Trois rapports accablants sur la prison à Mayotte

À Mayotte, ce que dit le rapport accablant de la contrôleuse des lieux de privation de liberté

OUTRE-MER. « Suroccupation alarmante », « conditions d’hébergement indignes », « mise en péril de l’intégrité physique et psychique des détenus » : la contrôleuse générale ne mâche pas ses mots.

• Jérôme TALPIN.

En 2023, les équipes de la contrôleuse générale des lieux de privation de libertés (CGLPL), Dominique Simonnot, ont effectué des visites inopinées au centre pénitentiaire de Majicavo (Mayotte), qui a connu une émeute en septembre, au centre de rétention administrative de Pamandzi, dans les locaux de rétention administrative de Petite-Terre, ainsi que dans le service psychiatrie et aux urgences du centre hospitalier (CHM) de Mayotte.

La CGLPL déplore à la fois la « gravité des constats » et la « forte dégradation des conditions de privation de liberté » depuis la précédente mission, en 2016. Face à des « manquements et des atteintes aux droits en cascade », Dominique Simonnot a décidé d’alerter par courrier le premier ministre Michel Barnier.

Des détenus « livrés à eux-mêmes, mal nourris »

Partout, décrivent les contrôleurs, « les équipements sont aux mieux dégradés, aux pires inexistants ». À cela s’ajoute « une méconnaissance massive, et dans certains cas, systématiques, du droit en vigueur » chez les « titulaires du pouvoir de décision » et au sein des services. À Mayotte, où il existe des dérogations au droit commun pour les étrangers, Dominique Simonnot regrette que les missions de contrôle ont été « compliquées par l’inertie, voire la résistance des autorités policières et préfectorales ».

Au centre pénitentiaire de Majicavo, les taux de surpopulation carcéral étaient de 247 % au centre de détention et de 200 % dans la maison d’arrêt au moment de la visite des contrôleurs. Avec « 35 % de la population dormant par terre ».

« Largement livrés à eux-mêmes, mal nourris et mal vêtus, les détenus peinent d’autant plus à se percevoir comme sujets de droit qu’ils sont rarement traités comme tels », rapportent les contrôleurs. Ils précisent avoir reçu un « nombre incalculable de témoignages de détenus disant qu’ils n’ont jamais aucune réponse à leurs requêtes, écrites ou orales ». Les détenus « en conçoivent un sentiment d’amertume et d’abandon insuffisamment perçu par les autorités », conclut le document qui livre cinquante recommandations pour l’établissement pénitentiaire.

« L’accès aux soins somatiques est aléatoire et les possibilités de consultations psychiatriques pratiquement nulles », mentionne le document. Enfin, si les mineurs « sont pris en charge par des surveillants volontaires », l’intervention de la protection judiciaire de la jeunesse est jugée « erratique ».

« Persistance de pratiques particulièrement graves »

Au centre de rétention administrative de Pamandzi, dans les locaux de rétention administrative de Petite, les constats de la CGLPL sont encore plus « alarmants » qu’en 2016. Le rapport fustige « la persistance de pratiques particulièrement graves, telles que le rattachement purement fictif d’enfants à des adultes non apparentés dans le seul but de les éloigner. » Le 25 juin 2020, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour ce type de faits.

La CGLPL mentionne les nombreux cas de personnes « épuisées par la périlleuse traversée en kwassa-kwassa » qui sont placés dans un « local de tri sanitaire », soit « deux espaces grillagés évoquant des cages ». Un « lieu insalubre », sans accès à aucun point d’eau, avec un seul WC et où « l’odeur qui y régnait au moment du contrôle était nauséabonde ». Le rapport revient aussi sur les situations de « nombreuses personnes se prévalant de la qualité de parent d’enfant français et disposant des pièces d’identité françaises de leurs enfants » mais qui sont malgré tout éloignées. Ce qui laisse les enfants « sans document d’identité et souvent isolés à Mayotte ».

Au centre hospitalier de Mayotte, « la prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie s’est encore dégradée ». En tout, Mayotte compte dix lits d’hospitalisation dans cette spécialité pour plus de 321 000 habitants. Il n’existe aucun lit d’hospitalisation complète en pédopsychiatrie. Le rapport précise aussi que les conditions de séjour sont « matériellement indignes » et qu’elles « ne respectent ni la sécurité ni la vie privée des patients ».

Après ces contrôles, seul le ministre de la Justice, Didier Migaud a renvoyé ses « observations ». Le garde des Sceaux précise qu’une « politique volontariste de désencombrement » du centre pénitentiaire est menée, avec des transferts de détenus vers La Réunion ou l’Hexagone. Didier Migaud rappelle que la création d’un second établissement a été annoncée en mars 2022 prévus pour 400 places et que les recherches d’un terrain « sont en cours ».

OUEST FRANCE - le 28 novembre 2024

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