« Baiser de la mort », Brise de mer, matonne complice et portables cryptés : une vendetta aux assises

Le procès du double assassinat de l’aéroport de Bastia s’est ouvert lundi à Aix-en-Provence. Seize accusés sont poursuivis dont une surveillante de prison. Voici la couv erture que le Figaro, la Provence et la Charente libre font de ce procès.


 • Stéphane Durand-Souffland

Le plus renversant dans cette affaire de vendetta typiquement corse, c’est que le personnage essentiel n’est ni un homme ni une fille du maquis, mais une pinzuta pur sucre, fonctionnaire de l’administration pénitentiaire venue du continent. Une illustration de la formule de Nietzsche selon qui « la folie est quelque chose de rare chez l’individu ; elle est la règle pour les groupes, les partis, les peuples, les époques ». L’ancienne matonne fait partie des seize accusés jugés à partir de lundi, devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, pour leur implication dans l’assassinat de deux membres du grand banditisme insulaire, en décembre 2017, à l’aéroport de Bastia-Poretta.

Au commencement de cette affaire, qui a inspiré le cinéma (Borgo de Stéphane Demoustier, sorti le 17 avril dernier), était la Brise. Un gang - la Brise de mer selon son intitulé complet - d’une envergure redoutable, constitué à la fin des années 1970 à Bastia par une poignée d’amis soudés comme les doigts de la main. Les coups d’une audace et d’une astuce spectaculaires se succèdent, les concurrents tombent comme des mouches, les millions sales abondent les coffres des malfrats rarement condamnés qui blanchissent leur argent à travers des placements juteux et accumulent une fortune considérable. Tout va pour le mieux jusqu’à ce que l’un des piliers, Richard Casanova, rompe le pacte et accomplisse de lucratives heures supplémentaires à son propre compte.

Les autres, au premier rang desquels Francis Mariani, s’en offusquent. Casanova est assassiné en avril 2008, de la main de « Francis » en personne, selon un repenti. Les règlements de comptes se succèdent. Le clan Casanova, repris en main par Jean-Luc Germani, frère de la veuve de Richard, saigne le clan Mariani, dont le chef meurt dans la mystérieuse explosion d’un hangar en janvier 2009.

Tous ces morts ont des lieutenants dévoués ou des enfants, dont certains jurent de venger la mémoire de leur disparu. Ce qui nous amène à l’aéroport de Bastia-Poretta, le 5 décembre 2017 vers 11 h 20.

Ce jour-là, Jean-Luc Codaccioni, 59 ans, détenu à la maison d’arrêt de Borgo (à quelques kilomètres au sud de Bastia), revient d’une permission de sortie effectuée à Paris. Un ami, Antoine Quilichini, alias « Tony le Boucher », est venu l’attendre avec sa voiture blindée. Cathy Sénéchal, 40 ans à l’époque, surveillante à Borgo, apparaît de manière inattendue dans la hall de l’aérogare. Elle salue « Tony », qu’elle a côtoyé derrière les barreaux, puis Codaccioni, avec qui elle échange même une bise.

C’est le signal. Un tueur, qui ne connaît pas le permissionnaire et ne s’attend pas à trouver Quilichini à Poretta, va faire d’une pierre deux coups. Grâce au « baiser de la mort » de la surveillante, qui avait aussi révélé l’horaire de l’avion en provenance de Paris, il a identifié sa cible initiale. Le visage dissimulé par un masque en latex, il ouvre au fusil-mitrailleur AK 47 un feu nourri sur les deux hommes une fois ceux-ci parvenus jusqu’au parking. « Tony le Boucher » est achevé au sol, son acolyte criblé de munitions de gros calibre succombera quelques jours plus tard à ses blessures.

L’enquête est rondement menée et le groupe de suspects identifié, car la police a déjà l’œil sur les frères Christophe et Richard Guazzelli, dans une procédure de trafic de stupéfiants de grande ampleur. Leur père, Francis, proche du clan Mariani, avait été assassiné en novembre 2009. La folie doublée d’inconscience des mis en cause va grandement aider les forces de l’ordre.

On dit souvent que les Corses sont des taiseux. Mais c’est loin d’être une généralité. Certains sont bavards comme des pies, et se vantent sans retenue d’actes qui gagneraient à rester secrets, surtout quand ils pensent que leurs conversations ne peuvent être surprises. Les comploteurs de Poretta communiquaient via des téléphones ultracryptés de type PGP, réputés inviolables. Ils l’étaient. Jusqu’à cette enquête.

Selon le scénario retenu par l’accusation, tous les protagonistes utilisaient ces appareils sous couvert de sobriquets. Les messages exhumés par les techniciens de la police scientifique laissent présager des moments difficiles pour la défense. Bien que fort jeune, Christophe Guazzelli, né en 1991, apparaît pour le cerveau et l’auteur du double crime, dans lequel il entraîne, selon le ministère public, son frère aîné Richard, qui lui sert de chauffeur le 5 décembre 2017. Venger son père constitue pour lui plus qu’un devoir : une obsession. Il est en contact fréquent avec une figure bien connue du grand banditisme, Jacques Mariani, fils de feu Francis, qui se trouve alors loin de son île, en liberté conditionnelle sous bracelet électronique, employé plus ou moins fictif dans un hôtel de La Baule (Loire-Atlantique).

Le soir même des faits, Christophe Guazzelli appelle sa mère et lui écrit, avouant implicitement être le tireur de Poretta : « Si un instant tu as pu douter de nous, surtout de moi, ton petit, sache que tu t’es trompée ou qu’on t’a mal influencée à mon sujet. Peut-être que tu y as cru mais regrette-le alors parce que j’ai l’ADN d’un homme irremplaçable sur terre. »

Depuis son exil baulois, Jacques Mariani semblait - ce qu’il va nier fermement à l’audience - désireux de participer à l’expédition criminelle en dépit de sa surveillance électronique : « Putain, viens me prendre, tu m’avais juré, putain, viens on y va », écrit-il à Christophe Guazzelli, avec lequel il avait été temporairement brouillé à la suite de divergences stratégiques sur le tour à donner aux vendettas - M. Mariani privilégiait apparemment une sorte de trêve arbitrée par un juge de paix accepté par toutes les factions.

Jacques Mariani félicite chaleureusement son ami retrouvé : « Ta mère elle doit être heureuse, pow tu lui as bien mis (…) je regarde sa tête à ce Quilichini, tu l’as bien remplie cette salope. » En retour, Christophe Guazzelli affirme que la Brise de mer va renaître et que Jacques Mariani en sera le chef naturel (« J’ai rendu toute sa puissance à la Brise (…) OK frère, prends les choses en main (…) on va être plus puissants que jamais »).

Mais le boss pressenti est par ailleurs chargé par un témoin protégé par l’anonymat, complice dans des dossiers sans rapport avec l’affaire de Bastia et balance qui l’avait déjà accablé l’an passé dans le procès de l’évasion de Rédoine Faïd (nos éditions du 12 octobre 2023). Selon Gaspard*, le fils Mariani était en tout point associé, à distance, au projet orchestré par le fils Guazzelli auquel il aurait fini par souscrire avec enthousiasme.

Toujours d’après Gaspard, qui prétend avoir assisté à des conversations entre les deux malfaiteurs corses, ce dernier ressassait de manière obsessionnelle son désir de supprimer une à une toutes les têtes du clan Germani. Le délateur au profil atypique est cité comme témoin devant les assises des Bouches-du-Rhône : la défense de Jacques Mariani, poursuivi pour association de malfaiteurs (et non pas complicité), et celle des frères Guazzelli l’attendent de pied ferme. « Tout ce qu’il dit, c’est de la pipette », protestait M. Mariani au procès Faïd, tandis que son procureur officieux s’adressait à la cour derrière un paravent qui aurait dû cacher ses traits au public s’il ne s’était inopinément effondré en pleine audience.

Première surprise de taille : les PGP conduisent à de nombreuses figures du banditisme corse - seize personnes sont appelées à comparaître - mais également à Cathy Sénéchal, fonctionnaire de l’administration pénitentiaire emportée par une folie de vendettas qui ne la concernent en rien. Seconde surprise : interpellée le 4 juin 2018, elle ne nie rien. Bien au contraire.

Le lien entre elle et la bande a été établi par un détenu de Borgo, Ange-Marie Michelosi, fils d’un individu dont il porte le prénom, truand connu de Corse-du-Sud assassiné en 2008, ce qui fait de son fils un membre présumé du groupe des orphelins assoiffés de vengeance. Celui-ci s’était fait le protecteur de Mme Sénéchal, car à Borgo, inframonde aux lois singulières, il arrive que ce soient les bandits qui protègent les matons.

Si l’on en croit l’ordonnance de mise en accusation que Le Figaro a pu consulter, il ressort de ses déclarations qu’elle a elle-même proposé son aide au groupe Guazzelli. L’élimination de Jean-Luc Codaccioni n’était qu’une étape : plusieurs autres pointures devaient être occises, parmi lesquelles un détenu de Borgo, Stéphane Luciani, que la surveillante avait pour mission d’empoisonner avec une substance létale fournie par la bande et plusieurs compagnes de truands prises dans le filet de l’association de malfaiteurs présumée.

La manière dont le coup de Poretta a été monté, la logistique au cordeau déployée pour l’occasion, les moyens financiers mobilisés, la minutie avec laquelle la destruction de toutes les preuves avait été prévue, démontrent un niveau de professionnalisme digne des plus grosses équipes du banditisme. En creux, cette expertise jure avec l’imprudence inouïe des protagonistes qui jacassent comme des commères sur leurs PGP : l’euphorie mêlée de mégalomanie qui colore les échanges entre les héritiers de la Brise fait froid dans le dos.

Voici comment « Catwoman » - surnom de Mme Sénéchal sur le réseau PGP - raconte elle-même son allégeance : « J’ai proposé mes services parce que j’avais le sentiment d’appartenir à quelque chose. J’estimais que ces gens me faisaient confiance et je voulais leur montrer que j’étais à la hauteur. Je vous précise qu’à aucun moment (on) ne m’a sollicitée ou insisté pour que je fasse cela. C’est de mon propre chef que j’ai pris cette initiative. »

Sur les secondes qui précèdent le déluge de feu à Poretta, elle relate : « Je me retourne et je vois Tony (Quilichini) en train de parler à Jean-Luc (Codaccioni). Du coup, je vais vers eux. C’est vrai que je vais pour lui serrer la main et il (Codaccioni) me fait la bise (…) J’avais fait mon job et, malgré tout, je prends plaisir à discuter ensemble (sic). On se dit au revoir et Tony me regarde. Je pense que Tony avait compris, j’aurai toujours son regard en tête jusqu’à la fin de ma vie. »

Malgré les larmes qu’elle dit avoir versées après le massacre sur Antoine Quilichini (elle l’aimait bien, « mine de rien », précise-t-elle sur procès-verbal), Cathy Sénéchal revendique avoir fait un travail contre rémunération - la somme de 200 000 euros est évoquée. Et puis « ça mettait du piquant » dans sa vie.

Au cours de l’instruction, les principaux mis en cause ont largement utilisé leur droit au silence. Sur les seize accusés, sept, dont l’ancienne surveillante de prison gagnée par la folie corse, encourent la réclusion criminelle à perpétuité, considérés comme coauteurs ou complices du double meurtre de Poretta. Depuis lequel ont été décomptés au moins cinq homicides qui pourraient être liés à la folie des vendettas entre héritiers de la Brise.

LE FIGARO - le 7 mai 2024

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Matonne devenue voyou, Cathy Chatelain dans le rôle de sa vie

PROCÈS DU DOUBLE ASSASSINAT DE BASTIA-PORETTA Hier, la cour d’assises des Bouches-du-Rhône examinait la personnalité "singulière" de l’ancienne surveillante pénitentiaire, soupçonnée d’avoir donné "le baiser de la mort" aux deux victimes.


 • Marine STROMBONI

Pour le grand public qui ne connaît pas son visage, les traits de Cathy Chatelain, ex-Sénéchal, se confondent avec ceux de la comédienne Hafsia Herzi, discrète et lumineuse dans Borgo, le film de Stéphane Demoustier inspiré de son histoire. Mais devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, où elle comparaît pour "assassinats" aux côtés de treize autres accusés, "la matonne" apparaît comme une femme sans relief.

Approchant la cinquantaine, ses longs cheveux auburn tombant sur un gilet gris informe dévoilant de temps à autre ses avant-bras tatoués, l’ancienne surveillante pénitentiaire, intimidée à l’ouverture des débats, lundi dernier, s’exprime d’une voix éraillée et peu audible.

"Il faut savoir que moi, j’ai pas élevé des moutons"

Désormais familiarisée avec le théâtre judiciaire et ragaillardie par la proximité de ceux que l’accusation présente comme les héritiers de la bande criminelle de la Brise de mer, Cathy Chatelain entre néanmoins peu à peu dans la peau du personnage. "Je me suis fabriqué ce masque de froideur qu’on me reproche depuis six ans, mais qui m’a bien aidée pendant toutes ces années", justifie-t-elle, les deux mains résolument plantées sur le pupitre du box, à l’évocation de son enfance marquée par un père absent, une mère dépassée et un beau-père abusif.

Pourtant prolixe face aux enquêteurs, l’accusée répond a minima aux questions de la cour, la tête haute et le visage fermé. Mais ses yeux s’illuminent quand son fils aîné apparaît à l’écran, auditionné en visio en tant que témoin. "C’est mon premier-né, il était harcelé au collège et il faut savoir que moi, j’ai pas élevé des moutons. Je discutais de ses problèmes avec un détenu corse qui m’a dit qu’en Corse, c’est l’enfant roi. On en a parlé avec mon mari et on est arrivés le 22 juin 2014", déclare-t-elle d’une voix monocorde gonflée de fierté. Avant de se rasseoir pour écouter les experts dresser le portrait d’une femme "singulière" à la personnalité "complexe et radicale". Décrite comme "méfiante vis-à-vis des autres n’appartenant pas au clan", Cathy Chatelain avait "embrassé une cause qui n’était pas la sienne", explique un psychologue. En l’espèce, une "vengeance historique qui ne la concernait pas", celle du clan Guazzelli-Mariani sur l’équipe Germani, selon l’accusation. "Elle adopte une posture de soumission quasiment consentie en se mettant, elle et sa famille, sous la protection d’un autre tout-puissant qu’elle ne cite pas, décrypte l’expert. Elle se laisse assimiler, intègre le clan religieusement et passe de surveillante à soldat."

"Une allégeance proche du terrorisme"

Sa mission ? Permettre à un commando d’identifier Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni en les embrassant pour les saluer, le 5 décembre 2017, à l’aéroport de Bastia-Poretta, selon les enquêteurs. Quelques secondes plus tard, les deux hommes étaient visés par des tirs de fusil d’assaut et de 9 mm. Le premier décédait sur le coup, le second succombait à ses blessures une semaine plus tard. "Elle n’exprime ni culpabilité, ni remords mais revendique l’appartenance à une famille d’adoption", pointe encore le psychologue. L’expert psychiatre va encore plus loin et décrit une position d’allégeance "pas très loin du terrorisme", motivée par une "fascination pour le clan".

Ce clan, "[SON] clan" tel qu’elle le désigne aux enquêteurs sans en nommer les membres, se trouve justement assis à ses côtés. Seule femme, seule continentale, dans le box et pierre angulaire de ce dossier, Cathy Chatelain peine néanmoins à voler la vedette aux têtes d’affiche de ce procès-fleuve. En regagnant sa place à l’extrémité du banc, sa main effleure l’épaule de Jacques Mariani, fils de feu Francis Mariani, présenté comme l’un des piliers de la Brise de mer, à qui elle avait écrit en détention son désir de le "connaître réellement". D’après les enquêteurs, l’ancienne surveillante avait également sollicité les conseils de celui qui, âgé de 58 ans, affiche 37 années de détention au compteur, "en vue du procès d’assises, car tous les projecteurs seraient sur elle". C’était le cas hier, mais en dépit de ses aveux et postures, "la matonne" n’est pas parvenue à briller.

Elle intègre le clan religieusement et passe de surveillante à soldat. „

L’EXPERT PSYCHOLOGUE

Seule femme, seule continentale dans le box et pierre angulaire de ce dossier, Cathy Chatelain peine à voler la vedette aux têtes d’affiche du procès.

La Provence - le 14 mai 2024

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 «C’EST FORT QUAND MÊME»: COMMENT UNE «MATONNE», MÈRE DE CINQ ENFANTS, EST TOMBÉE DANS LE GRAND BANDITISME CORSE


Qu’est-ce qui a poussé Cathy Chatelain alias Catwoman, surveillante de prison et mère de cinq enfants, à plonger dans le grand banditisme corse ? Au procès du double assassinat de Bastia-Poretta s’est dessiné lundi le portrait d’une femme « complexe », « radicale », « corsicalisée ».


Devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, loin des salles de cinéma où son histoire a inspiré le film « Borgo », sorti mi-avril, Cathy Chatelain a tenté d’expliquer lundi ce qui a pu l’amener à se retrouver dans ce box, ultra-surveillée, parmi 15 hommes dont des héritiers du gang de la « Brise de Mer ». Depuis, la mobilisation des agents pénitentiaires a eu des conséquences sur l’agenda judiciaire et le procès du double assassinat de Bastia-Poretta a été suspendu. Il pourrait reprendre mardi 21 mai, mais rien n’est certain.

Longs cheveux bruns, veste grise laissant apparaître des tatouages, Cathy Chatelain est restée relativement insondable pour l’enquêtrice de personnalité, qui a décrit une femme alternant entre « un côté très féminin » et un autre « garçon manqué ». « Pourquoi la Corse ? Pourquoi elle s’y intéresse autant ? Elle lit le corse, elle l’apprend, je n’ai pas la réponse », admet l’experte.

La Corse en tête

Cathy Chatelain, ex-Sénéchal, raconte que quand elle était surveillante à la prison de la Santé, elle discutait beaucoup avec un détenu corse. Son aîné rencontrait alors des problèmes de harcèlement au collège : « Un jour, il me dit : « tu sais là-bas (en Corse), c’est l’enfant-roi, y’aura pas de problème ». Elle demande alors sa mutation et la famille débarque sur l’île de beauté en juin 2014. Son mari postier, Dominique Sénéchal, dont elle est aujourd’hui divorcée et qui comparaît lui notamment pour destruction de preuves, s’occupe alors des enfants.

L’arrivée en Corse est une « réelle délivrance » pour l’adolescent, a témoigné lundi son fils, devenu adulte, en visioconférence. Décrite comme « froide », en tout cas avec une attitude distante, son visage, relativement fermé, s’illumine à la vue de celui-ci, l’un de ses « cinq bébés ». Ses quatre autres enfants sont désormais placés dans sa belle-famille. L’aîné parle de sa mère comme d’une « femme exemplaire », qui « malheureusement a commis une erreur ».

Le « baiser de la mort »

Cette erreur ? Le 5 décembre 2017, Jean-Luc Codaccioni, détenu de la prison de Borgo (Haute-Corse), de retour de permission, et Antoine Quilichini, dit « Tony le boucher », sorti de prison 15 jours plus tôt, étaient les cibles de tirs sur le parking de l’aéroport de Bastia-Poretta. Une minute avant les tirs, Cathy Chatelain était vue arriver en courant, sur les caméras de surveillance, pour embrasser Codaccioni : un « baiser de la mort » qui était le signal pour le tireur.

Aujourd’hui âgée de 48 ans, elle a reconnu avoir renseigné les assassins sur les dates de sortie des deux victimes et avoir proposé de se rendre à l’aéroport pour décrire au tueur la tenue de Jean-Luc Codaccioni. « Un boulot » réalisé en échange de la promesse d’»une somme à six chiffres », selon l’enquête.

Une « posture de soumission »

L’expert psychologue a tenté d’expliquer ce qu’il voit comme une « posture de soumission » destinée à « mettre sa famille sous la protection d’un « autre » tout puissant qu’elle ne cite pas », se bornant à parler à de multiples reprises du « clan », de « son clan ». Il parle d’une personnalité « complexe et radicale », d’une forme de « corsicalisation » et « d’identifications déviantes » face à des manques et des carences. D’abord le manque du père, qui quitte le domicile familial alors qu’elle est tout petite. Puis le rôle du beau-père, dont elle révèle lundi avec pudeur le « comportement inadapté et malsain envers les enfants ».

« Qu’est-ce qui fait qu’on bascule ? », même s’il y a « une certaine fascination du milieu », demande au psychiatre l’un de ses avocats, Renaud Portejoie. Mais l’expert a du mal à répondre, tant l’accusée s’est peu livrée. Il parle d’un terrain dépressif, d’une fragilité, d’un trouble de la personnalité. Pour lui, des « gens très méfiants » comme elle « vont avoir comme seul bonheur d’appartenir à un groupe ». Et ce groupe, c’est la Corse donc.

Pendant l’enquête, l’accusée avait d’ailleurs lâché : « La Parisienne comme moi, qui arrive en Corse (..) et qui rentre dans un truc comme ça, c’est fort quand même ».

La Charente Libre - le 17 mai 2024

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