Face à la surpopulation carcérale, la perspective d’incarcérations liées à la « surdélinquance » attendue inquiète
Les Jeux olympiques mettent la pression sur les prisons
— framafad paca corse (@WaechterJp) May 22, 2024
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• Marie-Amélie Lombard-Latune
Emmanuel Macron rendra mercredi un hommage national aux deux surveillants tués mardi 14 mai dans l’Eure. La plupart des demandes de l’intersyndicale, portant notamment sur la sécurité des escortes, ont été actées jeudi 16 mai par le ministre de la Justice, quarante-huit heures après l’attaque meurtrière du fourgon cellulaire transportant Mohamed Amra. LA PERSPECTIVE DES JEUX OLYMPIQUES a de quoi donner quelques sueurs froides au garde des Sceaux. La Chancellerie doit en effet tenter de résoudre une équation à diverses inconnues. L’arrivée de plus de quinze millions de visiteurs pour les JO va générer ce qu’on appelle pudiquement une « suractivité judiciaire », soit une délinquance liée à cet afflux de touristes et d’événements sportifs dont le volume est difficile à quantifier. Autre incertitude de taille, l’éventuelle survenue d’un autre événement d’ampleur qui pourrait venir augmenter l’activité pénale. Des émeutes urbaines par exemple. Or, en bout de chaîne, ce sont les prisons, déjà totalement engorgées, qui auraient à accueillir de nouveaux détenus.
L’objectif est résumé par un haut magistrat de la région parisienne : « Il faut éviter de faire sauter le bouchon pénitentiaire pendant les Jeux ». Depuis l’attaque sanglante du fourgon transportant Mohamed Amra, la tension est montée d’un cran. Face à des surveillants sous le choc et en sous-effectifs chroniques, le ministère de la Justice, qui a accédé à leurs revendications immédiates sur les transferts de détenus et permis la levée des blocages en 48 heures, sait que ce n’est pas le moment d’ajouter des motifs de fébrilité.
La délinquance d’opportunité lors des Jeux est assez prévisible : des infractions liées à la billetterie, aux hébergements, des contrefaçons. Elles ne conduiront a priori pas en prison. En revanche, un clandestin, multirécidiviste de la vente de tickets de métro à la sauvette peut, lui, être écroué. Tout comme les membres d’une bande violente de détrousseurs de touristes. Or la plupart des prisons de la région parisienne affiche des taux d’occupation frôlant déjà les 200%, avec parfois jusqu’à trois matelas au sol dans une même cellule.
Depuis des mois, Eric Dupond-Moretti martèle un double message : celui de la fermeté de la réponse pénale et du renfort en magistrats et greffiers. En effet, les juridictions ont été bien dotées : la moitié de la promotion sortante de l’Ecole nationale de la magistrature a été affectée dans les tribunaux dont l’activité va immanquablement grimper cet été. Les dix-sept juridictions les plus concernées ont ainsi vu arriver 182 magistrats et 294 greffiers, dont, respectivement 60 et 185 pour la Cour d’appel de Paris, selon les chiffres de la Chancellerie. Fin juillet-début août, les audiences de comparution immédiate seront renforcées. En toute logique, des mandats de dépôt seront délivrés.
Malfaçons. Cette potentielle thrombose des prisons a été anticipée par la Cour d’appel de Versailles (qui compte Nanterre, Pontoise et Versailles dans son ressort). Sous la direction de son premier président, Jean-François Beynel, magistrats du siège et direction interrégionale des services pénitentiaires ont tenté de résoudre la quadrature du cercle. Pas question, pendant les JO, de baisser la garde : si besoin en est, des peines fermes seront prononcées. En revanche, leurs modalités d’exécution peuvent éviter un passage par la case prison. Un condamné pourra ainsi être placé sous bracelet électronique, être envoyé dans un centre de semi-liberté ou encore être contraint à un « TIG (travail d’intérêt général) JO ». A condition – la consigne est claire – que ces mesures soient d’exécution immédiate. « La fermeté de la réponse reste, la peine est visible mais son exécution n’aggrave pas la surpopulation carcérale », résume l’une des chevilles ouvrières du dispositif qui a reçu l’approbation du ministère et pourrait inspirer d’autres juridictions. La crainte d’émeutes urbaines, un an après la mort du jeune Nahel à Nanterre, qui avait provoqué la flambée de violences au début de l’été, est ouvertement exprimée.
Place Vendôme, où le sujet est sur la table depuis des mois, Eric Dupond-Moretti a clairement dit qu’il ne serait pas question de vider les prisons par des libérations anticipées. En cas d’afflux de prisonniers, des soupapes sont prévues. « Plus d’un millier de places sont disponibles avec les constructions de prisons à Caen et Troyes-Lavau ainsi qu’avec la rénovation de Fleury-Mérogis », assure l’entourage du garde des Sceaux. Problème, dans le bâtiment de Fleury-Mérogis à peine réhabilité – soit un coût total de 57 millions pour 26 000 mètres carrés – seul un petit quart des 400 places prévues est opérationnel. « A cause de nombreuses malfaçons », selon une source syndicale FO pénitentiaire.
« A l’aube des Jeux olympiques et des enjeux sécuritaires qu’ils font naître, l’ouverture de ce nouveau centre de détention tombe à point nommé », se félicitait pourtant le garde des Sceaux lors de son inauguration, en janvier 2024.
@malombard x
La crainte d’émeutes urbaines, un an après la mort du jeune Nahel à Nanterre, est exprimée
L’Opinion - le 21 mai 2024