Matelas au sol, lits superposés... Les établissements pénitentiaires débordent

À Saint-Brieuc, « on ne tolérera aucun matelas au sol »


La direction de la maison d'arrêt de Saint-Brieuc ( Côtes-d'Armor) a confirmé à Ouest-France ce que le Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS) considère comme une ligne rouge : le nombre de personnes détenues atteint un niveau tel que l'éventualité d'installer des matelas au sol dans les cellules est une réalité.


« Je vous confirme que les effectifs de la maison d'arrêt ne vont plus permettre de garantir l’attribution d'un lit aux personnes détenues qui seraient incarcérées dans les jours à venir. Une réflexion et des pistes de travail ont été engagées, en lien direct avec les collègues magistrats du tribunal de Saint-Brieuc, afin de prévenir cette situation. »

Avec 180 personnes détenues, la prison, inaugurée en 1914, affiche un taux d'occupation de 276 %. Il y a officiellement 65 cellules, donc 65 places. plus treize cellules pour les personnes en semi-liberté et deux cellules pour les nouveaux arrivante.


Afin d'avoir de la place pour tout le monde, chaque cellule, d'une dizaine de mètres carrés, est dotée de trois lits superposés. « La personne tout en haut peut à peine tenir assise », s'indigne un surveillant. 


Le bureau local du SPS prévient : «On ne tolérera aucun matelas au sol. Si on en arrive à cette extrémité, ce sera le blocage immédiat de la maison d’arrêt...


Ploemeur, dix-sept nouveaux surveillants


Voici un mois, le centre pénitentiaire de Ploemeur (Morbihan) comptait 315 personnes hébergées, soit un taux d'occupation de 180 %. A son arrivée il y a quatre ans, la directrice Katell Peton avait dû gérer un établissement qui en abritait 365, un record.


Depuis. elle est parvenue à limiter le recours aux matelas posés au sol dans les cellules.


Tout d'abord en créant un quartier arrivants de 16 places puis en modifiant l'affectation de plusieurs cellules du quartier jusqu'alors dédié à la semi-liberté. «Comme si nous agrandissions l'existant, pour moins subir.


Pour autant, cela reste la même quantité de détenus à prendre en charge observe-t-elle. Toutefois , la directrice a pu annoncer à ses équipes le renfort de onze surveillants en juillet, de six autres en octobre pour pallier un sous-effectif d'encadrement face à cette surpopulation de détenus.


Ces dix-sept postes viendront consolider un effectif total de 111 personnels chapeautés par trois femmes : la Lorientaise Lucie Le Clère, 29 ans, est désormais l'adjointe de Katell Peton après que Catherine Perrien a pris ses fonctions de cheffe de détention voici un an.


Dans les prisons de Rennes, 85 détenus dorment au sol Situé à deux pas de la gare de Rennes. le centre pénitentiaire pour femmes héberge 196 détenues. Celles-ci sont majoritairement condamnées à des longues peines. 26 sont écrouées en maison d'arrêt, conduisant à un taux d'occupation de 124 %, car des cellules y ont été fermées en lien avec les travaux du quartier de prise en charge de la radicalisation (OPR). Depuis septembre 2021, ce OPR héberge des femmes prévenues ou condamnées en matière de terrorisme. A. la fin des travaux, elles pourront être vingt-neuf. Le centre pénitentiaire pour hommes, ouvert en 2010 à Rennes-Vezin, a remplacé la prison Jacques-Cartier, vétuste, située en centre-ville. Actuellement, 900 personnes y sont détenues. Dans les deux maisons d'arrêt (prévenus et condamnés à une peine inférieure à deux ans), la surpopulation s'établit à 143 % (639 personnes écrouées, contre 477 places)... Nous comptons 47 matelas au sol, dans l'une, et 38 matelas au sol, dans l'autre, détaille Énc Toxé. responsable local de l'Utap-Unsa Justice. C’est une situation identique à celle que nous avons connue avant le Covid 19. Avec trois ou quatre détenus dans une cellule, au Iieu de deux, l'atmosphère est davantage tendue.


Quand le surveillant pénitentiaire ouvre la porte, « il doit faire face à des conflits plus nombreux. »


À Brest, une réalité affligeante » 


Un taux d'occupation de 198 %. 485 détenus pour 254 places au mois d'avril. - On a compté jusqu’à 89 matelas au sol précise le surveillant Nicolas Parra de FO justice.


Une affligeante et triste réalité », résume l'intersyndicale du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP).


Tous les signaux sont au rouge à la maison d'arrêt de Brest où la surpopulation carcérale épuise » les surveillants qui « n'en peuvent plus » de ne faire que de la garde alors que « leurs missions restent de garantir la sécurité et de permettre la réinsertion » : Si on tient, si on réussit à faire tourner la prison, c'est grâce à la solidarité qui nous relie entre collègues. » La directrice Stéphanie Bilger, jure relayer les difficultés au niveau interrégional. Mais elle n'a pas la main sur « les décisions qui se prennent au niveau national ».


Entre les « insultes quotidiennes », ils affrontent « un fléau », le trafic de stupéfiants qui ne cesse d'enfler. Les drogues se revendraient trois fois plus cher qu'à l'extérieur: «Certains, qui n'avaient jamais rien consommé, ressortent accros ». Dans une maison d'arrêt déjà sous tension, en plus « des détenus aux troubles psychiatriques qui accaparent l’attention, les surveillants dénoncent, aussi, les incarcérations pour abandon de chien, non-paiement des pensions alimentaires ou de timbres-amendes à 450 €.« Un détenu coûte 80 € par jour. Les condamnations à des mois de prison ferme pour ces infractions sont-elles la solution ? », questionnent les surveillants brestois en avançant une solution : la création d'un centre pénitentiaire.

OUEST-FRANCE - le 25 mai 2024

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