À Mauzac, « la vie en détention est très différente »

Documentaire. Construite en forme de village, « la prison Badinter » à Mauzac (Haute-Garonne) est un centre de détention unique, semi-ouvert, fondé sur le suivi thérapeutique et le retour en société.


Entretien

Djamel Zaoui, coréalisateur avec Miguel Sanchez-Martin de Nos voisins les détenus.


Quelle est la particularité de la prison de Mauzac ?

Mauzac (Haute-Garonne) est atypique dans le paysage carcéral français. Elle a la réputation d’être la prison la plus demandée de France, par les détenus, mais aussi par les gardiens. La vie en détention y est très différente. Il n’y a pas d’agressivité au quotidien, gardiens et détenus se saluent. Ces derniers se déplacent librement hors de leur cellule durant la journée. La prison ressemble à un village avec des « pavillons » de douze cellules individuelles, une cuisine commune, des jardinets à cultiver, une place, un terrain de pétanque, une bibliothèque ou encore une ferme horticole.

Dans l’une de ses dernières interviews, Robert Badinter revient sur ce dispositif qu’il a instauré.

À l’origine de cette expérience lancée en 1986, Robert Badinter, alors ministre de la Justice, avait la conviction que la peine de prison devait aussi préparer la sortie, la réinsertion, pour éviter la récidive et la désocialisation. En responsabilisant, d’abord, et en donnant le maximum d’autonomie et de choix dans l’espace fermé de la prison. Les détenus établissent un « parcours de peine », avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip). Ils y reprennent études, formation, travail, mise à niveau. Certains ne se sont quasiment jamais servis d’un ordinateur. Pendant leur incarcération, la société a changé.

Comment fonctionne le suivi thérapeutique ?

Initialement destiné aux courtes peines, Mauzac accueille désormais, en majorité, des auteurs d’infractions à caractère sexuel, souvent en fin de peine. Tous les milieux sociaux sont représentés. Le suivi thérapeutique est le pilier central du dispositif et c’est au détenu de s’en saisir. On ne vient pas le chercher dans sa cellule. Il s’y rend lui-même. Le travail thérapeutique passe par la reconnaissance des faits, des victimes, de la responsabilité, de la réparation, de l’indemnisation. Le centre de Mauzac a notamment développé une thérapie avec des chevaux en 2020.

Et après la sortie ?

Contrairement aux idées reçues, le taux de récidive des détenus est très faible. Moins de 5 % pour les auteurs de crimes sexuels intrafamiliaux, qui constituent 80 % des infractions sexuelles. À leur sortie, le suivi thérapeutique continue, entre cinq et quinze ans dans les UMPJ (Unité médico-psycho-judiciaire). La grande majorité des auteurs de crimes sexuels ne sont pas de grands prédateurs. Ces derniers sont très rares mais on retient leurs noms dans les médias.

En 2018, le gouvernement annonçait de nouvelles prisons semi-ouvertes…

Le plan pénitentiaire a prévu la construction de nouvelles prisons semi-ouvertes. Mais les projets se heurtent à la résistance d’élus et de citoyens. À Mauzac et Casabianda-Aléria (Corse), l’unique autre centre pionnier dit « ouvert », l’expérience se prolonge et les incidents sont rares.

Public Sénat, 9 h 30 (en replay sur LCP.fr), suivi d’un débat à 10 h 20, animé par Rebecca Fitoussi : Faut-il revoir le modèle carcéral ?

OUEST-FRANCE - le 19 mai 2024

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