’autant qu’il existe déjà « environ 15 000 détenus sous bracelet, un nombre important pour une mesure somme toute pas si ancienne ».
L’objectif lancé par Emmanuel Macron et mis en œuvre par le précédent garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, reste pendant : 15 000 places supplémentaires pour un total de 75 000 places à l’horizon 2027. À l’heure actuelle, 4 521 « places nettes » ont été livrées dans 22 établissements construits ou agrandis ; 2 211 vont suivre dans les mois à venir avec l’achèvement des travaux dans 8 autres sites. Mais pour remplir l’objectif, il faut encore finaliser une vingtaine d’autres projets dont certains n’en sont qu’au stade des études préalables…
L’exemple des Pays-Bas
Malgré ce calendrier, Michel Barnier a émis l’idée de construire des prisons d’un nouveau genre, pour les condamnés à des peines courtes, qu’il souhaite plus nombreuses, et pour les mineurs. « C’est vrai que nous en manquons en France, poursuit de même haut magistrat. C’est en prononçant beaucoup de peines courtes que les Pays-Bas ont réussi à vider leur prison. Le point le plus raisonnable, c’est aussi de juger très vite et condamner à des courtes peines. Là encore, ce n’est pas si simple. Depuis 2019, les peines de un mois ferme sont interdites et il est fortement recommandé d’aménager celles entre six mois et un an. » C’est donc un changement de philosophie que souhaite Michel Barnier : des peines plus courtes mais purgées derrière les barreaux plutôt que des peines plus longues mais aménagées à l’extérieur. Il faudra pour cela convaincre les juges, souverains sur leur application.
Michel Barnier souhaite aussi réintroduire la possibilité de faire juger les mineurs de plus de 16 ans sous la procédure de comparution immédiate. Sous condition : des faits graves et un mineur déjà condamné. La mesure existait jusqu’en… 2021, quand elle a été effacée lors de la réforme de la justice pénale des mineurs menée par Éric Dupond-Moretti.
Que faire des mineurs ?
L’idée du nouveau Premier ministre est là encore d’apporter une réponse pénale rapide. « L’ambition est louable », selon un haut magistrat, qui tempère : « Le nouveau code de justice des mineurs permet déjà une réponse rapide. » Le nouveau code de la justice pénale des mineurs, qui a remplacé l’ordonnance du 2 février 1945 sur « l’enfance délinquante », a effectivement instauré une césure de la procédure pénale en deux temps. Un premier jugement sur la culpabilité du jeune, qui doit intervenir dans un délai maximum de trois mois, suivi d’une seconde audience sur le prononcé de la sanction dans un délai d’un an. Entre les deux, le mineur peut être soumis à une mesure éducative judiciaire provisoire (interdiction d’entrer en contact avec la victime, par exemple) mais aussi de sûreté : contrôle judiciaire, assignation à résidence, voire de la détention provisoire.
Aujourd’hui en France - le 2 octobre 2024