La prison de Vannes saturée avant même d'exister

Attendue pour fin 2027, la prison de Vannes doit permettre de fermer l'actuelle maison d'arrêt vétuste et surpeuplée. Mais plusieurs voix assurent que ses 550 places seront occupées dès son ouverture.


Le dossier

La barre des 200% a été passée tout récemment. Le 2 avril, la maison d'arrêt de Vannes (Morbihan) affichait un taux d'occupation historique, avec 103 détenus pour 51 places (dont six en semi-Iiberté). 


Un constat d'autant plus dramatique que le bâtiment est jugé vétuste depuis 2009. C'est dire si la nouvelle prison est attendue de pied ferme pour fin 2027.


Le hic ? En coulisse, bon nombre de personnes prédisent déjà la saturation de ses 550 places.


A commencer par les syndicats. Le 11 avril, la CGT montait au créneau pour dénoncer la surpopulation au sein de rétablissement, Une « situation inacceptable qui ne s'améliorait pas avec un centre pénitentiaire à plus de 120 millions d’euros. » II semble Inéluctable qu'elle déborde rapidement », indique le syndicat. Son représentant â Vannes, Jimmy Bechet, persiste et signe.« Ça va être vite rempli. On ne peut pas confirmer une surpopulation Immédiate.


Mais vu la politique du « tout prison », l'agent pénitentiaire n'en serait pas étonné.


Bémol du président du tribunal Pierre-Olivier Danino. Il rappelle qu’il « y a aussi un gros taux d'aménagement des peines par la juge d'application des peines » dans sa juridiction, pour faire face à la problématique actuelle. Quant aux futures 550 places : « A priori, c'est beaucoup trop. Mais tout dépend de ce que l'on va en faire. La nouvelle prison sera appelée é désengorger Saint-Nazaire, Nantes, Saint-Brieuc, Lorient aussi. Il va y avoir un jeu de chaises musicales. »


La solution miracle


Oui ne réglera en rien le problème d'après l'Observatoire international des prisons (0IP). L'association qui suit de près les chiffras de l'administration pénitentiaire a publie plusieurs éludes sur le sujet.. Depuis plus de quarante ans, l'ouverture de nouvelles prisons s'est toujours accompagnée d'une hausse de la population carcérale, sans corrélation avec la croissance démographique ou l'évolution de la délinquance », est-il écrit dans l'article du 5 mars 2024 : Politique pénitentiaire : la fuite en avant continue.


Pour l'association, le plan 15 000 places de prison annoncé en 2018 par le gouvernement n’est pas la solution miracle. « La politique de construction n'a jamais permis de faire baisser le pourcentage de surpopulation carcérale », assure Prune Missoffe, responsable du pôle analyse et plaidoyer. « Plus on construit, plus on enferme. » Chiffres à l’appui, entre 1990 et 2023, le nombre de places de prison a augmenté de 24 055 alors que le nombre de personnes détenues a augmenté de 28 753.


Et la situation ne ferait qu’empirer en raison « des orientations de politique pénale de plus en plus répressives », estime l'OP « La durée de détention moyenne ne cesse d'augmenter. Elle était de 5,8 mois en 1982 et elle est de 11,8 mois en 2020 », note Prune Missoffe dont l'association pointe du doigt « la politique du tout carcéral ».


Au-delà du nombre de places, c’est aussi la question du manque de personnel qui inquiète. « C'est l’autre problème de cette construction », d'après Prune Missoffe. Le besoin d'agents pénitentiaires est décuplé alors qu'ils ont déjà du mal à recruter ». D'où la création toute récente du poste de surveillant adjoint pour attirer de nouvelles vocations. « On n'est pas contre, mais c'est flou », estime Jimmy Bechet.


Il serait question de dix-huit semaines de formation contre dix-huit mois pour les agents pénitentiaires. Ça fait peur. Ce n'est pas un métier qu'on donne à tout le monde comme ça. » Et de citer l'exemple de la nouvelle prison de Caen ouverte en décembre 2023. « Il manque telle-ment de surveillants qu'un bâtiment est resté fermé. »

Mélanie BECOGNEE

avec Nicolas ÉMERIAU.

OUEST-FRANCE - le 25 mai 2024

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