La densité carcérale globale s’établit aujourd’hui en moyenne à 124,6 %, obligeant plus de 3 000 détenus à dormir sur des matelas à même le sol.
La surpopulation carcérale à un niveau sans précédent, en moyenne à 124,6 %, obligeant plus de 3 000 détenus à dormir sur des matelas à même le sol. @laprovence pic.twitter.com/8HzvUfC7za
— framafad paca corse (@WaechterJp) March 30, 2024
Avec 76 766 détenus au 1er mars, la surpopulation carcérale a atteint un niveau sans précédent en France, selon des chiffres publiés hier par le ministère de la Justice, contraignant notamment 3 099 détenus à dormir sur un matelas posé à même le sol de leur cellule. C’est le sixième mois consécutif que la population carcérale augmente. En un an, le nombre de détenus a progressé de 6,1 %. Au 1er mars, les capacités des prisons françaises étaient de 61 629 détenus. La densité carcérale globale s’établit à 123,2 %, soit 3,2 % de plus qu’il y a un an. La densité carcérale globale s’établit à 124,6 % mais dans les maisons d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement, et donc présumés innocents, et ceux condamnés à de courtes peines, elle atteint 148,7 %. Elle atteint ou dépasse même les 200 % dans 12 établissements ou quartiers.
Parmi les personnes incarcérées, 20 220 sont des prévenus, incarcérés dans l’attente de leur jugement. Au total, 93 708 personnes étaient placées sous écrou au 1er mars. Parmi elles, on compte 16 942 personnes non détenues faisant l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur. Face à cette surpopulation carcérale chronique, le Conseil de l’Europe a exprimé à la mi-mars sa "profonde préoccupation". En juillet dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné la France pour ses conditions "indignes" de détention. Preuve que le problème est ancien, la CEDH avait déjà épinglé Paris en 2020 pour la surpopulation de ses prisons.
15 000 nouvelles places
Les autorités françaises ont pris des mesures pour tenter de remédier à la surpopulation carcérale : interdiction des peines de prison de moins d’un mois, aménagement des peines, détention à domicile sous surveillance électronique ou développement du travail d’intérêt général par exemple. Mais celles-ci s’avèrent insuffisantes. Le Conseil de l’Europe a notamment invité les autorités françaises à "examiner sérieusement et rapidement l’idée d’introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale". Le gouvernement table toujours sur la construction de 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027 pour résorber le problème. Pour le syndicat du personnel pénitentiaire UFAP-Unsa, "la livraison globale des 15 000 places supplémentaires programmée d’ici 2027 ne permettra pas à la direction de l’administration pénitentiaire de tenir son objectif de 80 % d’encellulement individuel". "À ce rythme-là, la livraison de 15 000 places supplémentaires ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau", a prévenu le syndicat.
Au 1er mars, le taux d’encellule-ment individuel était seulement de 39 %. "Si les conditions de détention sont grandement impactées par cette surpopulation chronique, les conditions d’exercice de tous les personnels pénitentiaires s’en trouvent gravement dégradées", a également fait valoir le syndicat. Au début de l’année, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) et 34 autres associations, syndicats et institutions avaient demandé au gouvernement de se résoudre à mettre en place un "dispositif contraignant de régulation de la population carcérale"… sans que leur demande soit suivie d’effets.
Cette situation expose les détenus, comme les personnels, à des conditions de détention marquées par des tensions quotidiennes, la promiscuité et des risques de violence accrus.„
L’automne dernier, la Cour des comptes avait relevé dans un rapport que la surpopulation carcérale "persistance" pèse sur la politique d’exécution des peines d’incarcération qui coûte "environ quatre milliards d’euros" par an. Le fonctionnement actuel du système carcéral "n’est pas satisfaisant", estimait la Cour en soulignant que "cette situation expose les détenus, comme les personnels, à des conditions de détention marquées par des tensions quotidiennes, la promiscuité et des risques de violence accrus". Le phénomène ne semble pas sur le point de s’inverser. À l’approche des Jeux olympiques de Paris, les autorités affichent un objectif "zéro délinquance" et les juridictions se préparent à multiplier les audiences de comparution immédiate, à l’origine d’un nombre important d’incarcérations.
La Provence - le 30 mars 2024