Plusieurs bâtonniers franciliens demandent au ministère de la justice d’agir, anticipant une hausse des incarcérations pendant la quinzaine olympique alors que les prisons françaises sont déjà surpeuplées.
Avant les Jeux, doit-on désengorger les prisons ?
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 31, 2024
Plusieurs bâtonniers franciliens demandent au ministère de la justice d’agir, anticipant une hausse des incarcérations pendant la quinzaine olympique alors que les prisons françaises sont déjà surpeuplées. @LaCroix pic.twitter.com/t78KRQmwXx
« Dans certaines prisons, les détenus s’entassent à quatre dans des cellules prévues pour deux personnes. » Dans une lettre ouverte, adressée au ministère de la justice début avril, plusieurs bâtonniers franciliens ont dénoncé le taux d’occupation des prisons en France, à quelques semaines des Jeux olympiques de Paris 2024. Ibrahima Boye, avocat dans l’ Essonne , tire la sonnette d’alarme : « Les prisons sont pleines, il faut agir vite. Les JO arrivent et on nous promet un été avec plus de délinquance que sur un été normal. Cela veut dire qu’il y aura besoin de plus de places en prison alors que les cellules sont déjà surchargées », détaille le bâtonnier du département qui abrite la prison de Fleury-Mérogis, la plus grande d’ Europe .
Le rapport annuel du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), publié le 15 mai dernier, le confirme : avec 77 450 détenus pour 61 570 places, la surpopulation carcérale s’est encore aggravée en 2023. Le taux d’occupation moyen des maisons d’arrêt dépasse ainsi 150 %, avec des pics à 250 %. « On a vu des cellules collectives de quatre lits occupés par sept personnes dans lesquelles l’espace disponible atteint 1,07 m2 par personne », décrit le rapport.
« Pendant toute la période olympique, 15 à 16 millions de visiteurs sont attendus dans la capitale. Cela entraînera de fait plus d’interpellations, de faits de délinquance et donc d’incarcérations », rappelle Me Fabien Arakelian , vice-président du barreau des Hauts-de-Seine et signataire de l’appel. « Je n’envisage même pas l’état de nos centres de détention, de nos maisons d’arrêt avec des incarcérations qui vont se multiplier ». « Mécaniquement, quand le garde des sceaux dit qu’il faut mettre en place une politique pénale déterminée avec des réponses rapides, en termes juridiques, ça signifie des audiences de comparution immédiate qui vont se multiplier et dans les audiences de comparution immédiate, le risque d’incarcération est très important », précise ce dernier.
Pourtant, la quinzaine olympique, si elle attire un flux massif de visiteurs et donc augmente le risque de délinquance, ne dure qu’une courte période. Suffisant pour inquiéter la profession ? « On se sert d’un prétexte, en l’occurrence les JO, pour alerter sur la situation carcérale française. C’est bien, mais dans les faits, le laps de temps qu’occupent les Jeux ne sera pas suffisamment long pour enclencher une arrivée massive de nouveaux détenus », pronostique, circonspect, un avocat du barreau de Paris . « On ne surfe pas sur l’effet JO pour alerter. Ces dernières années, nous avons multiplié les appels en ce sens, rétorque Me Arakelian . Nous assumons le fait d’évoquer à nouveau cela, avec l’arrivée d’un tel événement qui, forcément, va contribuer à amplifier le phénomène. »
Pour pallier cette surcharge redoutée, les avocats d’ Île-de-France en appellent désormais à la jurisprudence Covid. Au plus fort de la crise sanitaire, une réduction supplémentaire de la peine d’un quantum maximum de deux mois, liée aux circonstances exceptionnelles, avait pu être accordée par le juge d’application des peines. Furent exclus du dispositif les personnes condamnées et écrouées pour des crimes, des faits de terrorisme ou toute personne ayant eu un comportement de mise en danger des autres détenus ou du personnel pénitentiaire. Ces mesures prises avaient permis une décrue historique du nombre de détenus en France. Du 15 mars au 6 mai 2020, les prisons avaient perdu 12 793 personnes, le taux d’occupation descendant à 98 % (59 782 détenus pour 61 109 places) contre 119 % au début de la crise sanitaire, selon les chiffres de l’Observatoire international des prisons (OIP).
« Notre propos n’est pas de dire qu’il faut faire de la place, mais d’alerter sur l’état de nos prisons. La détention provisoire n’est pas l’alpha et l’oméga de la justice, assure Me Arakelian . Je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut vider les prisons de dangereux délinquants. Il faut juste prévoir d’autres paradigmes. »
Benjamin Bousquet
LA CROIX - le 30 mai 202