Ce système permet à des victimes de rencontrer des auteurs qui ont commis le même type d'infractions dont elles ont fait l'objet. Il s'agit d'une mesure autonome qui viendrait en complément de la justice pénale. Si des conventions ont été signées en Corse, aucune rencontre n'a pour l'heure été organisée.
La justice restaurative, un dispositif encore en chantier en Corse - Il permet à des victimes de rencontrer des auteurs qui ont commis le même type d'infractions dont elles ont fait l'objet. C'est une mesure autonome qui viendrait en complément de la justice pénale. @Corse_Matin pic.twitter.com/C2hOr2MBJG
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 15, 2024
La justice restaurative, qui vient en complément de la justice pénale, tente de colmater toutes les failles d'une victime, d'un mis en cause aussi. Ni jugement, ni serment.
Dans ce dispositif, chacun arrive avec son histoire, ses arguments, ses démons souvent.
Des victimes, sur un thème précis, par exemple les car-jackings ou les home-jackings, rencontrent des auteurs condamnés pour des faits similaires. Il n'est pas question pour les victimes d'être confrontés à leur propre agresseur dans ce cas précis. Néanmoins, une médiation restaurative permet, elle, de confronter, aux termes d'un long travail de préparation, une victime et son agresseur. « Parfois, le travail de préparation peut suffire pour les personnes qui ont fait cette démarche et la rencontre na finalement jamais lieu », souligne Bénédicte Simon, directrice à Ajaccio de l'association d'aide aux victimes, la Corsavem.
« Beaucoup de mal à mettre en place »
En Corse, le dispositif n'est pas encore accessible mais de nombreux acteurs du monde judiciaire et du monde associatif n'abandonnent pas l'idée et tentent de faire renaître de ses cendres un projet déjà effleuré en 2016.
« Nous avions sérieusement travaillé sur ce sujet, se souvient Éric Bouillard, alors procureur à Ajaccio à cette période. Nous avions d'ailleurs signé une convention avec l'association française de justice restaurative, le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip} et la Corsauem. »
Dans la foulée, plusieurs personnes sont formées en Corse. « Mais nous avons eu beaucoup de mal à le mettre en place, à démarrer les choses, faute de moyens humains notamment. L'idée se portait sur les violences routières. Les parents ne comprennent pas que leur enfant ait pu perdre la vie à cause de quelqu'un qui n'a pas respecté le Code de la route. Certains ont besoin de s'impliquer, de parler de leur histoire pour que ça ne se reproduise pas, ils on, ainsi le sentiment de servir à quelque chose », analyse Éric Bouillard, qui milite volontiers pour une justice restaurative, tout en reconnaissant sa difficile mise en œuvre en Corse mais aussi dans d'autres juridictions de petite taille.
Car il ne suffit pas seulement de trouver des volontaires, Hénédicte Simon se penche plutôt sur le processus, très long : « Cela demande un important travail de préparation. Il faudrait un service dédié avec des personnes formées pour cela, ce travail ne s'improvise pas. C'est un processus très long, cette préparation doit également être sécurisée par l'intervention d'un psychologue. Il faut qu'il y ait une véritable volonté tant des victimes que des auteurs. »
« Un travail d'introspection »
Ce dispositif n'offre par ailleurs aucun avantage aux auteurs, ils ne peuvent prétendre à une remise de peine sur la base de ce volontariat. Il s'agit donc bien d'un véritable travail sur soi. En Corse, certains professionnels pointent également la proximité comme une embûche sur le chemin de la justice restaurative.
« Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce dispositif, nous avons sondé des personnes condamnées et il est vrai que l'une d'elles a notamment exposé sa peur du « qu'en-dira-t-on" Elle craignait d'être confrontée à une victime qu'elle aurait pu connaître et qui aurait ainsi su qu'elle avait été condamnée.»
Ce dispositif n'offre
aucun avantage aux auteurs,
ils ne peuvent prétendre à une remise de peine sur la base de
ce volontariat.
Il s'agit donc bien d'un véritable travail sur soi.
Le ministère de la Justice confirme que deux conventions ont été signées, en Haute-Corse et en Corse-du-Sud. afin de mettre en place la justice restaurative et rappelle que « la confidentialité " encadre ces rencontres.
« C'est un dispositif sur-mesure. Les outils existent depuis 2016 et il s'agit d'une instruction du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. C'est une mesure autonome, en complément de la justice pénale ", poursuit-on du côté du ministère qui indique qu'il s'agit quasiment « d'un travail d'introspection ».
Un processus « primordial » pour une avocate ajaccienne qui milite pour ce dispositif afin de favoriser « la réinsertion» et empêcher « la réitération » de l'infraction.
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Corse-Matin - le 15 avril 2024