Prison : une réforme des extractions judiciaires pour protéger les surveillants

 Un accord a été signé ce jeudi entre la Chancellerie et les agents de la pénitentiaire pour fixer le calendrier de ces évolutions, qui font suite à l’évasion sanglante de Mohamed Amra.


• Paule Gonzalès

Droit de suite. La Chancellerie a signé ce jeudi, avec les organisations syndicales de surveillants de prison, le protocole d’accord qui engage la réforme des extractions judiciaires. Cette dernière, prévue à droit constant, est une réponse à l’évasion sanglante de Mohamed Amra - alias « La Mouche » -, le 14 mai dernier, au péage d’Incarville. Elle a coûté la vie à deux agents de la pénitentiaire, l’usage d’un bras à un troisième tandis qu’un autre agent est toujours hospitalisé.

Le recours à la visioconférence ou au déplacement des magistrats en détention, pour les détenus les plus dangereux, demeure le nœud gordien de la négociation. Si les magistrats ont laissé la porte ouverte pour en assouplir l’usage, ils en ont aussi exposé les limites. De quoi susciter l’ire de FO-pénitentiaire, qui a publié un tract d’une violence extrême, accusant de façon à peine voilée les juges de n’avoir pas averti la pénitentiaire de la dangerosité de Mohamed Amra : « Qui savait et n’a rien dit. Qui savait et n’a rien fait, qui est responsable d’avoir conduit nos collègues à la mort », a tempêté le syndicat, vendredi dernier, en marge d’un comité social d’administration à la Chancellerie. De quoi scandaliser le corps judiciaire et acter une défiance de fort mauvais alois. Les nouvelles élections changent en tout cas la donne sur d’éventuelles modifications législatives.

Le protocole d’accord signé ce jeudi prévoit d’accéder à des revendications parfois très anciennes des surveillants. Il concerne tout d’abord la banalisation « d’une grande partie du parc de véhicules » - 75 % minimum - d’ici à fin décembre. Fini donc les fourgons pénitentiaires sérigraphiés qui équivalent à mettre « une cible dans le dos des agents », ont dénoncé les organisations syndicales. La Chancellerie promet aussi de faire un effort pour augmenter « le nombre de véhicules légers » pour les missions les moins exposées et, parallèlement, d’augmenter le nombre de SUV pour affronter plus efficacement les malfrats équipés de grosses cylindrées. Une mise à niveau intégrale est prévue pour 2027. En revanche, la Chancellerie a été obligée de botter en touche quant aux véhicules blindés, car la loi ne les autorise que pour le transport de valeurs comme de fonds.

La Chancellerie s’est également engagée à une « dotation rapide en armes longues et armes d’épaules automatiques » au bénéfice des agents des pôles de rattachement des extractions judiciaires. Elle promet un « plan de formation y afférant ainsi que l’élaboration d’une doctrine d’emploi ». La formation de 1 200 surveillants à l’armement ne devait débuter qu’en 2025. D’une durée de huit mois, elle ne permettra pas à ces effectifs d’être opérationnels avant mai 2026. La Chancellerie maintient la date de début des formations mais s’engage à doter les PREJ de ces armements courant 2025. Elle s’est aussi engagée au déploiement immédiat et à la généralisation des holsters de cuisse ou de poitrine dès cet été. Ainsi qu’à celui du Taser et de la caméra piétonne, en cours d’expérimentation.

Par ailleurs Éric Dupond-Moretti a promis d’accélérer le déploiement des dispositifs antidrones et des brouilleurs de téléphones. D’ici à fin 2025, un peu moins de la moitié des établissements pénitentiaires devraient en être équipés. Est évoqué avec plus de réticences le recours aux chiens spécialisés dans la recherche de stupéfiants. Le relevé de conclusion propose d’« expertiser la possibilité de doter chaque établissement d’un chien en spécialité stupéfiants ». Une expérimentation est en cours au centre pénitentiaire d’Aix-Luyne pour des missions de sécurisation périmétrique. Il est cependant peu probable, pour des raisons politiques et symboliques, que la Chancellerie accepte la présence de chiens en détention.

Accès au fichier Genesis d’ici à 2025

Mesure en revanche essentielle pour les personnels pénitentiaires, l’accès au fichier Genesis - le logiciel de traitement des données sur les détenus -, d’ici à 2025, par les pôles d’extraction judiciaire. Jusqu’à présent ces derniers n’ont accès qu’aux fiches pénales qui renseignent peu sur la dangerosité des détenus, comme insiste l’association des magistrats instructeurs.

Trois points d’achoppement à noter toutefois : celui des escortes panachées de surveillants armés et non armés. À ce stade, la Chancellerie s’y refuse absolument. De même, elle n’entend pas renoncer aux escortes à deux surveillants. Par ailleurs, le relevé de conclusion prévoit de limiter les extractions médicales par l’usage de la télémédecine. Un vœu pieux, car il faudra auparavant négocier avec le ministère de la Santé.

Il faudra également négocier avec le ministère de l’Intérieur, pour convaincre Beauvau d’épauler les escortes de niveau 3 - celle de Mohamed Amra - par des forces de gendarmerie et de police. Un dispositif forcément lié à la disponibilité des effectifs à la main des préfets.

Enfin, le rétablissement des fouilles au corps au sortir des parloirs, qui impose une évolution législative, n’est pas à l’ordre du jour. « Cela signifie que nous continuerons les fouilles sectorielles coup de poing », prévient un représentant syndical, qui rappelle au passage « qu’en 2023, ce sont 53 000 téléphones portables qui ont été saisis en détention ». Enfin, en ces temps législatifs troublés, la grande concertation sur la surpopulation carcérale reste imprécise. P. G.

Le Figaro - le 14 juin 2024

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