Le ministère de la Justice vient de rendre public les chiffres mensuels, en hausse pour le dixième mois consécutif. Les quotidiens ont rapporté le fait, la Provence (2X), OUEST-FRANCE, la Marseillaise (4X), Libération
Editorial
par Jeanne Emmanuelle Hutin
Prisons : le scandale continue
La France est malade de ses prisons. On a beau en construire, elles débordent. Au mois de juillet, nous battions un triste record : 78 500 personnes étaient incarcérées. 3 500 dormaient sur des matelas à même le sol.
Prisons : le scandale continue
— framafad paca corse (@WaechterJp) August 4, 2024
La France est malade de ses prisons. On a beau en construire, elles débordent. Au mois de juillet, nous battions un triste record : 78 500 personnes étaient incarcérées, 3 500 dormaient sur des matelas à même le sol. @OuestFrance pic.twitter.com/qH6krS24AJ
Malgré les condamnations, les conditions indignes de détention ne semblent plus émouvoir grand monde au pays des droits de l'homme ! Et pourtant, cette surpopulation a « des conséquences dramatiques pour les droits et la dignité des personnes détenues, souvent entassées le plus clair de leur temps à deux ou trois dans des cellules exiguës », dénonçait l'Observatoire international des prisons (OIP).
La liste est longue des maux, plus pénibles encore dans la chaleur de l'été. Cette surpopulation expose les détenus comme les personnels à des conditions de détention marquées par des tensions quotidiennes, la promiscuité, les risques de violence accrus », dénonçait le rapport de la Cour des comptes (1).
Dans les maisons d'arrêt, la surpopulation explose : « Il n'y a pas de numerus clausus. On est obligé d'accueillir tout ce que l'autorité judiciaire ordonne expliquait le directeur de la prison de Coutances (Manche), Lionel Le François (2).
Contrairement à d'autres pays européens, en France le nombre de détenus augmente : il a doublé depuis 1982, passant de 57 détenus à 111 pour 100 000 habitants. observe l'OIP.
Augmentation aussi du nombre d'années de prison ferme, passé d'environ 54 000 en 2000, à près de 90 000 en 2019, écrit la Cour des comptes (1).
Agir sans attendre
On emprisonne donc toujours plus. Malgré les peines de substitution, l'incarcération est privilégiée « pour une population marquée par la récidive et la précarité ». Sans compter » l'augmentation du recours aux comparutions immédiates et le maintien, à un niveau élevé, du taux de détention provisoire », observe la Cour des comptes (1): 20 400 personnes étaient emprisonnées avant jugement en avril 2024 ! De plus, on durcit les peines. On crée de nouvelles infractions : 120 en cinq ans, de 2017 à 2022, note l’OIP.
Les personnels pénitentiaires sont épuisés dans bien des prisons : « Si on tient, c'est grâce à la solidarité qui nous relie entre collègues », disait l'un d'eux (3).
Cette surpopulation nuit à l'efficacité de leur travail qui n'est pas seulement « d'ouvrir et de fermer les portes » mais d’accompagner humainement les détenus.
Notre société fébrile et inquiète pense souvent que la prison seule est un gage de sécurité. Alors, dès qu'un horrible fait divers survient, on se précipite pour faire une nouvelle loi. Les dispositifs s'empilent, coûteux, pas toujours efficaces. « Il faut arrêter de penser que la prison est la solution à tous nos problèmes », explique Prune Missoffe de qui appelle à une réforme globale et à des actions d'urgence comme limiter le recours à la détention provisoire avant jugement. L'OIP appelle aussi, comme la Commission consultative des droits de l'homme, à ne plus envoyer de gens en prison quand elles sont déjà occupées à 100 %.
La surpopulation rend difficile la préparation de la réinsertion des détenus, pourtant nécessaire pour éviter la récidive, Les personnes détenues ayant purgé leur peine sortiront de prison. Il est essentiel qu'elles soient préparées à la sortie, qu'elles puissent garder les liens familiaux et que leur vie soit rendue plus humaine par des conditions de vie dignes.
C'est bien le moins au pays des droits de l'homme ! C'est ça aussi, construire la sécurité.
(*) Directrice de la recherche éditoriale à Ouest-France.
(1) Cour des comptes, octobre 2023 ;
(2) Ouest-France, 24-6-24 ;
(3) Ouest-France, 24-5-24.
OUEST-FRANCE, le 3 août 2024
SURPOPULATION CARCÉRALE
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 7, 2024
78 509 détenus en France au 1er juillet, nouveau record
Le ministère de la Justice vient de rendre public les chiffres mensuels, en hausse pour le dixième mois consécutif.@laprovence 4 août 2024 pic.twitter.com/n18Q6RLilC
78 509 détenus en France au 1er juillet, nouveau record
Le nombre de détenus en France a encore augmenté pour atteindre un nouveau record au 1er juillet, avec 78 509 personnes incarcérées contre 77 880 le mois précédent, selon des chiffres du ministère de la Justice consultés jeudi.
C’est le dixième mois consécutif de hausse de la population carcérale, qui a progressé de 5,4 % sur un an. Cette situation contraint ainsi 3 526 détenus à dormir sur un matelas posé au sol, contre 2 478 il y a un an.
Au 1er juillet, les prisons françaises comptaient 61 869 places opérationnelles. La densité carcérale globale s’établit à 126,9 % mais dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et donc présumés innocents, et ceux condamnés à de courtes peines, elle atteint 152,3 %. Elle atteint ou dépasse même les 200 % dans 19 établissements ou quartiers.
Parmi les personnes incarcérées, 20 753 sont des prévenus, en détention dans l’attente de leur jugement définitif. Au total, 95 695 personnes étaient placées sous écrou au 1 e r juillet. Parmi elles, on compte 17 186 personnes non détenues faisant l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur.
La France figure parmi les mauvais élèves en Europe en termes de surpopulation carcérale, en troisième position derrière Chypre et la Roumanie, selon une étude publiée le 6 juin par le Conseil de l’Europe. Des mesures ont pourtant déjà été prises pour tenter de remédier à ce problème, telles que l’interdiction des peines de prison de moins d’un mois, l’aménagement des peines ou encore le développement du travail d’intérêt général. Mais celles-ci s’avèrent insuffisantes.
L’exécutif table aussi sur la construction de 18 000 places de prison d’ici 2027 pour porter la capacité à 78 000 places opérationnelles. Outre le fait que cet objectif a pris un sérieux retard et semble déjà obsolète au vu de la situation, de nombreux acteurs et observateurs estiment que cela ne résorbera pas le problème.
Cette situation contraint 3 526 détenus à dormir sur un matelas au sol.
La Provence - le 4 août 2024
Face au cercle vicieux des prisons qui débordent
Face au cercle vicieux des prisons qui débordent
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 7, 2024
78 509 personnes étaient détenues au 1er juillet dans les prisons de France, comme ici, celle d’Arles@laprovence 5 août 2024 pic.twitter.com/WNH7dgHhlg
JUSTICE Pour le dixième mois consécutif, la surpopulation carcérale bat des records en France. Les organisations alertent, mais les réponses restent politiques.
Ce podium-là n’a rien d’olympique. Et il laisse à désirer sur le plan éthique. Derrière Chypre et la Roumanie, selon une étude du Conseil de l’Europa datant du 6 juin, la France est troisième en termes de surpopulation carcérale. Avec 78 509 personnes détenues au 1er juillet, elle vient de battre un sombre record, pour le dixième mois consécutif. "Les chiffres s’accentuent de manière affolante, on se demande quand ça va s’arrêter", souffle Prune Missoffe, responsable analyses et plaidoyers à l’Observatoire international des prisons (OIP). Alors que 61 869 places sont disponibles, le taux d’entassement des prisonniers atteint 126 % dans l’Hexagone et même 152 % dans les maisons d’arrêt où sont purgées les petites peines et où sont détenues les personnes en attente de condamnation, donc présumées innocentes. Résultat : 3 526 détenus dorment sur un matelas posé au sol, contre 2478ilyaunan. "Les politiques pénales de plus en plus restrictives, le doublement du nombre de peines fermes depuis 40 ans et la dynamique sécuritaire au sein de la société ne font que renforcer ce mal reconnu par tous, reprend Prune Missoffe. Et plutôt que d’y remédier, le gouvernement oppose des arguments fallacieux comme le risque d’atteinte à l’indépendance des juges".
Les États généraux de la Justice avaient pourtant plaidé pour un mécanisme fixant pour chaque établissement un seuil de "suroccupation majeure" au-delà duquel pourraient être "envisagées des mesures de régulation" de la population carcérale. Mais la proposition n’a finalement pas été retenue dans le projet de loi Justice examiné au Parlement. L’exécutif préférant miser sur la construction de 15 000 nouvelles de prison d’ici 2027, sur l’interdiction de peines de moins d’un mois ou sur les quelque 17 000 placements sous bracelet électronique. Sauf que la Cour des Compte a relevé un retard dans l’agenda de l’édification de prisons. "Les 7 000 places qui devaient être livrées avant la fin de l’année 2022 n’ont pas été construites en intégralité".
Face à cette chronique prévisible, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti ne propose que des arguments politiques. "Il y a 73 000 détenus et 60 000 places, répondait-il, début juin, aux collectifs d’avocats qui l’interpellaient sur le sujet. Si vous voulez qu’il n’y ait plus de surpopulation carcérale, là, tout de suite, il faut que je libère 13 000 détenus. Si je fais ça, poursuivait-il, j’offre à l’extrême droite un cadeau inespéré, car la société française n’est pas prête à ce qu’on libère 13 000 personnes. Donc qu’est-ce qu’on fait ? Je construis des places de prison." Sa démonstration agace chez les avocats et les défenseurs des droits des détenus, toutefois. "La construction de prisons n’a jamais réglé le problème, souligne Prune Missoffe. De plus, elle phagocyte les budgets au détriment de mesures alternatives d’accompagnement et de la rénovation des établissements." Certains chantiers avancent, néanmoins, à l’image des Baumettes à Marseille. Cette notion de "régulation carcérale" qui a été mise en place avec succès en Grande-Bretagne est également avancée par Laurence Roques. "Pourquoi ne faites-vous pas le choix de ce mécanisme ?", ne cesse de demander au ministre, désormais démissionnaire, la présidente de la commission libertés au Conseil national des Barreaux.
Un garde des Sceaux à l’arrêt qui préfère communiquer sur le drame ayant conduit à la mort de deux surveillants, lors de la spectaculaire évasion de Mohamed Amra le 14 mai dans l’Eure. Ce qui a permis aux syndicats de la pénitentiaire d’avoir gain de cause sur de vieilles revendications.
"Il faut qu’ils travaillent dans la sérénité, convient Prune Missoffe, mais cela ne fait que renforcer l’aspect sécuritaire et favorise certains retours en arrière, par exemple sur les fouilles à nu. Les pistes de réflexion sont pourtant nombreuses". Il faudra a minima attendre un nouveau gouvernement pour qu’elles reprennent vie.
Les chiffres s’accentuent de manière affolante, on se demande quand ça va s’arrêter.„
PRUNE MISSOFFE (OIP)
Le Provence - le 5 août 2024
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Des prisons qui affichent plus que complet
• Mireille Roubaud
Des prisons qui affichent plus que complet
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 7, 2024
Le nombre de détenus atteint un record
avec des conséquences sur les conditions de détention mais aussi le travail des surveillants pénitentiaires.@lamarsweb 8 août 2024 pic.twitter.com/THZtUzoMjy
Le nombre de détenus atteint un record avec des conséquences sur les conditions de détention mais aussi le travail des surveillants pénitentiaires.
Trois personnes dans neuf mètres carrés 24 heures du 24. Le nombre de détenus en France a encore augmenté pour atteindre un nouveau record au 1er juillet, avec 78 509 personnes incarcérées contre 77 880 le mois précédent, selon des chiffres du ministère de la Justice du 1er août. À Marseille, aux Baumettes, la situation est tout aussi inquiétante avec, selon le tribunal judiciaire, une densité carcérale de 191% dont 61 matelas au sol.
Risques de sur-incidents
Dans les maisons d’arrêts de la région, « nous en sommes à environ 150%, cette augmentation est constante et de mois en mois, on bat des records » affirme Jessy Zagari, délégué régional du syndicat FO justice Paca-Corse. Quand la moyenne nationale atteint 152,3%.
Et avec la canicule, les risques de sur-incidents sont d’autant plus importants témoigne Jessy Zagari. « Chaque année, on appréhende l’été, on reste sur le qui-vive », rapporte-t-il. Certains allant jusqu’à l’agression pour aller en quartier disciplinaire, moins peuplé assure le syndicaliste. La vétusté de certains établissements ajoute aux difficultés. Si à Toulon, Avignon, Aix 2 ou aux Baumettes 2 et 3, les détenus disposent par exemple de douches en cellule, « qui leur permettent aussi de se rafraîchir », un seul surveillant doit gérer le passage de 70 personnes dans les 4 douches par coursives explique Jessy Zagari.
De quoi réclamer des moyens et la mise en place de peines alternatives. « Dans les plans de construction [de prisons], on devrait aussi penser déjà aux futurs programmes» ajoute le syndicaliste qui attend de voir quelle politique va appliquer le futur ministre de la Justice, prêt à défendre les revendications de FO, «quelle que soit sa couleur politique ».
Mireille Roubaud
LA MARSEILLAISE - LE 8 août 2024
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Une surpopulation carcérale que la justice peine à contenir
• David Coquille
La sursaturation des Baumettes devient très préoccupante. Le levier des aménagements de peine ne suffit pas à compenser la flambée des détentions provisoires.
Une surpopulation carcérale que la justice peine à contenir
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 7, 2024
La sursaturation des Baumettes devient très préoccupante. Le levier des aménagements de peine ne suffit pas à compenser la flambée des détentions provisoires. pic.twitter.com/6uDRUfneO3
Avec un taux de suroccupation de 191% sur les deux quartiers hommes au 1er août, le centre pénitentiaire des Baumettes reste plein comme un œuf, comme à son inauguration en juin 2018 avec déjà deux détenus par cellule. Les deux établissements de Luynes étaient moins engorgés à 133% et 164%. À l’inverse, en mai, l’établissement pour mineurs de la Valentine était en dessous de sa capacité d’accueil avec 46 garçons pour 59 places et 4 filles mineures aux Baumettes pour 10 places.
« Au plus bas lors de la crise sanitaire en mars2020, on a pu descendre à 116% aux Baumettes avec 807personnes» se souvient Morgan Donaz-Pernier le vice-président chargé du service de l’application des peines. L’ordonnance de mars 2020 prise au début de l’état d’urgence sanitaire avait permis des réductions de peine exceptionnelles de deux mois. « Les taux redeviennent préoccupants avec un nombre conséquent de matelas au sol.» 45 par terre en janvier 2023 et malgré des lits superposés, on comptait ce 5 août 61 matelas au sol aux QH1 et QH2.
« C’est un constat préoccupant» reconnaissait en avril dernier Olivier Leurent, le président du tribunal judiciaire de Marseille. « C’est à l’image de ce qui se passe au niveau national avec des flux entrants extrêmement importants. C’est le constat d’une activité à la fois de la police, du parquet et de la juridiction qui conduit à des incarcérations. Cela relativise le grief du laxisme fait à la justice. On peut collectivement s’interroger mais on a aussi dans notre mémoire collective de magistrats des décisions incomprises de nos concitoyens après des faits divers suite à des récidives de personnes condamnées 15jours après leur libération.»
Des aménagements de peine assouplis
La détention provisoire a fortement augmenté. 52% de prévenus pour 48% de condamnés. « On a un rallongement de la durée moyenne de la détention provisoire à Marseille qui est passé de 12,2mois en 2022 à 14.5mois en 2023 et un léger allongement des peines prononcées en 2023» indique le président Leurent.
Des commissions d’exécution des peines réunissent trois fois par mois l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale. « Le seul outil qu’il nous reste, ce sont les aménagements de peine assouplis. Nous avons structuré un dispositif d’intervention en définissant un seuil et en ciblant les quartiers d’hébergement les plus problématiques. Lorsque le seuil de 170% est dépassé et il l’est constamment, on active pour ceux qui sont jusqu’à 9 mois de leur sortie un aménagement de peine plus rapide»détaille Morgan Donaz-Pernier, car « avec ces niveaux de suroccupation, l’établissement n’est plus en capacité d’assurer une prise en charge efficace. Il y a une perte de sens de l’exécution de la peine si la personne ne peut plus être suivie, accéder aux soins, etc. La prison doit être un temps utile pour préparer la réinsertion».
« Ne pas prendre des risques démesurés »
Avec l’accord du parquet, le juge d’application des peines peut signer, sans audience, une ordonnance de libération. « Le criblage a été modifié pour qu’on ne sorte pas n’importe qui dans n’importe quelles conditions. On ne peut pas non plus prendre des risques démesurés avec des personnes condamnées par ailleurs.» Ainsi sont exclus les auteurs de violences familiales et sexuelles. «Mais on ne peut pas aller aussi vite que les flux entrants. On a une montée des détentions provisoires.»
La juge d’instruction Annaïck Le Goff coordonne les 27 cabinets d’instruction de Marseille. La moitié des 1 842 dossiers en cours sont de nature criminelle. « On est passé de 555mandats de dépôts en 2019 à 855 aujourd’hui avec 4 cabinets d’instruction supplémentaires et 54 contrôles judiciaires.» Les 7 cabinets spécialisés « JIRS criminalité organisée » concentrent la moitié de ces détentions provisoires, souvent dans les affaires de narcotrafic. « Cette prééminence de la détention provisoire correspond à un ressort très criminogène» souligne la magistrate qui voudrait voir se développer l’assignation à résidence sous surveillance électronique (17 ARSE en cours). « Mais comment les cabinets de délinquance organisée qui ont chacun 80 à 90dossiers avec parfois 15 à 25 personnes mise en examen, peuvent conclure une instruction dans un délai raisonnable de 2ans? C’est impossible. Un règlement de compte chasse le suivant et tout devient urgent.»
David Coquille
La Marseillaise - le 9 août 2024
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Les prisons débordent, la CGT veut des mesures
Alors que le nombre de détenus explose dans les prisons françaises selon les statistiques mensuelles publiées par le ministère de la Justice, le syndicat CGT Paca-Corse de la pénitentiaire réagit.
Les prisons débordent, la CGT veut des mesures
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 7, 2024
Le syndicat CGT Paca-Corse de la pénitentiaire réagit. @lamarsweb pic.twitter.com/NIhMNKKASj
Pour le secrétaire général de la CGT pénitentiaire Paca Corse, Paul Courtaro, les effets de la surpopulation carcérale se ressentent à la fois sur le travail des surveillants et les conditions de détention.
« Cela entraîne inévitablement une augmentation des tâches quotidiennes pour les surveillants», nous écrit-il car « la gestion des effectifs est rendue complexe, et les personnels doivent gérer des situations de plus en plus tendues, souvent dans des conditions matérielles et humaines inadéquates ».
Pire « avec des établissements surpeuplés, le risque d’incidents violents s’accroît ». Et les surveillants « sont de plus en plus exposés à des situations dangereuses, ce qui accroît le stress et la fatigue, deux facteurs qui peuvent gravement altérer leur santé physique et mentale ».
Dans cette situation, les surveillants peinent également à assurer leur mission première dénonce le responsable syndical : « contribuer à la réinsertion des détenus ». « La surpopulation rend difficile un accompagnement individualisé et adéquat, entravant ainsi les efforts de réhabilitation et augmentant les risques de récidive » estime-t-il.
Pour les détenus, «les espaces de vie sont saturés, souvent insalubres et inadaptés pour accueillir un nombre croissant de personnes », témoigne-t-il, décrivant des « tensions (...) conduisant parfois à des violences ».
« La dignité des détenus trop souvent bafouée »
Pour Paul Courtaro, la surpopulation entraîne également « une raréfaction des ressources disponibles, que ce soit pour l’accès aux soins médicaux, aux formations ou aux activités sportives et culturelles». De quoi générer « frustration et désespoir, rendant la gestion quotidienne encore plus difficile ».
Le responsable CGT pointe des conditions tellement dégradées que « la dignité des détenus est trop souvent bafouée». « Les conditions de détention deviennent indignes et inacceptables dans un pays comme la France, censé garantir le respect des droits humains»,s’indigne-t-il.
Face à cette situation, la CGT Pénitentiaire Paca Corse demande pour commencer la « réduction immédiate de la surpopulation par des mesures de désengorgement des prisons, incluant la libération anticipée des détenus proches de la fin de leur peine pour les infractions mineures, et une réévaluation des peines alternatives à l’incarcération ». Le syndicat réclame aussi le «recrutement massif de personnel pénitentiaire pour pallier la surcharge de travail»et la «création d’établissements à taille humaine». Enfin, la CGT estime « fondamental » de développer des « mesures de réinsertion par le travail et les travaux d’intérêt public». Pour offrir aux détenus, « une opportunité de reconstruction et de réintégration sociale, réduisant ainsi les taux de récidive ».
M.R.
La Marseillaise - 14 août 2024
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Surpopulation carcérale : que fait l’Etat ?
• Par Prune Missoffe
Responsable des analyses et du plaidoyer de l’Observatoire international des prisons
La délinquance n’explose pas, et le gouvernement ne cesse de renforcer les peines passibles d’emprisonnement, entraînant une augmentation d’un tiers du nombre de détenus depuis quatre ans.
Surpopulation carcérale : que fait l’Etat ?
— framafad paca corse (@WaechterJp) September 7, 2024
La délinquance n’explose pas, et le gouvernement ne cesse de renforcer les peines passibles d’emprisonnement, entraînant une augmentation d’un tiers du nombre de détenus depuis quatre ans. @libe pic.twitter.com/qn4rC5smlm
«Plus vite, plus haut, plus fort.» Cette devise olympique n’est plus circonscrite au champ sportif, car elle semble reprise de manière dramatique par les institutions répressives, sous la forme de «plus d’enfermement, plus de surpopulation, plus d’indignité». Alors que les prisons françaises sont inhumaines, fabriquent de l’exclusion sociale et échouent à prévenir la récidive, un nouveau record absolu a été battu au 1er juillet, pour le neuvième mois consécutif, avec 78 509 personnes incarcérées.
«huit dans 15 m²»
Concrètement, cela signifie que toujours plus de personnes sont soumises à des traitements inhumains ou dégradants, ou qu’elles y sont soumises pour une durée plus longue. Car loin des clichés trop souvent relayés de personnes «logées, nourries, blanchies» en prison, les conditions de détention sont majoritairement indignes. Plus d’une prison française sur quatre a déjà été condamnée sur ce motif (parfois à plusieurs reprises) par les tribunaux administratifs ou par la Cour européenne des droits de l’homme. L’Observatoire international des prisons (OIP) reçoit, au quotidien, de nombreux témoignages de cellules vétustes, insalubres et infestées de rats, cafards ou punaises de lits, sans aucune intimité, dans une promiscuité intenable, avec des toilettes ouvertes sur la cellule, de températures glaciales l’hiver et étouffantes l’été, de carences alarmantes en termes d’accompagnement, d’activités et d’accès aux soins…
L’augmentation continue du nombre de personnes détenues aggrave de fait une surpopulation carcérale devenue endémique. Au 1er juillet, elle frôle 127 % au niveau national et dépasse les 152 % dans les maisons d’arrêt, où sont enfermées les deux tiers des personnes détenues (dans l’attente de leur procès, ou condamnées avec un reliquat de peine de deux ans ou moins). Ce taux d’occupation franchit la barre des 200 % dans a minima 19 prisons - les données publiées par l’administration pénitentiaire, fondées sur des calculs biaisés, restant largement en deçà de la suroccupation subie dans les quartiers dédiés aux hommes détenus. Et 3 526 personnes sont contraintes de dormir sur des matelas de fortune posés à même le sol. Chacun de ces chiffres est un record absolu. Chacun de ces chiffres se traduit par des atteintes scandaleuses aux droits des personnes détenues.
«On est à huit personnes dans 15 m². Deux dorment par terre. On n’a pas de place, aucune intimité, témoigne une personne détenue en centre pénitentiaire auprès de l’OIP. On se marche littéralement dessus. Ce n’est pas propre, la douche est cassée. En gros, on est des chiens.» La construction de nouvelles places de prison n’y fera rien : le parc pénitentiaire n’a jamais été aussi vaste, et la surpopulation carcérale n’a jamais été aussi grave. Car l’adage n’a jamais été contredit : «Plus on construit, plus on enferme.» Pour une raison, somme toute, assez logique : tant que les causes de l’augmentation du nombre de personnes détenues seront ignorées, cela reviendra à mettre un pansement sur une plaie béante. Ces causes sont pourtant largement identifiées. La surincarcération est la conséquence directe de politiques pénales de plus en plus répressives. Le nombre de comportements passibles d’emprisonnement, la durée des peines encourues et le nombre de peines fermes prononcées ne cessent d’augmenter. Résultat, en quarante ans, le nombre de personnes détenues pour 100 000 habitants a doublé. Sans corrélation avec l’évolution de la délinquance.
En octobre 2023, la Cour des comptes soulignait elle-même dans un rapport dédié au sujet : «Alors que les enquêtes dites de "victimation" menées par l’Insee font état d’une certaine stabilité des faits de délinquance dont les ménages ont été victimes, la réponse pénale à la délinquance s’est durcie au cours des dernières années.» Avant de compléter : «Ces tendances, qui attestent d’un durcissement de la réponse pénale pendant les vingt dernières années, n’ont pas été perçues par l’opinion publique, qui continue de considérer la justice comme trop laxiste.»
Dynamique répressive
Les autorités ont bien eu un sursaut, au cœur de la crise sanitaire : combinées avec la diminution des incarcérations due au ralentissement de l’activité judiciaire, des libérations anticipées ont alors conduit à une baisse historique de la population carcérale. Mais, au «fol espoir» généré par cette situation, a succédé une folle surincarcération : en l’espace de quatre ans, on compte dans les prisons françaises 20 000 personnes de plus, soit une augmentation de plus d’un tiers. Et la dynamique répressive est de plus en plus boulimique : sur les six premiers mois de l’année 2023, plus de 200 modifications législatives ont été étudiées par le Parlement pour créer des infractions punies de prison ou durcir les peines encourues. Cette politique est pourtant différente dès qu’on traverse la Manche : mi-juillet, le nouveau gouvernement britannique a annoncé la mise en place d’un dispositif de régulation de la population carcérale, en avançant le moment de la peine où la personne détenue est éligible à une libération anticipée sous contrôle judiciaire. A peine une semaine après son arrivée au pouvoir, il a estimé qu’un plan d’action d’urgence était nécessaire. Il est question de «prisons au bord de l’asphyxie», de «crise dans les établissements pénitentiaires» ou encore de «point de rupture absolu» : le taux d’occupation pourrait bientôt dépasser 100 %. Le décalage avec l’inertie des autorités françaises est effarant : alors, quand se réveilleront-elles ? Quel niveau d’inhumanité faudra-t-il atteindre pour cesser de recourir à tour de bras à la prison ? On peut faire autrement, vraiment. Et le temps presse.
Libération le 19 août 2024