« Les colis atterrissent au pied des fenêtres des détenus »


À Tulle (Corrèze) s’ouvre un procès emblématique du phénomène de survol des prisons par des drones.

• Franck Lagier


« Les drones, c’est devenu un fléau. » Pour Julien Dubois, syndicaliste à l’Ufap-Unsa-Justice, rares sont les semaines où ces engins télécommandés ne survolent pas le centre de détention d’Uzerche, où il travaille. Le procès qui se tient ce jeudi à Tulle (Corrèze) est emblématique de la recrudescence de cette pratique partout en France. Quatre hommes et une femme vont être jugés pour « trafic de stupéfiants », « remise illicite d’objets à des détenus », « survol de zones interdites » et « blanchiment ». Des faits passibles de dix ans d’emprisonnement.

Ils avaient organisé des livraisons de colis, contenant téléphone et drogue à destination des détenus. « Une association de malfaiteurs structurée », selon le parquet de Tulle, qui a agi un peu partout, à Uzerche, mais aussi à Saint-Mihiel, Metz, Vivonne, Fresnes, Épinal, Bois-d’Arcy, Tarbes, Châteauroux… Certains paquets ont également été livrés en Belgique. Dans la nuit du 8 au 9 janvier 2023, des surveillants découvrent plusieurs colis, largués par des drones, contenant des stupéfiants et des téléphones portables. La gendarmerie, appelée sur place, diligente alors une enquête. Elle découvre l’existence de plusieurs équipes en France, gérées par un compte Snapchat, « drone2france ». La tête de l’organisation centralisait les commandes passées par les détenus au moyen de téléphones recelés.

« Une petite entreprise »

Après plusieurs mois d’investigation, les enquêteurs de la section de recherches de Limoges et du groupement de la Corrèze interpellent, le 4 décembre, huit individus impliqués dans ce réseau, notamment en région parisienne et dans les Hauts-de-France. Les trois principaux auteurs ont été placés en détention. « C’était une petite entreprise qui marchait pas si mal, mais une entreprise totalement illégale », résume M e Martin Méchin, dont le client était chargé de faire le guet près des maisons d’arrêt.

En 2023, face à la recrudescence des survols, un brouilleur de drones a été mis en place au centre de détention d’Uzerche. « Mais certains arrivent encore à passer quand les fréquences sont modifiées, assure le syndicaliste Julien Dubois. Les colis atterrissent au pied des fenêtres et les détenus arrivent à récupérer la marchandise grâce au système du yo-yo, des draps auxquels ils accrochent une fourchette. Aucune arme pour l’instant n’a été livrée par ce biais, seulement des chargeurs de téléphone, des téléphones portables et des stupéfiants… »

Pour le représentant syndical, il est de toute façon impossible de tout surveiller. « Lorsqu’on arrive, il est souvent trop tard. La livraison se fait à n’importe quelle heure et de manière très rapide. Jusqu’à présent, les caméras extérieures pouvaient capter des personnes qui lançaient des objets par-dessus l’enceinte. Mais là, ils peuvent se mettre beaucoup plus loin pour piloter le drone et sont, de fait, indétectables. »

Julien Dubois affirme qu’en fin d’année, avant les interpellations, des livraisons avaient lieu 2 à 3 fois par semaine. « On a eu un creux depuis, mais ça repart. On a en ce moment environ une livraison par semaine. »

Aujourd’hui en France - le 1er février 2024

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