Le nouveau ministre de la Justice a annoncé vouloir créer des places de prison « pour les petites peines ». Une idée inspirée de ce qui se fait aux Pays-Bas.
Darmanin, ministre de la Justice, a annoncé vouloir créer des places de prison « pour les petites peines ». Une idée inspirée de ce qui se fait aux Pays-Bas. https://t.co/KLzizx8aOy
— framafad paca corse (@WaechterJp) December 28, 2024
Par Marceau Taburet
Aux Pays-Bas, les peines de prison sont parfois très courtes. Contrairement à la France.
POLITIQUE - Les prisons françaises ont atteint nouveau record en novembre. Plus de 80 000 personnes y sont incarcérées. Du jamais-vu. Insalubrité, manque d’hygiène, entretien défaillant, absence d’intimité… Les maux sont nombreux. Le nouveau garde des Sceaux Gérald Darmanin, nommé le 23 décembre, arrive donc dans un contexte difficile. Comme il l’a déjà expliqué, l’ex-maire de Tourcoing entend s’attaquer à cette surpopulation carcérale. Et pourrait être inspiré de regarder ce qui se fait hors de nos frontières.
Lors d’une visite à Amiens (Somme) le 25 décembre, l’ancien homme fort de la place Beauvau a présenté ses premiers chantiers : « plus de places de détention pour les petites peines », des établissements pénitentiaires « à taille humaine », volonté d’exécuter à tout prix « les peines courtes »… Des priorités qui semblent calquées sur celles du ministère de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui plaidait en octobre pour « une rupture en matière de politique pénale ». Surtout, cela s’inspire fortement de ce qui existe aux Pays-Bas, où les détenus peuvent être enfermés quelques jours seulement.
Invitée d’Europe 1 ce 27 décembre, la magistrate Béatrice Brugère a vanté les mérites du « choc carcéral » qui consiste, selon elle, à prononcer de très courtes peines de prison. « C’est pour des profils de jeunes délinquants qui font des choses graves et pour qui il n’y a pas de réponse immédiate », a-t-elle exposé. Expliquant qu’aux Pays-Bas, « on incarcère deux fois plus », alors que dans le même temps, « les prisons sont en train de se vider ». Le taux d’incarcération y est l’un des plus faibles d’Europe.
Baisse de la criminalité
Un constat a priori contre-intuitif qui s’explique par les deux piliers sur lesquels repose le « modèle hollandais » : des peines de prison courtes, mais souvent prononcées. Ainsi, 23 % des condamnations effectuées par les tribunaux hollandais sont des peines de prison, contre 15 % en moyenne dans le reste de l’Europe, selon le Monde diplomatique. 52 % des sanctions pénales concernent d’ailleurs des peines d’emprisonnement inférieures à un mois. Résultat : le nombre de détenus baisse, les prisons se vident et la criminalité reflue significativement.
Un exemple qui montre que l’encombrement des prisons qu’on connaît aujourd’hui n’est pas une fatalité. Les effets sont manifestes : les courtes peines servent à prévenir la grande délinquance et à empêcher la récidive. Un jeune qui aura connu la prison, même pendant deux ou trois semaines, saura qu’il doit tout faire pour ne pas y retourner. Une logique qui fait prévaloir la prévention.
Des moyens mis sur la table
De même, les Pays-Bas accordent une grande place aux sanctions financières et aux travaux d’intérêt général. Le juriste Guillaume Jeanson, qui a comparé les systèmes hollandais et français, souligne que les peines d’intérêt général représentent 30 % des peines prononcées aux Pays-Bas… contre seulement 4 % dans l’Hexagone.
Mais au-delà des annonces, la France peut-elle vraiment se rapprocher du « modèle hollandais » et ainsi modifier en profondeur son système carcéral ? La marche semble être haute, puisque l’application des courtes peines n’est pas entrée dans la culture française. Au contraire, les courtes peines font souvent l’objet d’un aménagement, évitant ainsi aux condamnés d’aller en prison.
Les Pays-Bas peuvent se targuer d’appliquer leurs peines beaucoup plus rapidement que la France, où certains condamnés entrent en prison plusieurs mois, voire un an, après que leur peine a été prononcée. La question des moyens est centrale, puisque les Pays-Bas investissent beaucoup plus que la France dans le système judiciaire. En 2022, ils y allouaient 120 euros par habitant et par an, contre 70 euros pour l’Hexagone, En théorie, les Pays-Bas font donc figure de modèle. En pratique, c’est beaucoup plus compliqué.