Dans ce centre, les détenus sont aidés à se réinsérer

NORMANDIE - À Caen, la Structure d'accompagnement vers la sortie (Sas), inaugurée en 2022 par Éric Dupond-Moretti, nous a ouvert ses portes. Elle aide les détenus à se réinsérer en société.


Reportage

De l'extérieur, la Structure d'accompagnement vers la sortie (Sas) à Caen (Calvados), ne fait en rien penser à un centre de détention, en ce jeudi après-midi. Pourtant l’enceinte est largement sécunsée et protégée.


Les hommes détenus circulent en autonomie à l'intérieur de certaines parties de l'enceinte avec des badges », rappelle Anne-Claire Feuillu, la directrice, une fois arrivée dans la salle de réunion, proche de son bureau. Mais pas question pour eux de sortir de l'établissement sans y être autorises et accompagnés „ soit pour un rendez-vous chez un médecin spécialiste, pour maintenir des liens familiaux, des démarches pour un retour à l'emploi ou des sorties culturelles collectives hors les

murs.


Dans l'enceinte de la Sas, se trouve aussi le bâtiment plus ancien du quartier de semi-liberté qui est aussi géré par la même directrice. « Les personnes qui y sont hébergées ont des aménagements de peine et peuvent sortir seules en journée mais doivent rentrer le soir ».


Retour en prison possible


Pour bénéficier d'une des 90 places à la Sas, il faut avoir été condamné à deux ans de prison maximum ou être à deux ans de la tin de peine, avoir un besoin d'accompagnement renforcé et ne pas présenter de pathologies psychiatriques. La personne doit montrer sa capacité à vivre en collectivité pour une meilleure réadaptation à la vie en société.


En cas d'agressivité, de violence d'incivilités, de bruit continue en cellule - « on a dû enlever les postes de radio » - ou autres comportements inadéquats, « elles repartent en détention au centre pénitentiaire à Ifs. C'est déjà arrivé. Même si elles s'investissent dans le processus de réinsertion, le relationnel peut parfois poser problème.


Le mot d'ordre ici c'est l'autonomisation avec l'objectif de leur redonner confiance. Les détenus, dont 50 % d'entre eux ont été condamnées pour des violences intrafamiliales et les autres pour vols, affaires de stupéfiants etc., doivent faire leur lessive, participer au ménage de leur cellule, se lever tôt pour des activités de sociabilisation préparant leur réinsertion.

Deux témoignages

« Désormais, je me sens prêt à sortir !

Ryan, 35 ans. a été incarcéré le 25 juin. pour violences infra-familiale et j'ai fait deux semaines à la prison d'Ifs. J'ai eu la chance d’aller rapidement à la Structure d'accompagnement vers la sortie (Sas) Il explique trouver ici des outils pour se sentir mieux, comme la sophrologie.

« Je ne connaissais pas et ça m'apaise. Tout ce qu'on fait là m'a permis de comprendre des choses et de retrouver un équilibre aussi bien au niveau de la santé que du travail.

Ryan bénéficie également de séances avec un psychologue via le centre médical intégré à la structure et a travaillé ses addictions à l'alcool et la drogue. Depuis un mois, il travaille a la bibliothèque. « Cela me responsabilise et je vois du monde. » Auparavant, il a pu bénéficier d'un contrat en insertion pour une entreprise recyclant des ordinateurs en fin de course. « Désormais, je me sens prêt à sortir ! »

« Pas dans une cage »

MILO

Milo, 23 ans, a été incarcéré à Ifs le 29 mars pour violences sur fond d'alcool « et je suis arrivé à la Sas en mai. Ici on se sent plus libre, on n’est pas dans une cage. »

Dès l'âge de 14 ans. Il a été placé en Centre éducatif renforcé (CER). Des structures pour accompagner des mineurs de 13 à 18 ans, placés par la justice et cumulant des difficultés familiales, sociale et des problèmes de santé importants. « Je trouve que les conditions étaient plus difficiles en CER. »

A la Sas, il s'occupe de la maintenance des bâtiments : « J'ai appris plein de choses. comme régler une chaudière et j'ai pris confiance en moi. Les surveillants ont plus de temps pour nous. »

Il avoue cependant avoir du mal avec le collectif - « mais ici j’apprends. Même si je me suis bastonné une fois à la Sas, on m'a donné une seconde chance. » Il sort dans quelques jours et va entrer en chantier d'insertion en espaces verts. « Je suis confiant. »

Ici, plusieurs détenus travaillent à mi-temps comme auxiliaire pour le ménage, le service des repas, le jardinage des espaces verts. la maintenance des bâtiments.


On quitte la salle de réunion, direction la plateforme d'insertion et de préparation à la sortie. Juste à gauche d'un long couloir, le bureau du surveillant pénitentiaire. Chaque détenu avant de pratiquer une activité doit y déposer sa fiche d'identité.


« C'est aussi l'occasion de discuter avec eux. Ici, on a plus le temps d'échanger qu'en prison classique », explique un des trente-trois agents pénitentiaires surveillant la Sas et du quartier de semi-liberté.


« Ils nous disent qu'ainsi ils se sentent comme une personne à part entière et pas uniquement un numéro d'écrou. Et c'est nouveau pour eux », indique Anne-Claire Feuillu. De quoi aussi mieux verbaliser leurs attentes et angoisses.


Dans la salle de sport juste en face du bureau, deux personnes jouent au ping-pong. Une dizaine d'autres détenus sortent d'une salle en discutant.


Ils y suivent une formation numérique financée par la Région. Un peu plus loin, la bibliothèque, une salle cultuelle et une autre dédiée à une institutrice qui vient une demi-journée par semaine.


« Merci de nous aider »


Au moment de quitter l'endroit, un détenu interpelle spontanément la directrice : « Pendant quinze jours, je vais être en immersion dans un commerce. Mon CV a plu au directeur, raconte, **avi, le quadragénaire qui aura purgé sa peine dans peu de temps : « J'ai fait deux ans de prison. Mais ici au Sas, on a des intervenants qui sont vraiment là pour nous. Merci de nous aider comme ça sourit le détenu en repartant.


La visite se poursuit au rez-de-chaussée d'un des trois bâtiments d'hébergement qui pour des questions de sécurité ne sont pas reliés entre eux. Dès l'entrée un bureau de surveillant, un coin salon avec un baby-foot où deux personnes y lisent le journal. Un point laverie et sèche-linge, un local ménage pour les détenus.


Cellules non verrouillées


Un peu plus loin le portique d’accès aux cellules. Toutes s'étalent le long d'un grand couloir coloré de jaune. Aucune n'est verrouillée. À gauche, au bout du couloir : une table rectangulaire et dix chaises pour manger ensemble s'ils le veulent. Sinon, ils prennent leur repas dans leur cellule où ils ont douche, WC, plaque électrique. Mais aussi la télévision et un réfrigérateur qu'ils louent à petits prix. « Pour ceux n'ayant pas assez d'argent, ils bénéficient d'une aide de l'administration pénitentiaire. Mais, ils n'ont pas droit au portable. Ils ont un téléphone dans leur cellule pour appeler familles et amis. Toutes leurs conversations sont écoulées. Ils en sont informés ».


La visite s'achève dans le jardin planté de pommiers. Un espace vert, comme une respiration vers une vie de réinsertion.

Nathalie TRAVADON

Respir

C'est l'un des deux programmes mis en place par la Sas dès novembre 2024 pour apprendre à se relaxer et mieux maitriser ses émotions. L'autre, c'est Adere : il sera animé par le Service pénitentiaire d'insertion et de probation du Calvados (Spip) pour travailler sur les raisons du passage à l'acte et éviter les récidives.

42 

C'est le nombre de détenus accueillis à la Sas. D'ici à quelques semaines, les travaux de ce nouvel établissement seront terminés et 90 détenus en tout, venant d'autres régions, et pas uniquement d'Ifs, y seront hébergés. Et vingt-trois personnes logent au quartier de semi-liberté.

OUEST FRANCE - le 21 octobre 2024

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