A la prison, téléphones portables et drogue à gogo

Dix kilos de drogue et 400 téléphones portables ont été saisis en 2023 à la maison d'arrêt d’Angers (Maine-et-Loire), après des livraisons par projections ou directement dans les cellules.



Les écoutes sidérantes du détenu Mohamed Amra. libéré lors de l'attaque mortelle d'un fourgon pénitentiaire, le 14 mai, dans l'Eure, et qui gérait depuis sa prison ses activités criminelles grâce à plusieurs téléphones portables. ont mis en avant la prolifération des téléphones portables en prison.


Le constat, c'est que ça entre à plein régime dans les cellules et on ne découvre pas tout », commente Anthony, surveillant et représentant du syndicat UFAP-UNSA.


A la maison d'arrêt d'Angers, les chiffres donnent le tournis, Selon nos informations, sur l'année 2023, dix kilos de drogue et plus de 400 téléphones ont été saisis. après avoir été introduits soit par projection au-dessus de l'établissement pénitentiaire, soit directement dans les cellules. « On sait que certains gèrent leur business depuis l'intérieur. Ils se cachent pour téléphoner -, confie une source policière. L'an dernier, en France, 53 000 téléphones et accessoires ont été saisis.


Des téléphones à plus de 1000 €


Sur les dix kilos de drogue, 4,5 kg sont récupérés par projection.« On a aussi récupéré 150 téléphones projetés. Ils sont en général placés entre deux éponges et entourés d'un ruban adhésif indique Anthony.


Sur les cinq derniers mois, . nous sommes déjà à plus de 2 kg au-dessus par rapport aux cinq premiers mois de l'année dernière. Et les téléphones, on approche déjà les 200, détaille le surveillant.


Sur la qualité des téléphones. il y a de tout, « On peut trouver des petits téléphones qui permettent de passer les portiques de sécurité sans qu'ils sonnent, mais aussi des smartphones à plus de 1 000 €, confie une source judiciaire.


Face à ce phénomène, les surveillants se sentent impuissants « Ce phénomène est bien évidemment inquiétant. Nous sommes aussi tombés sur des morceaux de viande, mais aussi des couteaux et des armes. Tout ça met en insécurité les détenus, mais aussi le personnel pénitentiaire », explique le représentant syndical angevin.


Pas de brouilleur à Angers


Pour tenter d'enrayer le phénomène, le ministère de la Justice avait lancé deux projets, notamment l’installation de téléphones fixes dans chaque cellule, avec des numéros enregistrés.


Ces téléphones permettent aux détenus d'appeler leurs familles, de garder un lien avec l'extérieur et les conversations sont mises sur écoute. Les détenus paient leur facture.


L'autre projet consiste à installer des brouilleurs. Mais seulement 20 % des établissements pénitentiaires sont équipés, en France. La maison d'arrêt d'Angers rie bénéficie pas de ce brouilleur. Ce qui explique, peut- être. l'explosion des saisies.


On se sent impuissant. On ne nous donne pas les moyens de faire les choses, lâche Anthony.. On peut choper un ou deux téléphones mais le lendemain, ça revient encore et encore. Depuis des années, nous demandons à l'administration l'installation de ces brouilleurs et ça ne coûte pas des milliers d'euros. En attendant, on préfère mettre trois millions d'euros pour rénover une façade intérieure de la maison d'arrêt d'Angers qui va fermer ses portes parce qu'on va en construire une nouvelle ! » Contactée, l'administration pénitentiaire n'a pas donné suite à nos sollicitations pour éclairer ses arbitrages.


Un nouveau centre pénitentiaire doit voir le jour près d'Angers. fin 2027. Doté d'une capacité de 850 places (790 pour les hommes et 60 pour les femmes), ce nouvel équipement viendra remplacer l'actuelle maison d'arrêt d'Angers, datant de 1856 et largement sous-dimensionnée (449 détenus pour 266 places). Et sera bien évidemment équipé de brouilleurs...

Maël FABRE.

OUEST-FRANCE - le 7 juin 2024

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