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C’est gagnant-gagnant. Ce jeu breton donne du travail aux détenus du centre pénitentiaire de Vezin, près de Rennes, dans une optique de réinsertion. La prison garantit réactivité, qualité et moindre coût.

Reportage

« Ça occupe le temps et, en plus, ça fait un peu d’argent pour payer les frais de justice », témoigne Philippe (1).1ls sont six, tous volontaires. Détenus à Vezin-le-Coquet, près de Rennes, ils ont passé un entretien au sein de la prison, pour travailler. Ils ont signé un CDI, payé 45 % du Smic horaire, qui prendra fin à leur sortie de prison.

Tous les six ont été choisis pour assembler le jeu Etoilium (2), un jeu éducatif entièrement mécanique, autocorrectif, ludique, à destination des enfants pour aiguiser leur concentration, en français, mathématiques, logique. Facile d’utilisation, il a été mis au point par Amicie de Coulonges, professeure des écoles, et Astrid Buisset, spécialiste des jeux et jouets.

Ambiance studieuse et travail d’équipe

Sa particularité, Etoilium est 100 % breton. « Le plastique est injecté à Concarneau (Finistère), les différentes pièces, une quinzaine, sont ensuite assemblées dans les ateliers de la prison de Vezin. L’enjeu est énorme, témoigne Astrid Buisset. Mais ce que l’on aime, c’est l’approche qualité et le savoir-faire. » 5 000 Etoilium sont sortis l’an passé de la prison rennaise et une nouvelle campagne de montage de 5 000 nouveaux jeux est lancée.

Dans l'atelier, l'ambiance est studieuse. Autour de la table, chaque détenu a sa tâche : placement des boutons de couleurs, du ressort, de la cloche et du marteau, vissage, vérification du fonctionnement, préparation des boîtes, conditionnement… Chaque matin, ce sont 300 jeux qui sont assemblés.

« Ce qui est bien, c'est le travail d'équipe. On est également polyvalents, on peut changer de poste, on montre qu’on est capable », explique Erwan. « C’est varié. Et ça permet de cantiner, de mieux manger », ajoute Sébastien. « C’est l’occasion de sortir de la cellule, explique Maxime.

Quand j'étais dehors, je travaillais beaucoup ; là, ça permet de garder un rythme. Et on peut discuter de choses et d’autres. Faut juste pas faire l’idiot pour garder sa place. »

« Les détenus s’épaulent. Si l’un est en difficulté, pas en forme, a pris du retard, un autre peut aider, explique Christophe Hirret, contremaitre. Ils sont aussi force de proposition pour optimiser le travail. »

Pour ce jeu Etoilium, c’est une aubaine, « on a moins de transports. Ce qui est cher en France, c’est la main-d’œuvre. Là, ça nous permet d'exister. On veut aussi dire aux fabricants qui assemblent en Chine, c’est possible de le faire en France. L'atelier en prison est une solution », résume Astrid Buisset.

La prison cherche de nouveaux partenaires

Les détenus travaillent chaque matin, de 8 h à 13 h 30. L'après-midi, ils ont des parloirs famille ou avocat, activité, cours. Cette proposition d'Etoilium a été bienvenue pour l'atelier de la prison. « Sur nos 1 200 m², on peut faire travailler 80 à 100 détenus, mais actuellement, on a de l’activité que pour 45 détenus. Plusieurs sont sur liste d’attente », explique Pascal Fou- cault, le responsable du travail à la prison de Vezin. Dans les autres ateliers, des détenus assemblent des calottes de casques de chantier, reconditionnent des compotes, nettoient et testent des chargeurs.

Aujourd'hui la prison cherche de nouveaux partenaires, pour du conditionnement, mais aussi de l'assemblage avec outils. « On est en capacité de mobiliser très vite une équipe de 20 personnes, on peut livrer, explique Pascal Foucault. C'est dans une optique de valorisation des savoir-faire, dans la perspective d’une réinsertion des détenus et pour prévenir la récidive. »

Agnès LE MORVAN.

(1) Les prénoms des détenus ont été modifiés pour préserver l'anonymat.

(2) Le jeu Etoilium est vendu 65 €.

www.etoilium.com

OUEST - FRANCE - le 19 mars 2024