Autres recensions du film BORGO de Stéphane DEMOUSTIER (Politis, Challenges, Marianne, Aujourd’hui en France, Elle)
Voici tous les articles recueillis dans cette revue de presse sur le site de la FRAMAFAD PACA CORSE en rapport avec le film de Stéphane DEMOUSTIER, BORGO
« J’ai vu l’humanité de la prison »
Infernal ENGRENAGE / Stéphane Demoustier / 1 h 57
Infernal ENGRENAGE / BORGO, film Stéphane Demoustier
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 23, 2024
Ce film met en scène une surveillante de prison en proie à la mafia corse. @Politis_fr pic.twitter.com/SJ3RPToTrR
Borgo, de Stéphane Demoustier, met en scène une surveillante de prison en proie à la mafia corse. Stéphane Demoustier poursuit dans la veine judiciaire, après La Fille au bracelet (2020). Cette fois-ci, il porte sa caméra au sein du milieu carcéral, dans la prison de Borgo, en Corse. D’emblée, on sait que ce cinéaste n’en fera pas trop : pas de violence spectaculaire ni de scène tonitruante pour faire « typique ». La rigueur du propos et celle de la mise en scène sont au rendez-vous. L’action se situe dans un secteur particulier de la prison, celui où sont regroupés les détenus corses, où arrive une nouvelle surveillante, Melissa (Hafsia Herzi). Melissa est la véritable héroïne de Borgo. D’où un équilibre dans le scénario entre les scènes où elle exerce son métier – en imposant le respect mais avec humanité – et celles où on la voit chez elle, avec son mari, Djibril (Moussa Mansaly), et ses deux enfants. Venu de la région parisienne, le couple souhaite prendre un nouveau départ. Mais Djibril est exposé au racisme dans la cité où ils viennent d’emménager. L’intrigue se met en place selon une mécanique imparable sans que rien paraisse factice pour autant. D’un côté, la police enquête sur un double assassinat, dont on voit mal au départ le lien avec Melissa. De l’autre, celle-ci retrouve dans la prison de Borgo un jeune détenu déjà croisé à Fleury-Mérogis, qui s’avère être lié à la mafia corse. Ses ennuis de voisinage sont à l’origine de l’engrenage mortifère dans lequel Melissa va se laisser prendre. On n’en dira rien ici, sinon que son métier l’y expose et que le film montre que tout un chacun aurait pu y succomber. Hafsia Herzi est remarquable. Préférant le jeu intérieur aux marques démonstratives, elle interprète avec subtilité une Melissa solide, aimant son métier et sachant affronter les problèmes de « matonne », de femme et de mère, sans voir, cependant, tous les dangers se profiler. La montée du suspense s’accompagne d’une réflexion implicite sur le point de vue. La police a recours avant tout aux caméras de surveillance, tandis que l’œil du cinéaste épouse le regard de Melissa. Il en résulte deux réalités possibles, le spectateur éprouvant une nette préférence pour l’une des deux, qui n’est pas forcément la plus « objective ». Mais quelle est la plus juste ? En plus d’être magistralement mené, Borgo est un film intelligent. Chapeau ! CHRISTOPHE KANTCHEF
Politis - le 18 avril 2024
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BORGO - Piège corse
BORGO - Piège corse - Stéphane Demoustier aime les univers régaliens. Il plonge dans l’univers carcéral : une prison corse réputée pour voir ses détenus surveiller leurs gardiens et non l’inverse. @Challenges pic.twitter.com/QtLvEvtl9p
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 23, 2024
Stéphane Demoustier aime les univers régaliens. Cinq ans après son remarquable film de procès La Fille au bracelet (couronné d’un César de la meilleure adaptation), il plonge dans l’univers carcéral : une prison corse réputée pour voir ses détenus surveiller leurs gardiens et non l’inverse. Une surveillante expérimentée venue du continent (Hafsia Herzi, de nouveau impériale), pour se faire respecter dans ce monde hostile, pourra compter sur un des détenus. Ce jeune homme, une fois libéré, lui demande évidemment en échange un service, point de départ d’un flirt dangereux avec le grand banditisme local. Tenu, tendu, Borgo joue de manière subtile avec la chronologie pour partager la manière dont son héroïne, pourtant terrienne, perd pied. Demoustier s’empare d’un fait divers encore non définitivement jugé pour signer un film à l’os, dépourvu de tout cliché facile sur l’île de Beauté.•
De Stéphane Demoustier.
Avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Louis Memmi… Durée : 1 h 58.
Challenges, le 18 avril 2024
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“Borgo”, un autre regard sur la Corse
“Borgo”, un autre regard sur la Corse
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 23, 2024
Dans “Borgo”, Stéphane Demoustier dynamite les poncifs sur la Corse.Mélissa, est une surveillante pénitentiaire de profession qui prend ses nouvelles fonctions à la prison de Borgo où le particularisme îlien impose partout ses lois. @marianne pic.twitter.com/yxpyBqLmTZ
Dans “Borgo”, Stéphane Demoustier, déjà auteur des convaincants “Terre battue” et “la Fille au bracelet”, dynamite les poncifs qui accompagnent si souvent les fictions situées en Corse. L’héroïne de son nouveau film, Mélissa, n’est pas une insulaire « pur jus », mais une jeune femme du continent qui débarque à Bastia avec son mari et ses deux mômes pour réinventer sa vie. Surveillante pénitentiaire de profession, la trentenaire prend ses nouvelles fonctions à la prison de Borgo et découvre un univers où le particularisme îlien impose partout ses lois. Dans cette enceinte où les cellules sont rarement fermées, Mélissa (Hafsia Herzi, remarquable) apprend rapidement à composer avec les us et coutumes du cru. La jeune femme en uniforme devient notamment proche (peut-être trop) de Saveriu, un jeune prisonnier très influent dans l’enceinte pénitentiaire et hors les murs. Stéphane Demoustier s’est inspiré d’un fait divers pour bâtir le scénario de Borgo : l’implication d’une matonne dans un règlement de comptes meurtrier entre bandes rivales, qui laissa deux cadavres sur le carreau de l’aéroport de Bastia en décembre 2017. Cette scène clé, révélée dès l’entame du film, reviendra plusieurs fois hanter le récit, tel un point de fixation obsessionnel. Avec son intensité dramatique exceptionnelle et sa description d’un parcours initiatique rude, Borgo rappelle parfois – ce n’est pas un mince compliment – un monument du film de prison : Un prophète, de Jacques Audiard. Mais le style et les préoccupations de Stéphane Demoustier n’appartiennent qu’à lui, et ce film palpitant, un des plus marquants depuis le début de l’année, le prouve avec une singulière évidence. Olivier De Bruyn
Marianne - le 20 avril 2024
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GRAND ÉCRAN « BORGO »
Melissa, une surveillante pénitentiaire d’une trentaine d'années, s’installe avec sa famille en Corse, et prend ses nouvelles fonctions à la maison d’arrêt de Borgo. Elle découvre rapidement que les détenus et les matons de l’îÎle de Beauté n’obéissent pas aux mêmes règles que sur le continent, et apprend à s’adapter aux dangereuses coutumes locales... Ne cherchez pas plus loin le film noir le plus sidérant du moment. Dans Borgo,
GRAND ÉCRAN « BORGO »
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 23, 2024
Dans Borgo, Stéphane Demoustier dresse le portrait d’une héroïne Melissa qui entretient des relations toxiques avec le milieu des voyous et devient prisonnière d’un redoutable engrenage. @le_Parisien pic.twitter.com/Yca1mZpCtG
Stéphane Demoustier (Terre battue, La Fille au bracelet) dresse le portrait d’une héroïne (Hafsia Herzi, dans l’un de ses meilleurs rôles, photo) qui entretient des relations toxiques avec le milieu des voyous et devient prisonnière d’un redoutable engrenage. Mise en scène avec une inventivité constante, cette fiction sur l’univers carcéral n’a pas à rougir face aux plus grandes réussites du genre, comme Un prophète (2009), de Jacques Audiard.
À découvrir de toute urgence.
Olivier De Bruyn
Drame de Stéphane Demoustier, France (1h58). Avec Hafsia Herzi, Moussa Mansaly, Louis Memmi, Michel Fau.…
Aujourd’hui en France - le 19 avril 2024
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Borgo : l'histoire vraie de la surveillante de prison devenue criminelle
Elle a inspiré le film « Borgo », sorti le 17 avril. Le 6 mai, Cathy Chatelain comparaîtra aux assises pour assassinat en bande organisée, à la suite d’une fusillade meurtrière à l’aéroport de Bastia. Comment une mère de famille et gardienne de prison a-t-elle pu basculer dans la criminalité ?
Borgo : l'histoire vraie de la surveillante de prison devenue criminelle
— framafad paca corse (@WaechterJp) April 30, 2024
Comment une mère de famille et gardienne de prison a-t-elle pu basculer dans la criminalité ?@elle https://t.co/JwdIwG04Zm
Par Catherine Robin
À quoi tient le passage à l'acte criminel. À une conviction ? Un aveuglement ? Ou simplement à l’appât du gain ? Pourquoi, ce 5 décembre 2017, Cathy Chatelain, qui s’appelait encore Sénéchal, son nom d’épouse, a-t-elle obéi avec zèle aux instructions d’un « clan » auquel elle était persuadée d’appartenir ? Deux hommes ont été assassinés ce matin-là, sur le parking de l’aéroport de Bastia.
Le premier s’appelait Jean-Luc Codaccioni. Détenu à la prison de Borgo, il revenait d’une permission à Paris, chez sa nièce, la chanteuse Jenifer. Le deuxième, Antoine Quilichini, était venu chercher son ami à sa descente d’avion. Ces deux membres du gang de la Brise de mer, en proie à une guerre des clans sur fond de vendetta depuis plusieurs années, sont tombés sous les balles d’un tueur lourdement armé et très bien informé. Quelques minutes avant qu’ils ne s’effondrent au sol, ils avaient été chaleureusement salués par Cathy Chatelain. Un baiser de la mort, diront certains, qui permettra au tueur de ne pas se tromper de cible.
Un métier sérieux et honorable
La femme de 41 ans à l’époque ne fait pourtant pas profession d’appât. Elle a un métier sérieux et honorable : elle est surveillante pénitentiaire au centre de détention de Borgo. Une prison un peu particulière car réputée pour la proximité, pour ne pas dire porosité, qui y règne entre certains gardiens et certains détenus. C’est par l’intermédiaire de l’un d’eux, Ange-Marie Michelosi, dont elle était proche, que la matonne aurait franchi la ligne rouge. À plusieurs reprises.
Son rôle
Sa contribution au crime ne s’arrête pas en effet à la simple désignation de la cible à abattre, comme l’indique l’ordonnance de mise en accusation à laquelle nous avons eu accès. C’est elle qui a également tuyauté ses nouveaux amis sur la date du retour de permission de la future victime. Elle avait obtenu l’information au sein de la prison et l’avait partagée avec son « clan » par l’intermédiaire d’un « cryptophone » PGP, un téléphone réputé indéchiffrable qui lui avait été remis sur un parking, en pleine nuit, par plusieurs hommes cagoulés.
Ces rendez-vous clandestins auraient eu lieu plusieurs fois. En échange de ses services, on lui aurait promis un dédommagement d’un montant « à six chiffres ». Décryptés sans difficulté par les enquêteurs, les messages ne laissent aucun doute quant à l’implication de la surveillante dans les plans criminels du groupe, dirigé par deux héritiers de la Brise de mer, Christophe Guazzelli et Jacques Mariani, déterminés à venger la mort de leurs pères quelques années plus tôt. Surnommé Catwoman sur la messagerie clandestine, Cathy Chatelain s’apprêtait d’ailleurs à franchir un palier de plus dans la violence en acceptant de donner la mort, de ses propres mains, à un détenu de Borgo, Stéphane Luciani, autre cible des « orphelins » de la Brise de mer, en glissant du poison dans son café.
Cathy Chatelain s’apprêtait d’ailleurs à franchir un palier de plus dans la violence
Quelques jours après le double assassinat, une vague d’arrestations en lien avec un trafic de stupéfiants dans le milieu corse l’empêchera de passer à l’acte. Mais elle sera bel et bien dans le box des accusés à compter du 6 mai, devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, aux côtés de quinze autres personnes, jugée pour assassinat en bande organisée, association de malfaiteurs et corruption. Des chefs d’accusation qui lui font encourir la prison à perpétuité.
Comment cette femme, née en 1976 à Noisy-le-Grand, mariée et mère de cinq enfants, au casier judiciaire vierge et sans aucune ascendance corse, a-t-elle pu céder à la fascination mafieuse et à la tentation criminelle ? La question interpelle tant qu’un film, « Borgo », a été réalisé, inspiré de son histoire, ce qui l’aurait mise, d’après son avocat, dans une colère noire, en raison, notamment, de sa date de sortie, moins de trois semaines avant l’ouverture du procès. Élevée à Méricourt, non loin de Lens, par sa mère et son beau-père (son père est absent), Cathy Chatelain est devenue surveillante de prison en 2006 après avoir échoué à passer son diplôme d’hôtesse de l’air. Aux enquêteurs, la quadragénaire explique avoir étudié la criminologie et être passionnée par l’élucidation des crimes.
Un point de bascule
Elle croise ses premiers détenus insulaires à la prison de la Santé entre 2011 et 2014. C’est l’un d’eux qui lui conseille de demander sa mutation à Borgo, à la suite de la fermeture de la prison parisienne pour travaux. Cathy Chatelain obtient alors un poste en Haute-Corse et s’y installe en famille. Elle se passionne pour la culture régionale, dont elle continue d’étudier la langue en détention. Au contact de certains prisonniers avec lesquels elle sympathise, la matonne commence à rendre de menus services, comme faire entrer en prison de la drogue et des téléphones portables. Sans jamais être inquiétée. Un de ses anciens collègues la décrit : « Elle n’était pas la première de la classe, il fallait souvent la rappeler à l’ordre. » De là à se rendre coupable de crime…
La surveillante reconnaît les faits et dit ne rien regretter
Interpellée le 4 juin 2018 puis placée en détention au centre pénitentiaire de Riom, dans le Puy-de-Dôme, la surveillante reconnaît les faits et dit ne rien regretter, mettant en avant sa « fidélité à ses engagements », le fait de ne « pas y mettre de sentiment », et justifie ses actes comme « une échappatoire dans sa vie qui l’ennuyait ». Mariée à Dominique, que les experts psychologues décrivent comme un homme « réservé, conformiste, effacé de la dynamique conjugale », elle va chercher le grand frisson auprès de figures viriles qui la félicitent de son efficacité, lui donnent une place qu’elle ne trouve pas dans le monde monotone de la légalité. Son mari paiera cher son soutien à sa femme, étant lui-même mis en examen et écroué pour complicité d’assassinat commis en bande organisée.
Une personnalité mystérieuse
Pour Me Renaud Portejoie, l’avocat de Cathy Chatelain, la personnalité de sa cliente reste, en partie, un mystère : « Sa singularité, c’est qu’elle n’est pas du sérail. Sur le papier, elle était parfaitement heureuse. Elle avait quitté la région parisienne pour la Corse, elle avait un mari, cinq enfants. Tout ce que je peux dire, c’est que son choix n’est pas absolu. Elle n’a pas choisi le “clan” contre sa propre famille, elle est tiraillée entre ces deux existences. » Devant les enquêteurs, Cathy Chatelain a tenté d’expliquer son allégeance à une cause qui n’était a priori pas la sienne : « La famille, c’est le clan légal. L’autre clan, je l’ai choisi, on n’y touche pas, on n’en parle pas. »
Elle refuse de croire qu’elle aurait juste été une marionnette
Un expert psy tentera de décrire chez elle « un phénomène d’emprise par l’identification à un tout-puissant qui assure sa protection et celle de sa famille, mettant en exergue sa nécessité à se “donner” à un autre pour exister ». La détenue refuse cependant de croire qu’elle aurait juste été une marionnette, instrumentalisée par une bande de voyous. À part l’hypothétique « somme à six chiffres », qu’avait-elle à gagner de cette adhésion sans limites à cette maudite vendetta ? Naïve, manipulée, vénale, exaltée, qui est vraiment Cathy Chatelain ? Les huit semaines de procès devraient apporter quelques réponses.