"L’incarcération est une épreuve pour la famille"… À la prison d’Albi, des bénévoles accueillent les proches de détenus avant le parloir

Visages fermés, un sac d’affaires sous le bras, Louise* et son mari pénètrent sur le site de la maison d’arrêt d’Albi, accompagnés d’un surveillant pénitentiaire, en empruntant un long tunnel grillagé qui les amène jusqu’à une petite bâtisse : la maison d’accueil de La Béluga. Ce couple de retraités albigeois vient rendre visite à leur fils, qui purge une peine de prison à Albi suite à une condamnation pour agression sexuelle.


 Christophe Guguen

"L’incarcération affecte les proches, psychologiquement et matériellement. La famille n’est pas responsable mais c’est une épreuve aux effets démesurés", explique Annette Ablana, présidente de l’association La Béluga ("l’étincelle" en occitan), qui est de permanence ce jour-là à la maison d’accueil en binôme avec un autre bénévole, René.

 

Les familles accèdent à l’établissement pénitentiaire par un long tunnel grillagé qui les amène à la maison d’accueil. DDM - C.G

Arrivés en même temps que Louise et son mari, un couple d’agriculteurs de Castres et plusieurs jeunes femmes patientent eux aussi à l’intérieur de la maison d’accueil. Ils restent silencieux pour la plupart, buvant un café offert par les bénévoles ou se contentant de pianoter fébrilement sur leurs téléphones portables, en attendant le retour du surveillant qui les conduira jusqu’à leurs proches incarcérés. "Il faut savoir être à l’écoute, parfois un sourire suffit", souligne René, ancien enseignant.

 

Avant le parloir, un surveillant pénitentiaire récupère les affaires amenées par la famille pour les passer au contrôle. DDM - Marie-Pierre Volle

Car l’attente peut être particulièrement stressante. "On ne sait pas comment on va trouver la personne qu’on vient voir, ce qui s’est passé en détention. On voit parfois des personnes complètement démolies quand elles repartent", confie Annette. D’où le travail salutaire des bénévoles de La Béluga, pour soutenir et informer les familles, désamorcer d’éventuelles tensions et faire le lien avec les surveillants. Plus de 5000 personnes ont ainsi été accueillies l’année dernière.

 

Les bénévoles de La Béluga, ici Annette et René, se relayent en binôme chaque jour de parloir. DDM - Marie-Pierre Volle

"Il s’agit d’un partenaire historique et très précieux pour l’établissement. L’implication de tous ses bénévoles est absolument remarquable, avec une excellente qualité d’accueil qui favorise le bon déroulement des parloirs, explique le chef de la maison d’arrêt, Patrick Migliaccio. Ils contribuent à la réinsertion des personnes détenues, en maintenant des liens familiaux et amicaux essentiels".

Au sein de la maison d’accueil, un panneau d’affichage et plusieurs dépliants proposent une mine d’informations pratiques aux visiteurs du jour : les horaires et modalités des parloirs, le type d’affaires qu’ils sont autorisés à amener, les démarches administratives à accomplir suite à une incarcération ou encore les différentes façons d’aborder le sujet de la détention avec les enfants.

 

À l’heure prévue, un surveillant vient chercher les familles à la maison d’accueil pour les amener au parloir. DDM - Marie-Pierre Volle

Un coin jeu est d’ailleurs aménagé pour les plus petits dans la salle d’attente de La Béluga. Les détenus de la maison d’arrêt d’Albi, en attente de leur procès ou qui purgent de courtes peines, sont uniquement des hommes, en majorité assez jeunes. Ce sont donc les compagnes qui viennent le plus souvent aux parloirs, accompagnées ou non de leurs enfants. "Elles sont méritantes. Elles gardent parfois les problèmes quotidiens pour elles", explique Annette. La bénévole cite l’exemple d’une jeune maman qui se retrouve contrainte à élever seule son enfant, sans source de revenus, ou encore cette femme plongée dans les soucis financiers, à qui le conjoint détenu a fait une scène au parloir pour qu’elle lui achète une paire de baskets neuves à 200 €…

 

La salle des parloirs au sein de la maison d’arrêt d’Albi. DDM - Emilie Cayre

Les familles doivent aussi gérer la pression sociale liée à l’incarcération d’un proche. "Beaucoup ne veulent pas que les enfants et l’entourage le sachent", poursuit Annette. C’est le cas pour Louise et son mari. "C’est assez lourd à porter, confie la retraitée. Dans ma famille, personne n’est au courant, je mens, je le garde pour moi. Je l’ai très mal vécu ».

La Dépêche du Midi - le 20 mai 202

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